Cinq ans de prison : le vendredi noir de Khalifa Sall a bien eu lieu

Au vu de l’impressionnant dispositif de sécurité autour d’un Palais de justice bouclé par les forces d’élite et les gendarmes, ce vendredi 30 mars avait réuni tous les ingrédients d’une confrontation. L’annonce d’un verdict couperet qui condamne le maire de Dakar à cinq ans de prison pour «escroquerie sur des deniers publics» a déclenché une vive contestation dans le prétoire numéro 4, d’abord dans les rangs du millier de partisans de Khalifa Sall. Ensuite à l’extérieur du Palais de Justice où la police a tenté de disperser les manifestants.
Ibrahima Bayo Jr.
(Crédits : Reuters)

La salle numéro 4 du Tribunal correctionnel de Dakar a dû être évacuée. Perdu dans le décorticage de chaque chef d'inculpation pour lequel il se devait de rendre un verdict, le juge Malick Lamotte n'a même pas eu le temps de finir qu'une bruyante bronca, portée par plus d'un millier de personnes, s'est emparée de la salle.

Au milieu des vociférations du pool d'avocats qui s'est dressé pour protester, les gendarmes ont entamé l'évacuation du prétoire. S'en suit alors une rixe avec les partisans de Khalifa Sall, apparu dans le tribunal avec son inévitable boubou blanc immaculé.

Cinq de prison et cinq millions pour «escroquerie», d'autres délits écartés

Pour les délits de «détournements de deniers publics», «association de malfaiteurs», «blanchiment d'argent », le tribunal a prononcé la relaxe. Tout en lui déniant utilisation de «fonds politiques», le juge Lamotte a condamné Khalifa Sall, maire de Dakar depuis 2009, devenu député lors des dernières législatives, à cinq de prison, assortis de cinq millions de Fcfa d'amende. Sans devoir payer des dommages et intérêts à l'Etat.

Selon le verdict, en complicité avec Mbaye Touré, son directeur administratif financier à la mairie de Dakar, condamné à cinq ans de prison, Khalifa Ababacar Sall aurait usé de sa position pour détourner via un système de fausses factures de mil et de riz, la somme 1,8 milliard de Fcfa de la caisse d'avance municipale. Loin du réquisitoire du procureur de la République, Bassirou Guèye, qui plaçait la barre à sept ans de réclusion pour l'affaire dite de la «Caisse d'avance».

Ce qui n'a pas empêché les avocats de l'Etat de jubiler à l'annonce de ce verdict couperet qui a déclenché une rixe dans la salle et des manifestations vite dispersées par la police à l'extérieur du Palais de Justice. Et pourtant, jusqu'à la dernière minute de cette audience deux fois suspendue, les partisans du maire de Dakar, plus d'un millier, croyaient que la grève dans le secteur judiciaire allait entériner un report du verdict et que le juge Lamotte utiliserait ce temps pour se pencher à nouveau sur sa copie.

Après la bataille judiciaire, l'avenue du Palais

Après plus de deux mois d'un procès marqué par des rebondissements qui ont alimenté la chronique judiciaire et médiatique, Khalifa Sall, incarcéré depuis le 7 mars dernier, devra se contenter du confort minimal de la chambre spéciale à la prison urbaine de Rebeuss, la plus peuplée du Sénégal. Le temps que ses avocats, qui ont indiqué qu'ils feraient appel, tentent de faire casser cette décision qui le loge dans l'ancienne cellule de Karim Meïssa Wade, le fils de l'ancien président.

Mais la bataille du non-lieu sera aussi politique. Partisans et soutiens de Khalifa Sall sont persuadés que leur champion est emprisonné pour «délit d'ambitions présidentielles». Khalifa Sall paierait de sa liberté, son empressement à vouloir prendre le fauteuil de Macky Sall au Palais de la République au Plateau.

A la veille de l'ouverture de ce procès qui scelle en partie le destin du maire de la capitale, des frondeurs du parti socialiste(PS) ont lancé le mouvement «Rassure». Le maire qui a été élu député en faisant campagne depuis sa cellule n'a pas encore clairement affiché son ambition de se présenter à la présidentielle de 2019 pour barrer la route à la réélection de Macky Sall.

Néanmoins, le lancement de ce mouvement dans le sillage de son procès prend ici le sens d'une machine électorale destinée à fédérer autour de la personne de Khalifa Ababacar Sall. Pour le moment, cette confrontation est à relativiser. La montée en flèche de la popularité de l'édile de la capitale n'est pas encore parallèle à la réalité électorale du terrain, si l'on se réfère aux résultats des législatives.

En politicien madré, Khalifa Sall n'a pas besoin qu'on lui rappelle qu'avec ses déboires judiciaires, il bénéficie désormais d'un capital-compassion qui le propulse sur la liste des potentiels challengeurs du président sortant. En jouant la carte de cette proximité affective, il emprunte peut-être l'avenue qui mène ... vers le Palais !

Ibrahima Bayo Jr.

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