Ces présidents africains (encore au pouvoir) qui ont échappé à un coup d’Etat (1/2)

Son pouvoir n’a même pas vacillé. Malade en convalescence au Maroc, Ali Bongo, absent du Palais du bord de mer depuis deux mois, a peut-être prêté le flanc à la possibilité d'un coup d'Etat réussi. Mais le président est bien en place après le «coup d’Etat le plus bref au monde», avorté par l’intervention des forces de sécurité. Avant lui, d’autres présidents encore en exercice sont passés à côté du renversement. La Tribune Afrique en retrace le récit de quelques-uns.
Ibrahima Bayo Jr.
(Crédits : LTA avec Reuters)

Internet revient progressivement à Libreville et dans l'intérieur du pays. Les câbles peuvent être rebranchés maintenant que les forces de défense et de sécurité ont repris la main. Finalement, ce sont les hommes en treillis qui ont éloigné, pour un Ali Bongo malade et absent du pays, le spectre de la première tentative de putsch de l'histoire du Gabon. Avant le président gabonais, voici ces chefs d'Etat, qui sont toujours en place, après avoir échappé à un coup d'Etat

Obiang Nguema, une partie de chasse à l'avantage de la «panthère aux aguets»

Pendant deux jours, ce fut un black-out informationnel. Les autorités équato-guinéennes ne communiquent finalement que le 29 décembre 2018. C'est que les deux jours précédents ont fait tressaillir tout ce que la pétro-république d'Afrique centrale compte de politiques.

Nous sommes dans la nuit du 27 au 28 décembre 2018. Au Palais de Koete, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo passe les fêtes de fin d'année dans sa ville natale de Mongomo, à une centaine de kilomètres des frontières avec le Gabon et le Cameroun. Cornaqué par Mahamat Kodo Bani, le chef présumé de l'opération, un commando de mercenaires équato-guinéens, tchadiens, camerounais entre en Guinée équatoriale.

Au pouvoir depuis 1979, Teodoro Obiang Nguema qui a déjà échappé à un coup d'Etat en 2004 piloté par le mercenaire britannique Simon Mann, n'est pas novice dans l'art de déjouer les coups de force. Prévenu par les services camerounais qui ont intercepté un important arsenal, la «panthère aux aguets» fait ouvrir le feu des forces armées sur le commando. Préparé depuis Paris, mûri au Cameroun, le coup d'Etat avorté se solde par une dizaine d'arrestations parmi lesquelles celle du Tchadien Mahamat Kodo Bani, ancien membre de la garde présidentielle au Tchad, et Ahmed Yalo, un Centrafricain, frère d'un proche du président.

On parle d'éventuelles implications de l'ambassadeur de Guinée équatoriale au Tchad et de complicités sous-régionales. Idriss Deby et Faustin Archange Touadéra se pressent auprès de Teodoro Obiang pour nier toute implication dans la tentative de coup d'Etat. Mais la panthère est trop occupée à une purge dans le parti au pouvoir et l'opposition. Celui qui dénonçait un complot de puissances étrangères visant à le faire partir du pouvoir réclame la collaboration judiciaire pour faire la lumière sur le coup de force qui a fait vaciller son pouvoir.

Denis Sassou Nguesso, «coup d'élimination» de prétendants

Paranoïa au sommet de l'Etat ou méthode Coué détournée pour se rappeler le danger d'une perte de pouvoir par les armes ? Ces dernières années, Denis Sassou Nguesso, c'est un peu l'œil qui voit tous les coups. L'épidémie de procès pour atteinte à la sécurité de l'Etat qui vise de potentiels concurrents du président congolais depuis 35 ans est venue le rappeler à ceux qui sèmeraient dans leur esprit l'idée d'un renversement du régime par la force.

Dernière condamnation en date du 11 mai 2018, celle du général Jean-Marie Michel Mokoko. A 71 ans, cet ex-conseiller spécial du président congolais, devenu son rival à la présidentielle contestée de mars 2016, a été condamné à 20 ans de prison par la Cour criminelle de Brazzaville. Une vidéo datant de 2007, diffusée publiquement en prélude à l'ouverture de la campagne électorale, le montre en train de fomenter un coup d'Etat.

Pour les mêmes accusations, le général de division Norbert Dabira, ancien inspecteur général des Armées, a lui écopé d'une peine de 5 ans de réclusion. A son arrestation en février 2018, l'homme de 69 ans aurait déjà fini de ficeler un plan de renversement du pouvoir par l'abattage par tir de missile sur l'avion présidentiel. Les écoutes téléphoniques de novembre 2017 révèlent son imprudence lorsqu'il s'en ouvre au général Nianga Mbouala Ngatsé, l'ex-chef de la garde républicaine qui vend la mèche. Ce dernier sera remercié.

Pour l'heure, seul le général Emmanuel Ngouélondélé Mongo, ancien patron des services de renseignement, a échappé aux fourches caudines du pouvoir. Il a bénéficié d'un «règlement à l'amiable» en famille après une vidéo transmise à Denis Sassou Nguesso qui prouverait qu'il aurait louvoyé avec des mercenaires sud-africains afin de renverser le père de sa belle-fille.

«Atteinte à la sûreté de l'Etat». L'accusation est en tout cas très commode pour frigorifier des ambitieux ou des prétendants au trône du Palais du Peuple. Sans lien avec une tentative de renversement, ce chef d'accusation a jeté au bagne Jean-Martin Mbemba, ancien ministre d'État ; André Okombi Salissa, ancien ministre sans interruption de 1997 à 2016, tous en attente d'être fixé sur leur sort. Beaucoup y voient une manière de baliser la route de la succession à Denis Christel Sassou Nguesso, dans la lutte pour l'après-règne.

Pierre Nkurunziza, l'insubmersible ?

Nous sommes le 13 mai 2015. Le président Pierre Nkurunziza participe à Dar es Salam, la capitale tanzanienne, à un sommet sur la crise politique qui secoue son pays. Depuis la fin avril, une série de manifestations s'opposent au projet du président de se présenter à un troisième mandat, une violation de la Constitution.

Profitant de l'absence du chef de l'Etat, le général Godefroid Niyombare, l'ex-chef des renseignements, sent son heure venir. A la tête d'une poignée d'hommes, il investit les locaux de la radio-télévision nationale pour annoncer la destitution du chef de l'Etat et appelle les autres hommes de rang à boucler le pays en fermant les frontières terrestres, maritimes et aériennes. Mais le plan tombe à l'eau !

Les forces loyalistes, menées par les généraux Pontien Gaciyubwenge et Prime Niyongabo, quadrillent vite la capitale et mènent l'assaut contre les insurgés. En deux jours de combats acharnés, les officiers putschistes rendent les armes, à l'instar du général Godefroid Niyombare, Cyrille Ndayirukiye ou encore Zénon Ndabaneze. La situation est finalement sous-contrôle. Le 15 mai 2018, Pierre Nkurunziza peut rentrer via son fief de Ngozi dans le nord du pays, avant de rejoindre le Palais présidentiel de Bujumbura.

Quelques mois plus tard, le Burundi délivre des mandats d'arrêt contre des personnalités et organisations de la société civile accusées d'avoir reçu un financement étranger pour soutenir le coup d'Etat. En 2017, un communiqué du gouvernement burundais désigne formellement l'Union européenne comme l'argentier de personnes visant à déstabiliser le pays. L'organisation qui nie les accusations parle d'une mauvaise interprétation de son Programme de soutien à la démocratie. Pierre Nkurunziza qui a annoncé qu'il passera la main aux prochaines élections, en sort avec le bon rôle, celui d'un insubmersible.

Ibrahima Bayo Jr.

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