Présidentielle au Kenya : jour de vérité électorale

Malgré toutes les peurs, la reprise de la présidentielle aura bien lieu ce jeudi 26 octobre, avec le blanc-seing de la Cour suprême qui s’est refusée à la reporter, mais en l’absence de l’opposant Raila Odinga qui a boycotté le scrutin tout en faisant planer le spectre de manifestations et d’obstruction au vote. Alors qu’une partie des 22 millions d’électeurs se rend timidement dans les bureaux de vote, le scrutin risque d’être perturbé avec un dispositif sécuritaire musclé déployé par le pouvoir d’Uhuru Kenyatta. C'est de l’issue du scrutin que dépend désormais la vitalité de la démocratie kényane.
Ibrahima Bayo Jr.
Accrochages entre policiers et manifestants, ce 26 octobre 2017, dans le bidonville de Kibera, au sud de la capitale kényane, Nairobi.

Aube perturbée à l'ouverture à 6H (3h GMT) des bureaux de vote. Des manifestants de l'opposition qui ont tenté d'empêcher une partie des 19,6 millions d'électeurs d'accéder aux bureaux de vote se sont violemment heurtés aux policiers déployés en masse en cette journée électorale à haut risque. Les accrochages entre manifestants et forces de l'ordre ont fait un mort dans les rangs de l'opposition, selon des sources policières et hospitalières. Un contraste donc avec le calme de la précédente élection. La crise politique déclenchée par la décision de la Cour suprême est passée par là.

Timide participation, beaucoup de couacs et de tensions

Ce jeudi 26 octobre, jour du vote, les Kényans ont répondu timidement à la nouvelle convocation aux 40 000 urnes pour choisir leur président pour les cinq prochaines années. Loin de l'effervescence de la présidentielle invalidée du 8 août dernier, l'affluence dans les lieux de vote est loin de former les longues files du précédent scrutin.

Pour ajouter aux couacs d'organisation, le matériel électoral a été parfois acheminé avec du retard et plusieurs responsables ou observateurs électoraux ont refusé de se déplacer par crainte de représailles. Une situation qui pourrait impacter le taux de participation avec plusieurs électeurs qui ont peur de se diriger vers les bureaux de vote.

Sur le plan politique, les dernières manœuvres du pouvoir et de l'opposition n'ont pas empêché le report du remake électoral, malgré le climat politique délétère qui a précédé le vote. La Cour suprême a maintenu le scrutin avec injonction à une commission électorale, blâmée pour son manque de crédibilité avouée, de réinscrire tous les huit candidats en lice pour la nouvelle élection.

Après les élections, le coût post-électoral pour la démocratie

A la veille du vote, l'opposant Raila Odinga, qui réclamait une réforme de la commission électorale, a maintenu son boycott du scrutin. En guise d'ultime riposte politique, il a demandé à ses partisans de manifester dans toutes les villes du Kenya en vue de créer un «mouvement national de résistance» contre la «dictature» qui s'est abattue sur le pays.

Dans sa ligne de mire, Uhuru Kenyatta, le président sortant, seul face à 7 autres petits candidats, part grand favori de cette reprise de vote qui aura nécessité une rallonge budgétaire exceptionnelle de 100 millions de dollars. Une enveloppe qui vient gonfler la facture d'une élection qui avait déjà coûté 499 millions de dollars, soit la plus coûteuse de l'histoire du pays. Mais c'est le coût post-électoral qui inquiète le plus l'économie la plus dynamique d'Afrique de l'Est.

Les marchés sont affolés par l'incertitude politique et surtout par la tension politique qui monte crescendo dans le pays. La probable réélection d'Uhuru Kenyatta sera pour le locataire du State House, au bout des nerfs, une sorte de victoire à la Pyrrhus. Au-delà, elle risque de générer une contestation post-électorale qui pourrait durer des mois. Dans ce climat de doutes couplé à des inquiétudes légitimes, la démocratie kényane vacille. Dans l'expectative, les observateurs de la vie politique espèrent un sursaut en ce jour de vérité.

Ibrahima Bayo Jr.

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