Guinée : la fronde contre Alpha Condé persiste

Les tensions sociopolitiques que connaît la Guinée depuis le mois de février dernier ne cessent de s’amplifier. Malgré les négociations entreprises par le gouvernement et l’appel au dialogue du chef de l’Etat, la grève des enseignants a été maintenue et l’opposition continue ses manifestations. Dans la ligne de mire des contestataires, le président Alpha Condé qui joue son avenir politique à quelques deux années de la fin de son second et, en principe, dernier mandat.
Alpha Condé s'est dit prêt à engager «un dialogue direct et franc avec toutes les forces vives de la nation pour parvenir à un large consensus sur les questions d'intérêt national».

Alpha Condé est toujours en zone de turbulences ! La grève illimitée des enseignants déclenchée depuis le mois de février était encore maintenue ce weekend, malgré la rencontre entre les syndicalistes et le chef de l'Etat, ainsi que les promesses du gouvernement de satisfaire certaines revendications.

Ce lundi 12 mars, les écoles sont toujours fermées et à la contestation syndicale est venue se greffer celle de l'opposition politique qui a appelé -pour aujourd'hui- à une journée «ville morte». A Conakry et dans plusieurs autres grandes villes du pays, des manifestations accompagnées parfois d'échauffourées, circonscrites certes, ont été enregistrées, ce qui tend à amplifier la fronde sociopolitique qui vise le chef de l'Etat guinéen et son gouvernement.

Depuis plusieurs semaines en effet, le régime d'Alpha Condé fait face à une vague de contestations sans précédent. Jeudi dernier, à l'occasion de la célébration de la Journée internationale des femmes, le président a été même hué par des femmes qui lui reprochaient un maigre bilan à la tête de l'Etat.

Dialogue de sourds

Face à la persistance de la crise sociale qui s'est étendue à d'autres secteurs, le président et son gouvernement jouent jusqu'à maintenant la médiation. Ainsi depuis quelques jours, Alpha Condé a entamé des séries de rencontres avec plusieurs couches socioprofessionnelles du pays qu'il appelle «la majorité silencieuse». Dans une adresse à la nation -qu'il était obligé de faire- ainsi que durant ses échanges avec les différents acteurs sociopolitiques du pays, le président Condé appelle au dialogue et s'engage à prendre ses responsabilités comme la rapportent les médias guinéens.

«Chacun d'entre nous peut comprendre ma préoccupation face à la grève des enseignants qui perdure au grand dam de tous, avec des conséquences malheureuses pour tout le pays et son système économique. Ma responsabilité première en tant que chef de l'Etat est d'être à l'écoute de tous et de trouver des solutions aux problèmes du pays dans un langage de vérité et de sincérité partagé, convaincu que seul le dialogue et la concertation sont en mesure de mettre fin à toutes les incompréhensions», a déclaré Alpha Condé

Le président guinéen se dit conscient des «difficultés du moment» ainsi que «des attentes légitimes des citoyens», mais affirme que son gouvernement travaille à améliorer les conditions de vie des populations. Visiblement plus enclin à faire des concessions, Alpha Condé multiplie les promesses comme celle du samedi dernier à l'occasion de sa rencontre avec les représentants de la société civile à qui il a promis de renforcer la lutte contre la corruption et le détournement des biens publics.

«Je vous demande de m'envoyer des rapports de vos enquêtes de détournements des fonds de l'État. Si je ne sanctionne pas, je vous demande à cet effet de demander mon départ», s'est engagé le président.

«Notre pays est en marche vers le progrès à condition que notre stabilité sociale ne soit pas menacée par des crises sociales à répétition et des conflits politiques permanents. Je m'emploierais personnellement à encourager un dialogue direct et franc avec toutes les forces vives de la nation pour parvenir à un large consensus sur les questions d'intérêt national», a ajouté le président guinéen.

Parallèlement à ce dialogue entrepris par le chef de l'Etat, des médiations sont en cours avec les syndicats de l'éducation. La semaine dernière, le gouvernement a fait part de ses propositions qui ont été certes rejetées par les syndicats, mais qui semblent être un début à la médiation, selon le porte-parole.

Risque d'escalade politique

La disposition du gouvernement au dialogue n'est pourtant qu'une des alternatives du pouvoir pour contenir la situation. En parallèle aux appels au calme et à la retenue, les tensions politiques ne font que s'exacerber, notamment entre le RPG, le parti du président, et l'UFDG, la principale formation de l'opposition de l'ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo.

L'opposition est en effet entrée dans la danse des contestations populaires depuis la proclamation, il y a une dizaine de jours, des résultats des élections locales qu'elle conteste. Afin de mettre la pression sur le gouvernement, la coalition de l'opposition entend désormais faire recours à la rue et a déjà lancé plusieurs mots d'ordre de manifestations dans tout le pays, comme c'est le cas ce lundi avec la journée «ville morte».

Pour les partisans du président, il ne s'agit là que «d'une tentative de l'opposition politique» de profiter de la situation pour déstabiliser le régime. La direction du RPG s'est d'ailleurs réunie hier dimanche 4 mars et s'est dite «prête à défendre Alpha Condé et son gouvernement» en réponse aux appels à la désobéissance de l'opposition.

Les prochains jours s'annoncent donc à haut risque pour le régime d'Alpha Condé, mais aussi et surtout pour le pays. La Guinée est certes habituée à l'explosion des tensions sociales ainsi qu'à des violences électorales, et alors que les prochaines élections prévues dans moins de trois ans se profilent, les esprits s'échauffent. Un mauvais présage pour Alpha Condé qui est déjà à mi-parcours de son second et, en principe, dernier mandat, même si certains lui prêtent l'intention de solliciter un troisième mandat à la tête du pays en modifiant la Constitution.

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