Togo : le gouvernement renforce le dispositif sécuritaire pour le scrutin de ce jeudi

Pour avoir les coudées franches, les membres du personnel de sécurité ont voté par anticipation avec un jour d’avance sur les plus de 3 millions d’électeurs convoqués aux urnes, ce jeudi 20 décembre. Entre boycott d’une partie de l’opposition, appel à manifestation des mouvements citoyens pendant le scrutin, le gouvernement a déployé un important dispositif sécuritaire pour sécuriser le vote. Le pays s’apprête à vivre la semaine de toutes les incertitudes et surtout de tous les dangers.
Ibrahima Bayo Jr.
(Crédits : Reuters)

« Nous disons toujours non à ces élections. Nous ferons ce qu'il faut pour qu'elles n'aient pas lieu ». En lançant ce bout de phrase en début de semaine, Brigitte Adjamagbo-Johnson, coordinatrice de la Coalition des 14 partis boycottant le scrutin, n'a sans doute pas pensé à l'usage de la violence mais à des moyens conventionnels. Rien n'y fait, le gouvernement n'a pas voulu tergiverser sur l'interprétation.

Police électorale, militaires en renfort

Ces dernières heures, le message d'avertissement du Général Damehane Yark a presque tourné en boucle entre deux programmes de la TVT, la télévision d'Etat. « A l'issue du vote des forces de sécurité et de défense ce mardi, on disposera des dispositifs disponibles pour renforcer ce qui est déjà en place. Des postes de gendarmerie et de police seront dégagés et confiés aux forces de défense pour leur permettre de renforcer leur dispositif sur le terrain », prévient le ministre de la Sécurité et de la Protection civile.

Depuis août 2018, le gouvernement togolais se préparait à l'éventualité de législatives agitées. Pour parer la menace, il a mis en place la Force Sécurité Elections 2018 (FOSE 2018), une « police électorale » composée de 8000 policiers et gendarmes entièrement dédiés à la surveillance, au maintien et au rétablissement de l'ordre aux des différents lieux du scrutin. Ce dispositif sera complété par des renforts de l'armée togolaise.

A Lomé,  Sokodé, Bafilo, Mango et Kpalimé, points chauds où les marches de contestation avaient viré à l'affrontement occasionnant parfois la mort de manifestants, le dispositif sécuritaire sera exceptionnellement renforcé lors de la période du scrutin et même au-delà. Mitrailleuses en bandoulière et matraque à la main, les éléments des forces de sécurité sont déjà visibles aux carrefours des grandes artères et aux lieux urbains stratégiques.

L'inquiétude de certains électeurs s'est même mue en  psychose avec cette série de messages vocaux largement partagés via les messageries Whatsapp, incitant les plus de 3 millions d'électeurs à ne pas faire le déplacement vers les 8 848 bureaux de votes le jour du vote. « Je vous en supplie, le jour du vote le 20, restez chez vous à la maison. N'allez nulle part. Le mieux c'est de faire des ravitaillements, faire des sauces pour ne pas être obligé de sortir le 20 décembre. Si vous n'allez pas voter, cela ne fait rien », lance une voix d'homme en mina, une des langues locales. Difficile de savoir pour l'heure si ces notes vocales d'entretien de la peur seront suivies d'effet.

A huis-clos, la semaine de la peur

A huis-clos, le pays entame à partir de ce jeudi, la semaine de tous les dangers. Sans véritablement céder sur les ajustements constitutionnels réclamés par une partie de l'opposition, Unir, la coalition présidentielle compte bien aller aux législatives. Sans doute Faure Gnassingbé y entrevoit-il la possibilité, via des réformes constitutionnelles par voie parlementaire, de briguer son fauteuil en 2020 et 2025, après 15 ans d'un règne qui devrait théoriquement s'achever en 2020.

En face, une coalition de 14 partis d'opposition, les représentants des communautés musulmane et chrétienne, ont plaidé jusqu'à la dernière minute, pour un report des élections en vue de permettre des réformes constitutionnelles et législatives pour l'équité du vote. Le front citoyen Togo Debout tout comme la plateforme de la société civile, « Espérance pour le Togo », ont lancé des appels répétés contre « l'obsession du pouvoir » à tenir des élections fortement décriées. Pour ne rien arranger, le Général Yark s'est laissé aller à quelques mises en garde pour ne pas dire menaces.

« Dans le code pénal, il y a des dispositions qui prennent en compte non seulement les exécutants mais aussi ceux qui les ont incités. Pour ceux qui croient qu'ils vont se réfugier dans les pays voisins, nous avons de très bonnes relations sécuritaires avec nos voisins. Dans la foulée, on va les ramener et ils comparaîtront devant le juge », a-t-il lancé. A quelques heures de l'ouverture des bureaux de vote, la peur est grandissante, les risques d'échauffourées aussi.

Ibrahima Bayo Jr.

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