Côte d'Ivoire : qui va prendre la place de Guillaume Soro au perchoir de l'Assemblée nationale ?

En février 2019, Guillaume Soro va finalement «libérer le tabouret» de la présidence de l'Assemblée nationale, selon une métaphore ronflante dans les rangs du RDR, l'ex-parti au pouvoir fondu dans la large coalition nouvelle dénommée RHDP. «C’est entendu, c’est réglé», a confirmé le président Alassane Ouattara, lors de ses vœux à la presse. Désormais, c'est vers le nom du successeur du futur ex-président de l'Assemblée que les spéculations se tournent. Au bas des marches, la bataille pour le perchoir fait rage et le lobbying des pressentis très intense. Voici les noms qui circulent le plus à Abidjan
Ibrahima Bayo Jr.
(De g. à d., premier plan) Daniel Kablan Duncan, vice-président de la Côte d'Ivoire ; Alassane Ouattara, le président ivoirien ; et Guillaume Soro, président de l'Assemblée, le mardi 10 janvier 2017 au siège de l'Assemblée nationale ivoirienne.
(De g. à d., premier plan) Daniel Kablan Duncan, vice-président de la Côte d'Ivoire ; Alassane Ouattara, le président ivoirien ; et Guillaume Soro, président de l'Assemblée, le mardi 10 janvier 2017 au siège de l'Assemblée nationale ivoirienne. (Crédits : Reuters)

Après son départ, la question de ses ambitions présidentielles, jamais démentie jusqu'à ce jour, devrait se poser avec beaucoup plus d'acuité. Mais en politicien madré, Guillaume Soro joue au maître des horloges et prépare une sortie honorable. Pour garder la main, il a délégué ses pouvoirs de président de l'Assemblée nationale à un de ses proches. Ce qui lui assure de reprendre la présidence de l'hémicycle à l'ouverture de la session parlementaire d'avril.

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 Aux dernières nouvelles, sa démission annoncée par Alassane Ouattara  en février devrait plutôt se faire en avril: le simple député de Fersékédougou qu'il deviendra après avoir rendu le marteau de président a décidé de prolonger son séjour aux Etats-Unis pour son doctorat à Harvard, là où on attendait son retour le 20 février. «C'est une manière détournée de démentir le président, de montrer qu'il n'est pas aux ordres», résume un analyste politique.

En tout cas, une chose est sûre: Guillaume Soro va descendre du perchoir de l'Assemblée nationale. Comme la date de son départ n'est connue que de l'ancien chef rebelle, beaucoup de prétendants se gardent d'officialiser leur ambition de lui succéder. Si les noms d'Amadou Gon Coulibaly ou encore de Hamed Bakayoko sont évoqués avec insistance, une candidature féminine entre Kandia Camara ou encore Anne Désirée Ouloto séduirait comme au Togo. Pour l'heure, d'autres candidats pourraient aussi faire valoir leur droit au siège du perchoir.

Mamadou Diawara, un doyen en quête de piédestal

Lorsqu'il préside la séance inaugurale de la première législature de la IIIe République, Mamadou Diawara a dû se plaire dans le confort de l'imposant fauteuil en cuir vert surmonté des armoiries dorées de la Côte d'Ivoire. A 77 ans, le doyen d'âge de l'hémicycle se voit ainsi offrir une occasion inopinée de le conquérir. A l'heure où l'Assemblée nationale, dont il est un des 11 vice-présidents, va se choisir un nouveau président, tous les regards de députés se tournent vers le septuagénaire.

Dans la course à la succession de Guillaume Soro, il pourrait faire valoir son statut de président du groupe parlementaire du Rassemblement des républicains (RDR), parti majoritaire dans la coalition du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). A coups d'attaques épistolaires, cet homme-lige d'Alassane Ouattara a pris la tête de la fronde contre le futur ex-président de l'Assemblée nationale et ses proches.

La délégation de pouvoirs du président de l'Assemblée à Oula Privat (un des proches de Soro) n'a pas été du goût du doyen en quête d'un piédestal. En guise de riposte, il a tenté de bloquer la solidarité des députés pour la levée de l'immunité des députés Jacques Gabriel Ehouo et Alain Lobognon, en conflit avec la justice. Il faudrait pourtant à Mamadou Diawara attendre de voir s'il sera reconduit à la tête du groupe des 164 députés RHDP pour assurer sa place au perchoir.

Adama Bictogo, le candidat qui avance sous un masque

A la tête de la Société nationale d'édition de documents administratifs et d'identification (Snedai), Adama Bictogo est typique de ces hommes d'affaires qui glissent dans la politique. A 57 ans, ce polymathe des affaires, ami intime d'Alassane Ouattara, est un des argentiers de l'ex-RDR dont il est le vice-président du RDR et député d'Agboville.

Connu pour son franc-parler, il est l'une des premières voix à avoir fait prospérer l'idée d'une démission de Guillaume Soro, si ce dernier refusait de se teindre aux couleurs du RHDP. «Après le 26 janvier [marquant la fin du congrès], tu es député, tu es président d'institution, tu n'es pas RHDP, tu libères le tabouret !», avait lancé le président du comité d'organisation du congrès de lancement de la nouvelle coalition présidentielle.

Etait-il pressé de prendre sa place au perchoir ? «Non!», répondent certains commentateurs qui avancent un mélange de genres entre affaires et politique qui risquerait de dissiper l'influent businessman. D'autres croient savoir qu'Adama Bictogo n'est que la candidature qui cache les ambitions de l'actuel Premier ministre de se positionner à un poste de haut prestige. A moins que l'ancien ministre de l'Intégration africaine ne soit lui-même le candidat qui avance masqué.

Amadou Soumahoro, le revanchard

Ces derniers mois, son influence est en berne sous l'effet du dépouillement de ses postes de responsabilité. En septembre 2017, il a dû rendre le tablier de secrétaire général du RDR au profit de Kandia Camara, l'actuelle ministre de l'Education. La même année, il a cédé sa place de président du groupe parlementaire du RDR (dont il est un des fondateurs) et on l'a enjoint de renoncer à se présenter à la présidence de l'Assemblée nationale contre un certain... Guillaume Soro!

En guise de consolation, il est vu bombardé ministre chargé des Affaires politiques à la présidence. Mais l'ancien ministre du Commerce sous l'ex-président Laurent Gbagbo serait bien inspiré de retenter sa chance au perchoir. Membre du directoire pour la formation des textes du RHDP, il a le soutien de jeunes députés qui lui doivent leur promotion.

«Tchomba», «le sage» en langue bambara, pourrait prendre sa revanche en se faisant porter à la tête de l'hémicycle qu'il connaît bien. Action téléguidée par l'intéressé ou volonté du pouvoir de réhabiliter ce fidèle que l'on disait «remisé dans les oubliettes» ? En coulisses, certains députés auraient même été approchés pour jauger le poids de cette figure de l'ex-RDR.

Félix Anoblé, au nom de l'Houphouëtisme

C'est l'un des premiers convertis à l'Houphouëtisme unifié d'Alassane Ouattara. Au plus fort de la brouille entre le PDCI d'Henri Konan Bédié et le RDR d'Alassane Ouattara sur le parti unifié, le député-maire de San Pedro tranche publiquement pour le président, en rupture totale avec la ligne de son parti. Cela lui vaut une exclusion.

Qu'à cela ne tienne, le président du «Forum des Houphouëtistes» est récompensé d'un poste de secrétaire d'Etat chargé des Petites et moyennes entreprises dans le gouvernement. Neveu de Daniel Kablan Duncan, le dauphin constitutionnel d'Alassane Ouattara, Félix Anoblé a rivé ses yeux sur une ambition qui pourrait consacrer sa carrière.

Volontairement incisif dans ses propos, ce nouveau prosélyte du Houphouëtisme se verrait bien au perchoir en guise de récompense pour le rôle de pourfendeur du PDCI qu'il s'est assigné. Mais la probabilité de le voir prendre la succession de la présidence de l'hémicycle est minime. L'homme traîne une lointaine réputation sulfureuse pour avoir été le numéro deux du «Commandant invisible», une milice pro-Ouattara ayant contribué à la chute de Laurent Gbagbo lors de la crise post-électorale. Mais peut-on le lui reprocher ? Après tout, c'est un ancien rebelle qui cède sa place à la présidence de l'Assemblée nationale.

Laurent Tchagba, la consécration des alliés

Ceux qui placent le nom de Laurent Tchagba sur la short-list des successeurs potentiels de Guillaume Soro avancent l'argument que sa consécration démentirait la mainmise du RDR sur le RHDP. Une élection du président du groupe parlementaire de l'Union pour la démocratie et la paix en Côte d'Ivoire (UDPCI) au plus haut siège de l'Assemblée signifierait une consécration des alliés de la nouvelle coalition.

A 65 ans, le ministre de l'Hydraulique connaît bien les arcanes de la politique et de l'Administration ivoirienne pour avoir travaillé dans plusieurs cabinets ministériels. Le député d'Attécoubé et secrétaire général de l'UDPCI aurait les faveurs de Mabri Toikeuse, l'allié d'Alassane Ouattara. Ce dernier aurait fort à faire de prouver que ses coalisés ne viennent pas dans le RHDP pour faire de la figuration.

Ibrahima Bayo Jr.

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