Gabon : la charge des intellectuels contre la caution de la Cour constitutionnelle

Jusque-là la décision de la Cour constitutionnelle du Gabon de faire payer une caution pour instruire les contestations pré ou postélectorales n’avait été commentée que par les politiques. Il y aura désormais une riposte intellectuelle à l’idée même de la «caution de contestation électorale». Dans une tribune commune, 22 intellectuels s’insurgent contre cette mesure jugée «anticonstitutionnelle». Et les chiffres semblent leur donner raison. Détails.
(Crédits : Reuters)

Ce n'est pas un hasard s'ils ont choisi la veille de l'ouverture officielle de la campagne électorale pour les élections locales. Au poids de leur plume, ils sont 22 intellectuels, écrivains, économistes, journalistes, juristes, acteurs de la société civile à avoir co-signé une tribune contre «la caution de contestation électorale» décidée par la Cour constitutionnelle.

Quinze jours plus tôt, l'institution présidée par Marie-Madeleine Mborantsuo, surnommée Triple «M», avait pris la décision d'exiger à tout requérant à une contestation avant ou après des scrutins, la somme de 5 millions de Fcfa pour la présidentielle, 500.000 Fcfa pour les autres élections. De quoi refroidir les 33 candidatures rejetées pour les locales du 6 octobre prochain par la plus haute juridiction du pays, dont les décisions sont juridiquement incontestables.

Une riposte intellectuelle bien mûrie

Si une riposte politique a été apportée à la caution obligatoire exigée pour tout report, la riposte intellectuelle a eu le temps d'être profondément mûrie. Autour de l'analyste économique, Mays Mouissi, des intellectuels gabonais du pays ou de la diaspora, l'écrivain Mayft Nzaou, l'activiste Marc Ona Essangui, la militante Grace Tsigui Moussodou, la juriste Anaïs Edzang Pouzere, des avocats et économistes ont signé la tribune de 3 pages.

Cette dernière juge la mesure de la plus haute juridiction du pays, «anticonstitutionnelle» qui introduit via «une sélection par l'argent», une inégalité de traitement des doléances des citoyens gabonais devant la Cour constitutionnelle. «Le législateur et la Cour constitutionnelle du Gabon sont soumis au respect du principe d'égalité devant la loi, consacré par l'article 2 de la constitution gabonaise», rappellent les auteurs qui dénoncent également une mauvaise interprétation de la Cour des fondamentaux du droit.

«La méconnaissance du principe d'égalité par la Cour constitutionnelle discrimine deux types de justiciables, ceux dont les recours sont gratuits et ceux dont les recours sont payants. Par cette pratique, la Cour introduit ainsi, une différenciation entre les recours en matière électorale et les autres recours formulés devant elle. Dans le même sens, elle consacre une distinction entre les recours formulés devant le Conseil d'Etat en matière d'élections locales et ceux [..] devant son office en matière d'élections présidentielles, référendaires et législatives. Autrement dit, la Cour discrimine les justiciables qui vont la saisir en matière électorale et les justiciables qui vont saisir les autres juridictions», écrivent les 22 intellectuels.

Et de poursuivre: «L'intérêt de la Démocratie nous contraint à affirmer, solennellement, que la sélection par l'argent des recours contentieux en période électorale nous renvoie au vote censitaire, autrement dit ne pourront être candidats et électeurs que ceux qui sont nantis. Une situation injuste, inégalitaire, discriminante et dangereuse». Dont acte !

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