Agence de gestion des dons : la tutelle de Kinshasa sur les organismes humanitaires !

Quatre jours après la conférence onusienne de levée de fonds à Genève, Kinshasa a décidé de riposter avec la création de l’Agence de gestion de fonds humanitaires (AGFH). En dépit des dénégations des autorités congolaises, cet organisme taillé sur mesure, qui va regarder de très près les fonds alloués aux situations de crise, ressemble fort à une agence de tutelle pour les organismes humanitaires. Une stratégie de plus pour Kinshasa dans son clash avec l’ONU.
Ibrahima Bayo Jr.
(Crédits : Reuters)

Le bras de fer entre Kinshasa et l'ONU se poursuit. L'organisation internationale a recueilli 528 millions de dollars de promesses de dons pour la crise humanitaire dans les provinces du Tanganyika, de l'Uturi et les Kasaï. Loin de l'objectif initialement fixé de 1,7 milliard de dollars lors d'une conférence à Genève en raison d'un boycott et d'une offensive diplomatique de Kinshasa.

Secteur humanitaire sous contrôle

Furieuse que l'ONU ait passé outre sa bouderie, la RDC semble avoir enclenché la riposte avec  la création de cette curieuse Agence de gestion de fonds humanitaires (AGFH), annoncée lors du Conseil des ministres présidé ce 16 avril par Joseph Kabila à la Cité de l'Union africaine à Kinshasa. Un organisme paramétré pour superviser les ressources issues du «budget de l'Etat, de la solidarité nationale et internationale».

Le rôle de cette super agence ? «La canalisation de tous les flux financiers qui touchent le secteur humanitaire» pour mieux coordonner les actions des organismes qui œuvrent dans le pays. Façon diplomatique de mettre sous tutelle les ONG, organismes et associations internationales actives en RDC dans le domaine de l'aide humanitaire ou en tout cas de regarder de plus près dans leurs carnets financiers. Faut-il y voir une conséquence du bras de fer entre l'ONU et la RDC sur les termes et degré de la crise humanitaire que traverse le pays d'Afrique centrale ?

Le «non !» ferme de Bernard Biando, le ministre congolais de l'Action humanitaire, pour écarter toute accusation de serrer la vis sur l'action humanitaire en direction de son pays n'aura que peu convaincu les observateurs. L'annonce de la création de cette structure intervient quatre jours seulement après la conférence des donateurs de Genève du 13 avril dernier. « Coïncidence de dates », répondent les communicants du Palais de la Nation. «Troublante», complètent les pourfendeurs.

Le risque d'instrumentalisation

Dans tous les cas, dans son clash avec l'ONU, la RDC semble avoir franchi un nouveau cap. Si sur le papier l'AGFH n'a qu'un «droit de regard», les autorités ne disent pas clairement comment seront gérées les divergences de vues sur les fonds qui seront alloués aux organismes humanitaires. La question est d'autant plus prégnante que le fonds d'urgence humanitaire mis en place par Kinshasa peut accueillir de dons issus de la «solidarité internationale».

Une façon détournée pour le pays de traiter directement avec les pays donateurs sans passer par l'ONU comme elle s'est passée d'elle. Le risque se trouve dans la concurrence entre la machine de gestion humanitaire que Kinshasa est en train de mettre en place et le mode de gestion onusien qui se trouve ici remis en cause. Il n'est pas à exclure une instrumentalisation par la RDC du bras de fer avec l'ONU pour donner de la prééminence à ses propres agences. Au risque de sacrifier les victimes désespérées de la crise sur l'autel d'un supposé orgueil de souveraineté.

Ibrahima Bayo Jr.

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Commentaire 1
à écrit le 19/04/2018 à 15:57
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Non la volonté de souveraineté politique n'est pas une dictature, les gouvernements ont le droit de porter un regard sur les ONG et normalement ce sont les autorités d’état les mieux placées pour répartir l'aide. Ni les multinationales ni les ONG...

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