Cameroun : l’incendie de l’hôpital de Kumba attise la crise anglophone

Symbole de la gravité de l’incendie, le bilan officiel fait état de quatre morts dont deux patients morts brûlés dans les flammes qui ont consumé l’hôpital du district de Kumba, ville du Sud-ouest anglophone. Le gouvernement camerounais soupçonne une origine criminelle au déclenchement du feu, attribué à une « horde de rebelles sécessionnistes» ; qui eux-mêmes pointent la responsabilité du gouvernement. La crise dans les régions anglophones qui dure depuis bientôt trois ans, s’en trouve attisée.
Ibrahima Bayo Jr.
Pour le gouvernement camerounais, le doute n'est pas permis: l'«incendie [a été] perpétré par une horde de rebelles sécessionnistes évalués à près d'une vingtaine».
Pour le gouvernement camerounais, le doute n'est pas permis: l'«incendie [a été] perpétré par une horde de rebelles sécessionnistes évalués à près d'une vingtaine». (Crédits : Reuters)

A Kumba, située dans la région du Sud-Ouest, le temps est au deuil et aux interrogations. Dans la nuit du 10 au 11 février, l'hôpital de cette localité située à 340 km de Yaoundé, la capitale du Cameroun, a été le théâtre d'un incendie ravageur dont ses habitants ont encore du mal à se remettre. Comment en est-on arrivé là?

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Une attaque-incendie: 4 morts dont 2 brûlés vifs sur leurs lits d'hôpital

Victime d'une attaque d'hommes armés non encore formellement identifiés, l'édifice sanitaire a été complètement consumé par le feu de l'incendie déclenché par les assaillants. Ces derniers « ont escaladé le portail de l'hôpital aux environs de 00H30, semant la panique par des tirs armés», relève un communiqué signé René Emmanuel Sadi, le ministre de la Communication.

« Ils se sont introduits dans les résidences des personnels et dans les principaux services de l'hôpital(...), incendiant au total, tous les bâtiments (...) de l'hôpital », relate la même source corroborée par plusieurs témoignages rapportés par la presse locale. Au-delà des dégâts matériels, le bilan de cette attaque-incendie fait état de 4 morts dont deux patients «brûlés vifs sur leurs lits» d'un hôpital désormais complètement en ruines. « Les assaillants ont tué quatre personnes qui se trouvaient à l'intérieur et incendié l'hôpital », complète un responsable administratif de Kumba interrogé par l'AFP.

Communiqué ministère de la Communication

Pourtant, la gravité de l'incendie,partagée dans une vidéo, est à la mesure de l'incurie des services sociaux dans la région anglophone. Selon plusieurs habitants, la localité ne possède pas d'une compagnie de sapeurs pompiers. C'est donc les gendarmes, dont le camp est situé à 500 mètres de l'hôpital qui sont intervenus face aux assaillants, vraisemblablement enfuis après leur forfait. Les familles des victimes ont donc sorti elles-mêmes leurs patients, relogés chez des bonnes volontés locales ou chez le préfet, selon un média local.

« Horde de rebelles»

Pour le gouvernement camerounais, le doute n'est pas permis: l'«incendie [a été] perpétré par une horde de rebelles sécessionnistes évalués à près d'une vingtaine». Une version contredite par la Southern Cameroon Activists Front (SCAF), une faction des séparatistes anglophones, qui attribue dans un communiqué partagé sur les réseaux sociaux, la responsabilité de l'incendie et la lenteur de l'intervention des forces de sécurité au gouvernement. «Le SCAF croit que l'acte du régime de Biya consistant à incendier cet hôpital vise à punir la population de Kumba et à provoquer la diaspora qui s'efforce d'aider cette population abandonnée», écrit le texte.

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Au-delà de la bataille des communiqués, l'incendie est intervenu la veille de la Fête de la Jeunesse, le 11 février, date marquant le jour du référendum qui a consacré la réunification du Cameroun français -colonie allemande placée sous administration française en 1919- et le Cameroun britannique- colonie sous administration de l'empire britannique. Comme à chaque festivité pour la célébration de cette date, une recrudescence des violences est enregistrée en zone anglophone.

Depuis 2016, Bamenda chef-lieu du Nord-Ouest et à Buéa et Kumba dans le Sud-Ouest sont en proie à une fièvre séparatiste qui a provoqué une crise larvée. Une crise qui a connu son paroxysme le 1er octobre 2007, lorsqu'avec à sa tête Sisiku Ayuk, leader séparatiste radical, a autoproclamé la sécession de l'Ambazonie dont il se réclame être le président. Il a depuis été arrêté au Nigéria et extradé au Cameroun où il est détenu.

Les auteurs de l'incendie de l'hôpital de Kumba ne sont pas encore clairement identifiés et appréhendés. Mais le drame a orienté encore plus les projecteurs notamment médiatiques sur la crise anglophone au Cameroun. Elle risque peut-être de l'attiser.

Ibrahima Bayo Jr.

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