Zimbabwe : Mnangagwa nomme un gouvernement « 100% Lacoste »

Les discours de rupture politique au Zimbabwe auront duré moins d’une semaine après la prestation de serment d’Emmerson Mnangagwa, en témoigne la nomination des principaux chefs de l’armée à des postes ministériels. C’est un cabinet « 100% Lacoste » qui sera chargé de diriger le pays jusqu’aux prochaines élections prévues en 2018, sur les 22 ministres qui seront assermentés le lundi 4 décembre ne figure aucun membre de l’opposition.
Amine Ater

Le président zimbabwéen, Emmerson Mnangagwa vient d'annoncer des changements dans son cabinet, quelques jours après l'annonce de la composition de son équipe exécutive. « Des ajustements ont été faits pour assurer le respect de la constitution et des considérations de genre, de démographie et de besoins spéciaux », a précisé le premier décembre dernier, Mischeck Sibanda, secrétaire en chef du cabinet présidentiel, dans une déclaration à la presse.

Pas de retour aux casernes de sitôt

Le nouveau président a ainsi confié le portefeuille des Affaires étrangères au général-major, Sibusiso Moyo et celui des fonciers à Perrance Shiri, maréchal de l'armée de l'air zimbabwéenne. Mnangagwa a également fait appel à Patrick Chinamasa pour reprendre sa place à la tête du ministère des Finances. La composition de la nouvelle équipe qui sera assermentée le 4 décembre prochain ne respectera pas les promesses d'ouverture à l'opposition formulée lors de « transition assistée ».

Preuve en est, la nomination de Moyo, qui s'était exprimé la nuit du 15 novembre dernier à la télévision d'Etat pour annoncer « la saisie » du pouvoir par l'armée, mettant fin à 37 ans de règne de Robert Mugabe. Shiri est pour sa part connu au Zimbabwe pour avoir commandé la cinquième brigade formée en Corée du Nord déployée dans le Matabeleland en 1983 et qui aurait joué un rôle central dans la disparition de 20.000 personnes.

Loyauté avant tout pour Mnangagwa

Ce dernier sera chargé du très sensible dossier du foncier, dont la gestion est cruciale pour la relance économique du pays, sachant que les réformes agraires mis en en place au début des années 2000 ont conduit à la saisie de milliers de fermes exploitées par des blancs. Une politique qui a conduit à l'effondrement de l'économie zimbabwéenne. Ce « remaniement » express confirme également la mainmise de la faction Lacoste sur l'exécutif après que la faction rivale du G40 a été neutralisé lors du putsch.

Cette annonce va également à contre-sens des promesses de rupture faites par Emmerson Mnangagwa et confirme la montée en puissance des militaires qui ne semblent pas pressés de rentrer dans leurs casernes. Ces nominations renseignent également sur la valeur donnée à la loyauté par Mnangagwa, en témoigne le retour de Chinamasa au ministère des Finances. C'est au cours de son mandat que le système financier zimbabwéen s'est retrouvé paralysé à cause d'une pénurie de dollars.

L'émission de milliards de dollars de dette intérieure pour payer les fonctionnaires, décidée également lors de son mandat a aussi contribué à l'effondrement de la monnaie zimbabwéenne et à faire exploser l'inflation. Reste à savoir si Mnangagwa réussira à renverser la tendance sur le plan économique avant les élections prévues pour l'année prochaine. Le président par intérim a déjà fait savoir qu'il fera des réductions des dépenses « inutiles » sa priorité.

Rassurer les bailleurs de fonds

Le nouveau régime devra également reprendre le dialogue avec la communauté internationale, notamment les bailleurs de fonds et les instances internationales de manière à négocier une feuille de route pour le remboursement des arriérés issus d'une dette de 1,8 milliard de dollars contractée auprès de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement. Le Foreign Office avait d'ailleurs annoncé envisager d'accorder un prêt relais à Harare pour faciliter le remboursement de sa dette.

Il n'empêche que Londres a conditionné l'octroi de ce prêt à « l'évolution du processus démocratique ». Reste à savoir comment l'ex-puissance coloniale réagira au renforcement du rôle politique des militaires et si ces derniers passeront la main aux civils à l'issue des élections de 2018.

Amine Ater

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.