Togo : une grève de quatre jours paralyse les hôpitaux du pays

Les agents de la santé au Togo observent depuis ce mardi 13 mars et jusqu'au 16 du mois, une grève sèche sur toute l'étendue du territoire. Ce nouveau mouvement des salariés du secteur intervient quelques semaines après les sit-in observés devant les hôpitaux publics du pays, en guise d’avertissement lancé au gouvernement,

«A compter de demain mardi 13 mars, nous allons observer sur toute l'étendue du territoire, une grève sèche... Tous les patients non graves sont priés de rentrer chez eux.  Les morgues seront fermées. Il n'y a pas d'entrées, pas de sorties. Les urgences seront fermées, les caisses seront aussi fermées jusqu'à ce que le gouvernement satisfasse nos deux exigences fondamentales, nos revendications et la libération des professeurs, dont Majesté Ihou Wateba. C'est assez clair». C'est en ces termes que le Syndicat des praticiens hospitaliers du Togo (SYNPHOT) a lancé la grève après une assemblée générale organisée ce lundi 12 mars à Lomé.

Ce matin effectivement, dans la capitale Lomé et un peu partout dans le pays, la grève a été largement suivie avec des hôpitaux totalement à l'arrêt. Dans son allocution à l'adresse de ses collègues manifestants, Dr Gilbert Tsolenyanu, porte-parole du syndicat, déclare : «La réanimation, les services d'hémodialyse et le CNTS (centre national de transfusion sanguine, NDLR) peuvent fonctionner a minima. Nous n'allons pas être la main qui va achever nos camarades. Nous laissons la charge aux responsables desdits services d'organiser ce service minimum à leur niveau».

«Il n'y aura d'admission dans aucun service, y compris dans les urgences. Il n'aura pas d'interne, il n'y aura pas garde, etc. Tous les centres doivent ne pas fonctionner. Cependant, nous sommes des gens sensés. Peu ce que les gens disent de nous, nous ne sommes pas des meurtriers ; nous ne sommes pas des criminels », a jouté le porte-parole du Synphot.

Des victimes collatérales

Ces conditions de travail ne laissent pas les patients indifférents. Ils sont victimes de cette situation qui prévaut dans les hôpitaux et aussi victimes des mouvements de grève. «Mon enfant a besoin que le médecin le voie ce matin. Mais c'est extrêmement compliqué. Non seulement ils ne sont pas nombreux et ont un matériel très limité, mais ils sont encore en grève. Le gouvernement doit vraiment revoir tout cela», témoigne Ignace, parent d'un jeune patient hospitalisé au service de traumatologie.

Une situation que déplore aussi le corps médical. «Ce n'est pour nous un plaisir ou une fantaisie de refuser de soigner nos propres frères. Il faut que les malades comprennent que les conditions pour que nous puissions les prendre en charge ne sont pas réunies», explique Alassani, membre du SYNPHOT à l'hôpital de Bè.

Une plateforme revendicative qui date de plusieurs années

Le cahier revendicatif du personnel médical au Togo date déjà de très longtemps. «Nous avons fait un sit-in pour rappeler au gouvernement notre plateforme revendicative que nous avons introduite il y a fort longtemps. Celle-ci insiste sur nos conditions de travail dans les hôpitaux du Togo. Le second point de la plateforme concerne le manque de plateau technique. Par exemple, pour le centre Sylvanus Olympio, le scanner ne fonctionne plus depuis plusieurs mois», expliquait Ali Bana, biologiste au CHU Sylvanus Olympio et secrétaire général du Synphot (branche Sylvanus Olympio), l'année dernière déjà.

Selon lui, la pression sera maintenue afin d'avoir un geste des autorités. Ces revendications concernent le doublement de la valeur indiciaire, la réhabilitation de l'indice de départ à la retraite et l'apurement des arriérés à tous les retraités (y compris ceux partis le 1er avril 2011), et l'élaboration et l'application de tous les statuts particuliers identifiés par la loi portant statut général de la fonction publique.

A ces revendications s'ajoute une toute nouvelle, mais non des moindres : le SYNPHOT demande l'arrêt de toutes poursuites contre les professeurs de la faculté de science de la santé Ihou-Wateba et de deux étudiants. L'universitaire et les deux étudiants Léontine Amoudzi Tamekloe et Cédric Yann Foly Dosseh (ce dernier a été arrêté avec son père, le professeur Dosseh libéré quelque temps après dans son fils) sont placés en gardés à vue pour «fraude et complicité de fraude» au Service de renseignements et d'investigation (SRI). Une accusation rejetée par le syndicat qui soupçonne des manœuvres politiques.

Crise de confiance

Au gouvernement, on estime que les revendications doivent être discutées au cours d'un groupe de travail. Le ministre togolais de la Santé, Moustafa Mijiyawa, avait expliqué que les agents contractuels et non fonctionnaires du ministère doivent être affectés à la fonction publique afin de bénéficier des avantages y afférents. Sur les autres points, notamment la construction des infrastructures et l'équipement des centres de santé, le ministre a avancé qu'un plan a été déjà élaboré et adopté dans ce sens. D'après lui, le plan d'urgence de développement communautaire (PUDC) prévoit déjà d'équiper et de contractualiser certains districts sanitaires du Togo.

«Les efforts ont été engagés, mais beaucoup reste à faire et nécessiterait des réformes plus approfondies, d'où le concept de "la contractualisation"», avait indiqué le ministre de la Santé. Au sein du Syndicat, on avance déjà pense que la situation a atteint un niveau ingérable et qu'il faudrait «aller vite». «Nous avons eu par le passé des accords concernant ces points, mais ces accords n'ont pas été respectés par les gouvernants. Nous n'avons pas besoin d'aller dans un groupe de travail pour acheter un scanner ou un respirateur», a lancé le docteur Atchi Walla, secrétaire général du SYNPHOT.

Aux dernières nouvelles, les personnes interpellées ont été relaxées. Mais cette libération ne signifie pas une cessation du mouvement de grève. Le syndicat assure que le personnel soignant ne compte ne pas baisser les bras, jusqu'à satisfaction des deux points de ses revendications. «Nous sommes prêts à répondre partout où le besoin se manifestera. Nous avons toujours évité de faire une grève sèche, mais on nous y oblige et c'est avec détermination sérénité et conscience professionnelle que nous allons en grève sèche», a martelé Gilbert Tsolenyanu.

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