Fugace ! Cinq petites minutes seulement ont été nécessaires à Raila Odinga pour marmonner le court texte de serment préparé par ses équipes. En ce court laps de temps, le septuagénaire candidat malheureux à la présidentielle a signé un certificat qui fait de lui l'autoproclamé « président du peuple ».
Une longue attente pour une cérémonie "feu de paille"
La cérémonie, longue comme un feu de paille, est le symbole d'une promesse tenue pour l'opposant. Trois mois après sa défaite contre Uhuru Kenyatta actée par la Cour constitutionnelle, la « prestation de serment », initialement prévue en décembre, a finalement eu lieu. Sous très haute tension!
Très tôt le matin de ce mardi 30 janvier, les partisans de l'opposant, tissu blanc à la main, ont investi l'Uhuru Park qui jouxte le centre des affaires à Nairobi. Au même moment, la police qui avait annoncé qu'elle ne tolérerait aucun rassemblement a quadrillé un site presque bunkerisé. Avec les menaces de Githu Muigai, le Procureur général de « coffrer » l'impertinent séditieux pour haute trahison, il suffisait d'une étincelle de provocation pour déclencher des jets de pierre et des tirs de gaz lacrymogène.
Après une attente qui aura duré des heures pour certains, Raila Odinga, en tenue blanche et coiffé d'un chapeau noire n'a fait qu'une brève apparition, comme un saint de l'ethnie Luo à laquelle il appartient. Escorté des soutiens les plus radicaux, le maître de cérémonie du jour, l'avocat Titje Kajwang, coiffé d'une perruque et en robe noire à la manière des juges anglophones, a présidé une cérémonie qui laisse un arrière-goût d'inachevé devant des milliers de personnes.
« Président du peuple », un jeu de mots pour sauver la face d'Odinga
Petit couac cérémonial à relever. Raila Odinga s'est présenté au pupitre sans son « vice-président » et sans les membres de son administration. Mais ce mardi, Raila Odinga veut en faire un jour de fête. Bible dans la main droite, micros dans l'autre main, il a lu le court texte d'investiture qui lui a été préparé. « Moi, Raila Omolo Odinga, répondant à une vocation supérieure, acceptant d'entrer en fonction en tant que président du peuple de la République du Kenya, jure de faire allégeance au peuple et à la République du Kenya », a déclaré solennellement.
En fin politicien, la petite nuance volontairement glissée dans le texte est peut-être un sauf-conduit contre les foudres de poursuites pour haute trahison que lui promet le Procureur. Même s'il reste dans sa logique de contestation des résultats de la présidentielle d'octobre dernier, Raila Odinga ne s'est pas déclaré « Président de la République du Kenya ». Avec les blanc-seing de l'IEBC, la commission électorale et de la Cour constitutionnelle, cette fonction est légalement dévolue Uhuru Kenyatta que l'on imagine amusé depuis le State House qu'il occupe.
Raila Odinga s'est joué des mots en s'autoproclamant « Président du peuple », fonction inexistante, à l'abri de tout brevet et qui ne porte atteinte à aucune « souveraineté ». Les protestations du gouvernement qui a déclaré son mouvement « criminel » n'y changent rien même si elles laissent la porte ouvertes à d'éventuelles poursuites.
En se jouant des mots -et peut-être du droit kényan- Raila Odinga sauve la face devant ses partisans et continue d'entretenir hypothétiquement, le feu de la contestation. Cette nuit, lorsqu'il dormira dans sa résidence, loin des conforts et des dorures d'un palais présidentiel, il se souviendra peut-être que ce tintamarre de cérémonie d'investiture n'était en fait qu'un leurre !
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