Tentative de coup d’Etat au Gabon : questions sur l’envers d’un putsch manqué

Finalement, le «Conseil national de restauration» n’a été qu’un feu de paille vite circonscrit. En moins de quatre heures, la tentative de coup d’Etat du Mouvement patriotique des jeunes des forces de défense et de sécurité(MPJFDS) a été mise en échec par le GIGN. Au-delà de son aspect saugrenu, le «coup d’Etat le plus bref au monde» charrie plusieurs questions que certains posent, parfois à la frontière avec le complotisme.
Ibrahima Bayo Jr.
Ondo Obiang était-il le pion d'essai de comploteurs tapis dans l'ombre qui l'aurait lâché au moment où son éphémère coup d'éclat empruntait la voie de l'échec ?
Ondo Obiang était-il le pion d'essai de comploteurs tapis dans l'ombre qui l'aurait lâché au moment où son éphémère coup d'éclat empruntait la voie de l'échec ? (Crédits : Reuters)

Ils ont pris le contrôle du siège de la RTG, la radio et la télévision nationale du Gabon vers 4 heures du matin. Moins de cinq heures plus tard, les cinq militaires du Mouvement patriotique des jeunes des forces de défense et de sécurité(MPJFDS) qui ont tenté un «coup d'Etat» ce lundi 7 janvier pendant que la capitale sortait de son sommeil, en ont été délogés par des membres du GIGN.

Pourtant au moment où Guy-Bertrand Mapangou, porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication, annonçait une «situation sous contrôle», Kelly Ondo Obiang, le «cerveau» présumé de la tentative de confiscation du pouvoir, était en fuite. Il ne sera arrêté sous un lit qu'après une fouille minutieuse des résidences qui jouxtent les abords immédiats du lieu où quelques heures plus tôt, il lisait le texte de son forfait. Si le calme semble à nouveau étreindre Libreville à mesure que l'électricité et la connectivité à Internet étaient rétablies, des questions escortent cette junte mort-née comme un feu de paille vite circonscrit.

Un vrai faux coup d'Etat pour faire taire toute velléité dans l'armée?

L'appel au soulèvement du lieutenant Kelly Ondo Obiang serait-il un trompe-l'œil ? Sous cape, beaucoup à Libreville croient en tout cas à l'idée d'un «faux coup d'Etat» orchestré par le pouvoir en place afin de prouver qu'une tentative de prise de pouvoir par la force n'aurait pas l'assentiment des casernes. Ce vrai faux coup d'Etat servirait en fait à Ali Bongo, absent du pays depuis deux mois, de jouer sur le moral des hommes en treillis afin de dissuader toute velléité de prise du pouvoir par les armes.

Sinon, comment comprendre qu'une seule poignée d'hommes en béret vert puisse aussi facilement investir et contrôler la RTG ? L'impréparation des co-putschistes du lieutenant Kelly Ondo Obiang n'explique pas tout. Un homme de son galon de membre de la Garde républicaine, qui s'imagine calife à la place du calife, se verrait plutôt, comme dans les putschs qui ont abouti ailleurs, prendre un siège du pouvoir plutôt que l'enceinte sans grande valeur symbolique du siège de la RTG. Ondo Obiang était-il le pion d'essai de comploteurs tapis dans l'ombre qui l'aurait lâché au moment où son éphémère coup d'éclat empruntait la voie de l'échec ? Etait-il une marionnette, comme le pensent d'autres, du pouvoir destiné à prouver qu'à Libreville, le pouvoir n'est pas accroché au bout d'un canon ? Autant de questions que l'enquête devra déterminer.

Un coup d'essai ou test de loyauté ?

Autre hypothèse, celui d'un coup d'essai. C'est un secret de polichinelle que depuis l'hospitalisation du président Ali Bongo, l'entourage présidentiel maintient une unité de façade. En réalité, il y a longtemps qu'il est fractionné en plusieurs clans rivaux qui se méfient les uns des autres, s'accusent mutuellement d'ourdir un complot et se mènent une guerre intestine en attendant le retour et l'arbitrage du «Boss». L'un de ces camps a-t-il tenté d'instrumentaliser l'homme au béret vert pour avoir la confiance du chef ? Les éventuelles complicités décelées pourraient éclairer cette hypothèse.

Plus hitchcockien encore, ce vrai faux coup d'Etat pourrait-il être le fait du pouvoir en place ? Il n'est pas exclu qu'avec un retour d'Ali Bongo toujours incertain, certains hauts responsables n'aient pas pensé un instant à imaginer leur place dans un scénario sans Ali. Dans ce cas, le coup d'Etat pourrait également constituer un test de loyauté pour les membres l'entourage proche du président gabonais. L'on agiterait un épouvantail-putschiste pour tester les réactions des uns et des autres si une telle situation venait à se présenter. Ce serait commode pour déceler ceux qui feraient bloc avec le noyau du pouvoir ou pas.

Enfin, dernière hypothèse qui revient dans les analyses. Le coup d'Etat n'aurait en fait rien à voir avec le pouvoir. Seul ou manipulé, le lieutenant Kelly Ondo Obiang aurait pris d'assaut le RTG afin de «restaurer la démocratie». Cette première tentative servirait à un ballon de sonde en direction de la réaction de la population et de la communauté internationale. Tout de suite après l'annonce du lieutenant Kelly Ondo Obiang, la police a dû disperser une centaine de citoyens sortis des quartiers immédiats, en soutien à la tentative de coup d'Etat. Beaucoup y voient une concomitance suspecte. Mais de là à imaginer une machination, il n'y a qu'un pas !

Ibrahima Bayo Jr.

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Commentaires 2
à écrit le 09/01/2019 à 9:38
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https://www.youscribe.com/BookReader/Index/3021981/?documentId=3401226 Il n'y rien à faire que de tenter et de retenter les coups d’État militaires. Cela fait partie de la tradition de l'Afrique qui ne peut jamais être calme, du moment que les pou...

à écrit le 07/01/2019 à 19:27
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Bravo Kelly Ondo Obiang, le message est passé que c'était possible, les Gabonais sont prévenus !

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