Tirs à Bouaké : nouvelle mutinerie en Côte d’Ivoire ?

Quelques heures après la promesse du chef d'état-major des armées de mettre un terme aux mutineries qui ont rythmé le début de l'année à Abidjan, Bouaké, Daloa, Man, San Pedro et Korogho, les armes ont encore une fois parlé dans l'ex-fief de la rébellion. Situation incompréhensible, mais qui fait peser des risques d'instabilité sur la Côte d'Ivoire au moment même où Alassane Ouattara veut moderniser et réaligner les rangs de la «Grande muette».
Ibrahima Bayo Jr.
Un convoi d'unités des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (pro-Ouattara à l'époque), le 20 avril 2011 à Abidjan.
Un convoi d'unités des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (pro-Ouattara à l'époque), le 20 avril 2011 à Abidjan. (Crédits : Reuters)

«Il n'y aura pas de mutinerie en 2018». A peine Sékou Touré, le chef d'état-major des armées, a fini cette proclamation solennelle lors de la présentation de ses vœux au chef de l'Etat que les armes ont à nouveau crépité à Bouaké, au centre de la Côte d'Ivoire. Nouvelle mutinerie après l'annonce de radiation ? Echanges de tirs entre forces de l'ordre ? Simple exercice d'entraînement ou bavure ? La situation est en tout cas confuse.

Le CCDO en ligne de mire ?

Si à l'aube le calme semble être revenu et l'activité de la ville reprendre lentement, la nuit de jeudi à vendredi a été particulièrement agitée à Bouaké, à 350 kilomètres d'Abidjan. Autour du 3e bataillon d'infanterie militaire, un échange de tirs dans la nuit de jeudi à vendredi a fait un blessé. La victime appartient au Centre de coordination des opérations décisionnelles (CCDO,  selon RFI.

Le CCDO, illustration d'une militarisation de la sécurité dans les grandes villes ivoiriennes, est une unité de protection créée en 2013 et rattachée au ministère de l'Intérieur et de la sécurité alors dirigée par Hamed Bakayoko, l'actuel ministre de la Défense. Mais deux ans après sa création, sa sphère d'intervention a été étendue à Yamoussoukro et Bouaké.

Difficile pourtant de savoir si un conflit de compétences entre des éléments du CCDO et des soldats déployés à Bouaké est à l'origine des tirs enregistrés dans l'ex-fief de la rébellion ou s'il s'agit d'une attaque d'inconnus contre l'unité spéciale. En juillet 2017, le CCDO a essuyé une attaque d'individus armés non identifiés dans sa base de l'école de police située dans le quartier de Youpougon à Abidjan. Après un échange de tirs qui a fait au moins une dizaine de blessés, les assaillants ont réussi à emporter des armes.

Risques d'instabilité

Au-delà de l'attaque, le resserrement dans les rangs des Forces armées de Côte d'Ivoire, fruit de la fusion entre les forces régulières et l'ex-rébellion alors dirigée par Guillaume Soro, se pose plus que jamais. Les mutineries enregistrées entre janvier et mai 2017 ont mis au jour le manque de cohésion et de «discipline» dans l'armée.

Alassane Ouattara qui veut une «armée véritablement républicaine» a amorcé un plan pour la refonte des effectifs et la modernisation de l'armée. Le projet sera mené par son homme-lige, Hamed Bakayoko, qui devra accélérer la loi de programmation militaire de 2016. Le temps presse.

Même avec la mise à la retraite anticipée de certains militaires et la radiation symbolique de 230 militaires et gendarmes, punis parmi les 8 500 présumés fautifs pour avoir fait parler les armes pour réclamer des primes de 12 millions de  Fcfa. Loin des «réformettes», c'est la stabilité de la Côte d'Ivoire, traversée en 2002 et 2010 par des crises épisodiques politico-militaires, qui est en jeu à quelques mois de la présidentielle de 2019. Aujourd'hui, plus que jamais, les militaires devraient être cantonnés dans la discipline des casernes et leurs armes être tues.

Ibrahima Bayo Jr.

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