« Au Burundi, un homme se retourne dans son lit, et pas dans sa parole». Ce jeudi 7 juin 2018, face à ses inconditionnels à Bugendrana, dans son palais de Gitega, dans le centre du pays, Pierre Nkurunziza a trouvé le sens de la petite phrase qui marque les esprits. Tout comme son annonce surprenante de se retirer des affaires à la fin de son mandat actuel, en 2020.
Malgré la nouvelle constitution, Nkurunziza va soutenir son successeur
Élu en 2005, réélu en 2010 alors qu'il était seul en piste, puis en 2015 en violation de la constitution, Pierre Nkurunziza fonde son choix sur la promesse qu'il avait faite lors de sa dernière investiture de renoncer à se présenter à nouveau pour la plus haute fonction du pays. «Notre mandat s'achève en 2020», a fait savoir Pierre Nkurunziza dans son discours. Il ajoute qu'«en tant que Guide du CNDD-FDD (parti au pouvoir), je voudrais annoncer que je ne reviendrai pas sur ma parole».
L'annonce présidentielle est d'autant plus surprenante que la matinée qui a précédé son discours, le président burundais promulguait une nouvelle constitution, adoptée le 17 mai 2018 à plus de 78%, sur fonds d'accusations d'intimidations et d'arrestations d'opposants. Théoriquement, le nouveau texte permettait au président de 54 ans, de briguer deux nouveaux septennats à la tête du pays. Une éventualité écartée par ce discours qui fera date tout comme ses passages mis en exergue dans la presse locale.
« La nouvelle Constitution n'a pas été taillée sur mesure pour Pierre Nkurunziza comme le disent nos ennemis», a-t-il lancé. Puis d'assurer: «en ce qui me concerne, je me prépare à soutenir de toutes mes forces (...) le nouveau président que nous allons élire en 2020». L'affaire est donc pliée en déjouant toutes les conjectures sur une volonté supposée de Pierre Nkurunziza de rempiler.
L'autocrate a-t-il endossé le costume du démocrate?
Il faut dire que le désormais président sortant a fait clignoter tous les voyants qui laissaient entrevoir la possibilité pour lui de rempiler. Sa nomination comme « Guide Suprême Eternel» par le CNDD-FD dont il tient les rênes, ses relations exécrables avec les Occidentaux, sa constitution réformée étaient vus par ses opposants comme par les analystes comme une volonté de serrer la vis sur son pouvoir spirituo-temporel. Que nenni !
En plus de se proposer au service de son successeur, le président se retire donc de la Course vers l'immense nouveau palais présidentielle de Gasenyi, gracieusement offert par la Chine et qui doit être livré fin 2018. Il ne faut surtout pas douter que le président arbitrera le dauphinat pour sa succession au sein du CNDD-FD, pour se parer d'un parapluie de protection contre des envies vengeresses refoulées. Lui qui a régné d'une main de maître.
Son successeur pourrait donc faire son entrée au nouveau palais, tout comme le « jeu démocratique» au Burundi, dans une nouvelle phase et apporter du sang neuf à la politique. Toutefois, dans une Afrique où les humeurs des autocrates font souvent la météo politique, il faut bien se garder de prédire que le gourou Nkurunziza a revêtu les habits du démocrate.
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