RDC : vers une révision constitutionnelle avant les élections de décembre ?

Ceux qui font cheminer l’idée d’une révision de la Constitution congolaise indiquent vouloir lever le blocage de la candidature des binationaux. Mais cette idée lancée en ballon de sonde de l’opinion publique par Jean Pierre Kambila, directeur adjoint du cabinet du président congolais, est désormais soutenue par un groupe pro-Kabila. Et pourtant, derrière les apparences de sauveurs de candidats ayant la double nationalité se cache peut-être le joker du président pour rester au pouvoir. Les détails.
Ibrahima Bayo Jr.
La  révision de la Constitution par voie de référendum a tout l'air aujourd'hui d'une parade de plus pour permettre à Joseph Kabila de briguer un autre mandant à la tête du Congo.
La révision de la Constitution par voie de référendum a tout l'air aujourd'hui d'une parade de plus pour permettre à Joseph Kabila de briguer un autre mandant à la tête du Congo. (Crédits : Reuters)

La parade est subtile, mais pourrait cacher des visées plus sibyllines. Théoriquement, Moïse Katumbi, candidat de la plateforme «Ensemble» et opposant à Joseph Kabila, ne peut pas être candidat à la présidentielle de décembre en raison de sa double nationalité -congolaise et italienne.

100 000 signatures pour réviser la Constitution

Comme par hasard, le Groupe d'action des jeunes nationalistes(GAPN), mouvement proche du pouvoir, a décidé d'enclencher une sorte d'opération de sauvetage du candidat Katumbi via... une révision de la Constitution ! «Nous avons une Constitution porteuse de germes et de conflits. Nous souhaitons aujourd'hui qu'il y ait au moins l'inclusivité par rapport aux élections», justifie même, sans trembler, Aaron Mukula, président du mouvement au micro de nos confrères de RFI.

Comment le GAPN compte-t-il s'y prendre pour faire réviser la Constitution congolaise qui invalide les candidatures de personnes porteuses de la double nationalité ? Le mouvement associatif compte recueillir au niveau des régions de la RDC, et ce, avant les élections générales de décembre 2018, les 100 000 signatures pour amorcer un processus de référendum constitutionnel. L'idée d'une révision de la Constitution n'est pas nouvelle.

Comme un sondage d'opinion, Jean-Pierre Kambila, directeur adjoint du cabinet de Joseph Kabila, en avait lancé l'idée début mars dans un Tweet, sans plus de détails sur la démarche. Curieusement, le GAPN semble avoir puisé ses éléments de langage chez ce proche conseiller de Kabila. «J'ai écrit une petite brochure sur la nécessité de changer la Constitution en République démocratique du Congo. Pour renforcer notre pays et donner à l'Exécutif les moyens de sa politique. Et là, je n'ai fait que résumer dans l'espace que permet un Tweet. Donc, il n'y a aucune nouveauté chez moi», commente Jean-Pierre Kambila chez DW.

Pour autant, cette «bonne volonté» du pouvoir de sauver le candidat Katumbi est suspecte et pourrait même cacher le véritable projet de la majorité d'acter le glissement de Kabila, cette malice du président congolais de trouver la parade pour prolonger son bail au Palais de la Nation. L'organisation d'un référendum pour faire réviser la Constitution congolaise bouleverserait certainement le calendrier électoral qui fixe les élections générales au 23 décembre.

Parade du pouvoir pour piéger les opposants

En comptant le fait qu'il faudra tout un dispositif pour intégrer les nouvelles dispositions référendaires -si elles sont votées- dans l'ordre juridique congolais, il y a de grands risques que la date des élections générales soit reportée. Pire encore, les nouvelles dispositions pourraient même conduire à l'idée chère au pouvoir d'un découplage des élections en faisant supposément passer les scrutins locaux en priorité.

D'un autre côté, l'idée que fait prospérer le GAPN n'est pas sans intérêt pour le pouvoir. Elle enferme Moïse Katumbi dans un piège dont il aura du mal à s'en sortir. En dépit du fait qu'il clame avoir renoncé à sa nationalité italienne, l'opposant se voit offrir, avec cette proposition de révision, de faire sauter un obstacle pour concourir à la course à la présidence. S'il accepte, ce qui est peu probable, le piège du pouvoir se refermerait sur lui.

En attendant, cette situation profite à Félix Tshisekedi, sorti victorieux de la bataille de légitimité pour l'UDPS. En l'absence de son «frère», le fils du «Sphinx de Limete» se place en pole position du titre du «chef de l'opposition». Mais le pouvoir a déjà lancé une opération de séduction en sa direction, comme cette fuite sur sa nomination à la Primature, démentie par l'intéressé . Désormais, c'est sur le dossier de l'inhumation de son père, décédé depuis 14 mois, mais conservé dans une morgue de Bruxelles en attente d'inhumation en RDC que se joue une danse politique macabre.

Ibrahima Bayo Jr.

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