Libéria  : suspension du processus électoral, alors que Boakai dénonce des harcèlements de la CDC

Avec la suspension, ce lundi 6 novembre, du processus électoral au Liberia, à la veille du second tour prévu de la présidentielle entre l'ex-star du foot George Weah et le vice-président Joseph Boakai, la situation se tend dans le pays. «La Coalition pour le changement démocratique harcèle nos militants », avait alerté le vice-président Joseph Boakai jeudi dernier, lors d'une conférence téléphonique auprès de la presse internationale, faisant craindre un risque de violence.
L'ex-star de football George Weah et le vice-président du Libéria, Joseph Boakai.

La Cour suprême du Libéria a décidé de suspendre, ce lundi 6 novembre, le processus électoral au Liberia, à la veille du second tour prévu de la présidentielle entre l'ex-star du foot George Weah et le vice-président Joseph Boakai, sans fixer de nouvelle date au scrutin. Il est interdit à la National Electoral Commission (NEC) de «tenir le second tour de l'élection jusqu'à ce qu'elle ait examiné les recours» pour fraude présumée sur l'organisation du premier tour, a déclaré lors d'une audience très attendue le président de la Cour suprême Francis Korkpor.

Actuellement, des «éléments de preuves» circuleraient dans Monrovia, constitués de photographies de procès-verbaux révélant des chiffres incohérents. Fin octobre, les partis respectifs de Joseph Boakai, de Charles Brumskine et de Benoni Urey ont déposé une plainte auprès de la NEC pour dénoncer les fraudes électorales du 10 octobre, tout en pointant du doigt  l'ingérence de la présidente Ellen Johnson Sirleaf en faveur de George Weah, arrivé en tête à l'issue du premier tour avec 39% des suffrages.

«La NEC devra également expliquer les raisons pour lesquelles le recours du Parti de la liberté de Charles Brumskine (...) n'est pas fondé», a rappelé Joseph Boakai à la presse.

La présidente du Libéria, qui se dit victime d'une campagne de dénigrement, avait réagi en réunissant Alpha Condé, actuel président de l'UA et Faure Gnassingbé au titre de la CEDEAO, George Weah et Joseph Boakai, le 31 octobre dernier à Monrovia afin «de résoudre ces questions», selon un communiqué de la présidence.

Jeudi dernier, nouveau coup de théâtre, l'audience de la Cour suprême est reportée de 24h pour des questions de procédures, renforçant le climat d'incertitude autour du scrutin de ce 7 novembre et gelant toute opération électorale. Charles Walker Brumskine du Parti de la Liberté (LP) demande le remplacement de la commission électorale, laquelle prendra toutes les précautions pour sécuriser le second tour, ce qui laisse présager un vraisemblable report de l'échéance électorale...

Si les «fraudes massives et systématiques » étaient avérées, cela pourrait sensiblement retarder la tenue de nouvelles élections et fragiliser la stabilité de ce petit pays d'Afrique subsaharienne, déjà durement frappé par l'épidémie d'Ebola en 2014 (11 000 morts).

«Je ne peux pas vous dire aujourd'hui si les élections seront reportées, car je l'ignore ; mais l'important est que soit respectée la loi», avait précisé Joseph Boakai, jeudi dernier.

«Weah a fait ses preuves comme footballeur...»

«Je vous demande à tous de rester calmes (...) Je peux vous assurer que tout va bien», avait déclaré George Weah à l'issue de la rencontre du 31 octobre. Pas si sûr, au regard des tensions qui se développent à Monrovia, selon Joseph Boakai qui explique que «la Coalition pour le changement démocratique (CDC, NDLR) ne cesse de harceler les militants du parti de l'Unité ». Interrogé sur les risques de violence, il alerte la presse internationale :

«Nous espérons que la violence sera contenue, mais le risque existe. Des informations me sont remontées régulièrement et ce matin même, mon assistante personnelle a été agressée».

Une annulation du premier tour ferait craindre une escalade de la violence. Le vice-président répond en renvoyant la «balle» à Weah et aux militants de la CDC.

Parallèlement au risque de violence enregistré par les autorités, selon Joseph Boakai, le Parti de l'Unité a exprimé de nombreuses réserves sur la capacité de Georges Weah à relever les défis économiques, sécuritaires, sanitaires et sociaux du pays, dans le cadre d'une politique nationale volontariste. La devise est séduisante, mais «Changer le Libéria» est un slogan plus qu'un programme aux yeux de ses opposants.

Au sujet de son adversaire politique, le vice-président qui accuserait 10 points de retard, selon les résultats pour l'instant officiels du 10 octobre, reste évasif :

«Tout ce que je sais, c'est que George Weah était un grand joueur de football qui a fait ses preuves comme tel. J'ignore sa capacité à gouverner. Diriger un pays, ce n'est pas du football, c'est même très différent...».

In fine, Joseph Boakai a déploré la proximité affichée de George Weah avec Jewel Howard Taylor, l'ex-femme du seigneur de guerre qui avait déclaré au Guardian en 2012 que l'homosexualité «ne vient pas d'Afrique (...) Nous considérons les comportements homosexuels comme criminels », n'en déplaise à la presse internationale.

Pas d'immunité pour Ellen Sirleaf

Le soutien en demi-teinte de la présidente à son vice-président, mais aussi la présence de son fils Robert Sirleaf, ex-directeur de la compagnie nationale pétrolière (NOCAL) dans l'équipe de campagne de George Weah et les récentes accusations d'ingérence dont elle a fait l'objet, ont sans, nul doute, durablement entachés ses relations avec Joseph Boakai.

Lors de la conférence de presse, le vice-président assume son héritage et prend quelques précautions de langage envers celle que l'on appelle «Mama Ellen» et qui laisse un bilan en demi-teinte. Première femme présidente du Continent, la «dame de fer» libérienne a redressé un pays ravagé par des années de guerre dans les années 1990 en imposant de vastes réformes structurelles et en obtenant que la dette soit effacée, mais la fin de son parcours est entachée de soupçons de corruption.

Aussi, à la question de la possibilité d'un accord de protection qui le lierait à la présidente du Libéria, Joseph Boakai répond catégorique :

«Il n'y a pas d'accord, car nous avons une Constitution et personne n'est au-dessus des lois».

Joseph Boakai fin diplomate de la scène politique libérienne a expliqué à La Tribune Afrique que s'il était élu, il comptait bien «renforcer les réformes engagées ces dernières années (...) Le Libéria dispose d'un potentiel considérable et je veux ouvrir le pays au business !».

Ainsi, sans rejeter complètement sa participation au sein du pouvoir actuel ni ses actions menées auprès d'Ellen Johnson Sirleaf, il n'en écorche pas moins, l'ancien prix Nobel de la Paix (2011) de plus en plus régulièrement controversé dans un climat de tension électorale exacerbée.

On lui reproche également d'avoir invité les magistrats de la CNE dans sa résidence, faisant craindre un manque d'impartialité à l'opposition, même si le vice-président rassure : «Je crois à l'indépendance de notre justice», a-t-il déclaré à la presse.

En cas d'invalidation du premier tour, Joseph Boakai se retrouverait face à une vingtaine de candidats parmi lesquels, George Weah, toujours favori des sondages d'opinion.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 07/11/2017 à 12:57
Signaler
Je suis quand même surpris qu'on puisse "découvrir" des soit disant preuves de fraudes seulement la veille du second tour ... Çà sent l'enfumage ! Qui a le plus à perdre dans cette affaire ? Poser la question c'est y répondre. De plus, je trouve la...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.