Cameroun anglophone : guerre de chiffres sur le nombre de victimes

Surenchère verbale dans la crise en cours dans les régions anglophones du Cameroun. Après les violents affrontements du week-end dernier au cours duquel des séparatistes radicaux ont décrété symboliquement l’indépendance des régions Sud-Ouest et Nord-Ouest anglophones, le Cameroun compte ses morts et ses blessés dans la controverse. Désormais, pouvoir et opposition semblent avoir enclenché une macabre guerre des chiffres sur le bilan, encore provisoire et non officiel, du nombre de victimes.
Ibrahima Bayo Jr.

Nouveau cap dans la crise aiguë qui secoue les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun avec pour épicentres de la contestation Bamenda et Buéa. Après la frayeur du week-end d'auto-proclamation d'indépendance de ces régions anglophones, le bilan des heurts entre indépendantistes radicaux et forces de l'ordre surarmées se fait dans la polémique.

Surenchère macabre autour des victimes

Au lendemain du week-end éruptif, des sources médicales (hôpitaux et morgues) sous couvert d'anonymat étaient les seules à communiquer sur le nombre de décès et de blessés liés aux échauffourées, les autorités en place à Yaoundé étant restées aphones sur la situation. Un silence dont s'est saisi John Frun Ndi.

L'opposant avait annoncé au lendemain des affrontements, que «la nuit dernière [le 1er octobre, NDLR] on me parlait de plus de 30 morts. La CRTV, la télévision d`Etat et d'autres informations parlent de 8 morts». L'annonce de John Frun Ndi a déclenché une surenchère verbale macabre avec le gouvernement.

Dans ce qui est sa première réaction sur le bilan, Issa Tchiroma Bakary, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, a réfuté les chiffres de l'opposition. Pour lui, l'intervention musclée de la Brigade d'intervention rapide (BIR) que l'on accuse d'avoir fait usage de balles réelles sur les manifestants qui ont bravé le couvre-feu et l'interdiction de circuler, ne s'est soldée que par un bilan de «moins de dix morts».

«C'est complètement faux à moins que ce ne soient des morts imaginaires, des morts virtuels. Il n'y a pas eu plus de dix personnes dont cinq prisonniers qui sont morts après avoir mis le feu dans leur prison», dément Issa Tchiroma Bakary à propos des chiffres avancés par l'opposition.

Un appel au dialogue, des conditions et une polémique

Après la répression des manifestations, la crise depuis onze mois dans les régions anglophones semble avoir opéré un glissement sur le terrain de la surenchère verbale. Même la temporisation de Paul Biya, via son appel à «un dialogue serein», est désormais sujette à la polémique.

Sur les réseaux sociaux, la réaction du porte-parole du gouvernement qui impose des règles de participation à ce dialogue fait jaser. Dans un entretien à la télévision locale Canal 2, Issa Bakary a émis l'idée d'écarter les porteurs et les souteneurs d'idées indépendantistes, allant même jusqu'à menacer la chaîne d'une fermeture. Plus loin, le ministre de la Communication a indiqué que les séparatistes devraient demander pardon avant leur participation au dialogue. Des propos qui ont enclenché un débat sur la liberté d'expression.

Malgré la polémique, dans les rangs de Front social démocrate (SDF, largement anglophone) et de l'Union démocratique du Cameroun (UDC, largement francophone), l'on se dit sensible au dialogue, mais «pas à toutes les conditions». Mais l'on signale que l'urgence de l'heure est de se pencher sur les causes des velléités sécessionnistes anglophones pour en éteindre définitivement le feu qui couve.

Ibrahima Bayo Jr.

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