Togo  : préoccupés par la situation dans le pays, les évêques plaident pour les réformes

La Conférence des évêques de l'église catholique au Togo s'est exprimée sur la crise politique qui secoue le pays depuis le 19 août dernier. Dans une déclaration rendue publique ce dimanche 17 septembre, les prélats togolais ont recommandé des réformes conformément à la Constitution de 1992 et ont condamné les violences.

C'était la voix la plus attendue jusqu'alors au Togo dans ce bras de fer qui oppose la majorité présidentielle aux partis de l'opposition. Ce dimanche 17 septembre, à travers une déclaration rendue publique, et adressée à «tous les fils et filles» du pays, les évêques catholiques togolais ont donné leur point de vue sur la question des réformes.

Réunis en conférence épiscopale extraordinaire, ils ont pris clairement position pour des réformes dans l'esprit de la Constitution de 1992. «Vivement préoccupée par la situation sociopolitique que nous vivons depuis quelques semaines, elle (la Conférence des évêques, NDLR) a jugé opportun d'organiser dans tous les diocèses, une prière de supplication en faveur de la paix, plus précisément en faveur des réformes institutionnelles et constitutionnelles. Son objectif est d'implorer la lumière de l'Esprit Saint sur les plus hautes autorités de notre pays afin qu'elles opèrent urgemment les réformes demandées par le peuple conformément à la Constitution de 1992», a expliqué la Conférence des évêques du Togo (CET).

Les «messeigneurs» estiment que ces réformes sont d'une importance «particulière» et sont la condition nécessaire pour la paix et la cohésion au Togo. « Elle est convaincue qu'elles sont indispensables à notre vivre-ensemble et invitent les protagonistes à s'inscrire dans une démarche responsable, sincère et constructive», a insisté la CET dans sa déclaration.

Les évêques ont démontré ainsi une position tranchée pour les réformes. Selon Monseigneur Nicodèmes Barrigah-Benissan, évêque du diocèse d'Atakpamé, ancien président de la Commission vérité, justice et réconciliation (CVJR) qui trouve que «l a demande de réforme du peuple est légitime », un bras de fer pour déterminer qui est le plus puissant a pris place entre « d'un côté, ceux qui pensent que les réformes doivent être faites le plus vite possible et de l'autre ceux qui estiment que le président a déjà fait suffisamment et qu'il doit rester au pouvoir ».

Commentant leur déclaration sur Radio Maria Togo, il a exprimé le fond de la pensée de la CET.

«Nous pensons qu'un débat de fonds doit être mené sur cette question afin que les réformes soient faites effectivement selon la Constitution de 1992 pour décrisper la situation et qu'on puisse passer à autre chose», a indiqué l'ancien diplomate du Saint-Siège.

Regrets et déception des évêques

S'ils recommandent les réformes le plus vite possible, les prélats togolais regrettent aussi qu'elles n'aient pas été faites plus tôt.

J'estime que si elles (les réformes, NDLR) avaient été faites plus tôt, on ne serait pas dans cette crise qui fait peur. Ceux qui veulent que les réformes soient faites doivent trouver en la Conférence des évêques, un appui et un soutien. Nous estimons que nous n'avons pas choisi un camp contre celui du peuple. Nous sommes avec le peuple et nous estimons que ce qu'il est en train de demander est plus que légitime», a laissé entendre Mgr. Barrigah.

Selon lui, les évêques s'attendaient après la remise du rapport de la CVJR au chef de l'Etat, Faure Gnassingbé, en février 2012 (rapports qui contenaient 68 recommandations), à ce que les choses aillent plus vite, afin de se diriger vers une décrispation, à la consolidation de la démocratie et partant, à l'apaisement du climat social. « Parfois, je me demande pourquoi des choses qui semblent aussi simples ne sont pas comprises par les autorités pour que les choses avancent », s'est interrogé l'évêque.

Les manifestations antagonistes, un danger pour le pays

La CET n'a voulu laisser aucun sujet inexploré. Alors que les manifestations de chaque côté (opposition et pouvoir) ont eu lieu ces dernières semaines et sont encore programmées des deux côtés les 20 et 21 septembre, les prélats ont tenu à avertir du danger que ces manifestations antagonistes représentent :

«Les Évêques demandent aux leaders politiques de notre pays d'éviter d'organiser le même jour des manifestations antagonistes, de peur que ces rassemblements ne débouchent sur des affrontements aux conséquences imprévisibles. De même, ils invitent les populations à ne pas céder à la tentation de commettre des actes de violence ou des représailles contre leurs frères et sœurs d'autres convictions politiques».

Evoquant toujours des violences lors des manifestations, les responsables de l'église catholique au Togo se sont montrés très déçus par les agissements des forces de l'ordre qui n'ont pas hésité à user de violence sur les citoyens. « Les évêques sont particulièrement préoccupés par les violences exercées par les forces de l'ordre et de sécurité sur les populations dans certaines localités de notre pays, après les manifestations des 6 et 7 septembre 2017. Ils condamnent l'usage excessif de la force contre des concitoyens, parfois jusque dans leurs propres domiciles. Les évêques estiment que les auteurs de ces actes ainsi que leurs commanditaires déshonorent le corps auquel ils appartiennent ainsi que la foi qu'ils professent », ont déclaré les prélats togolais.

Commentant leur déception, Mgr Barrigah-Benissan a ajouté. « Depuis quelques semaines, le climat est tendu, inutile de faire semblant que tout marche bien au Togo. Cela ne sert à rien. Le peuple attend des choses. En plus, il y a des informations qui nous sont parvenues faisant état de poursuites de gens jusque dans leur domicile. Nous estimons que si ces informations sont exactes, les forces de l'ordre et de sécurité font bien au-delà de ce qui relève de leur responsabilité. Ce n'est pas normal », a rappelé le patron du diocèse d'Atakpamé.

Des évêques «opposants» ?

Le message des évêques togolais a suscité plusieurs réactions. Si dans l'opposition, le message vient soutenir la lutte, du côté du pouvoir, on ne voit pas les choses de la même manière.

«Oui. C'est eux qui ont aidé à la rédiger en 1992. C'est leur bébé. Normal qu'ils veuillent leur bébé. La C. 1992 (Constitution de 1992, NDLR) est non consensuelle», a commenté sur son compte Twitter Koffi Sodokin, conseiller économique du président Faure Gnassingbé.

Il répétera même plus tard. «La C. 1992 au Togo est le bébé des évêques du Togo. L'Assemblée de la transaction était pilotée en effet par l'un de ces évêques. Ils sont OPPO (opposants, NDLR)», a dit l'homme politique.

Ce dernier fait allusion à Monseigneur Philippe Kpodzro, archevêque émérite de Lomé qui avait présidé la conférence nationale souveraine au début des années 1990. Malgré la qualité de son travail, le prélat n'a jamais pu faire l'unanimité dans le camp gouvernemental, ayant été souvent traité d'opposant dans ses prises de position.

Mais la CET avait déjà anticipé sur ce genre de réaction, appelant les hauts responsables de l'Etat à dépasser leurs partis. « De même, ils invitent les responsables des Institutions de la République à éviter d'afficher publiquement leur appartenance politique », a-t-elle exhorté.

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