RDC : l'ONU a découvert cinq nouveaux charniers en Ituri

Dans une récente enquête, le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’Homme (BCNUDH) fait état d’un bilan provisoire de 263 morts dans l’existence d’au moins cinq fosses communes découvertes dans la région de l’Ituri, à l’est de la RDC. Ces charniers pourraient s’apparenter aux violences interethniques qui se sont exacerbées depuis le mois de décembre 2017. Mais l’ONU ne profite-t-elle pas de la mise au jour de ces charniers pour avancer une carte dans le bras de fer qui oppose Kinshasa à des instances onusiennes sur le dossier de la crise humanitaire ?
Ibrahima Bayo Jr.

Les chiffres font froid dans le dos. Dans un rapport d'enquête publié le 25 avril dernier, les enquêteurs onusiens indiquent avoir découvert pas moins 263 morts, dont 91 femmes, et 120 villages pillés. Ils ont pu établir l'existence de 5 fosses communes à Blukwa Centre et Maze Waliba, dans la province de l'Ituri, à l'est de la RDC.

«Une violence inouïe» !

La mission conduite du 14 au 22 mars jette une lumière crue sur l'horreur d'une région en proie depuis décembre dernier à des affrontements entre les ethnies tribus pastorales Lendu et des éleveurs Hema. Les accrochages ont conduit à des déplacements massifs de personnes fuyant les violences vers l'Ouganda, le Burundi ou encore le Rwanda.

Les charniers découverts pourraient être la conséquence de ces affrontements qui conduisent parfois à des pillages, notamment ceux recensés entre la fin décembre et la mi-mars. Ces fosses communes ont été creusées par les proches des victimes pour éviter de déclencher un cercle vicié sanitaire avec les dangers de la putréfaction des corps laissés sans sépulture, selon l'enquête.

«Certaines [victimes] ont eu à faire face à une violence inouïe, des décapitations et des mutilations. Ce qui ressort de notre évaluation, c'est qu'évidemment les attaques étaient assez bien organisées et assez coordonnées. Ce qui laisse penser qu'il y a un certain délai d'organisation. Pour le reste, à l'heure actuelle, il est trop tôt pour nous de pouvoir dire concrètement s'il s'agissait d'un groupe armé, d'une milice armée. Donc nous continuons les vérifications. Je dois aussi rappeler que les autorités ont mis en place une commission qui travaille sur ces questions-là», fait remarquer Abdul Aziz Thioye, le directeur du BCNUDH à nos confrères de RFI.

Pourtant, au-delà de la tragédie, l'opportunité de l'enquête onusienne pourrait interroger. Avec le Kasaï-Central et le Tanganyika, l'Uturi où les charniers ont été découverts fait partie des provinces qui ont motivé le relèvement du niveau d'alerte de l'ONU : elles ont été déclarées en «situation d'urgence humanitaire».

L'enquête, un argument de l'ONU contre Kinshasa

S'il ne faut pas nier la réalité du drame des violences qui déplacent les populations fuyant la guerre, la maladie et la misère, la mise au jour des fosses communes intervient alors que le processus onusien pour enrayer la crise humanitaire semble être ralenti par ce bras de fer entre les autorités en place à Kinshasa et les organismes onusiens.

Ces derniers multiplient les déclarations pour dépeindre l'urgence et la description d'une situation humanitaire que Kinshasa qualifie de «fantasmée». Le lobbying actif de Kinshasa vers certains de ses partenaires avait considérablement réduit l'enveloppe de la conférence des donateurs de Genève, le 13 avril dernier. Quelque 520 millions de promesses de dons là où l'ONU tablait sur 1,7 milliard pour résorber la crise.

Depuis, la RDC a lancé une sorte d'agence tutelle sur tous les organismes humanitaires qui devront désormais montrer la destination et le bilan des fonds administrés. Comme une réponse au bras de fer avec l'ONU, la même agence recevra aussi des fonds propres de la RDC pour tenter de régler la crise interne.

Le pays se «radicalise» sur ce dossier sensible dont il estime qu'il porte atteinte à son image à l'international. Et jusque-là, les autorités se sont montrées insensibles aux tentatives de négociations de l'ONU. De là à imaginer que cette enquête dont le bilan est encore provisoire soit une carte de l'ONU pour infléchir la position de Kinshasa, il n'y a qu'un pas.

Ibrahima Bayo Jr.

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