Législatives au Sénégal : le report du scrutin définitivement écarté ?

Grande crainte sur les législatives. La sortie médiatique, ce dimanche 23 juillet, du président du groupe parlementaire de la coalition présidentielle avait fait craindre un report des législatives pour les nombreux couacs recensés pour la bonne tenue du scrutin du 30 juillet prochain. Une peur aujourd’hui écartée par une cascade de démentis du parti au pouvoir, de membres du gouvernement et même par une partie de l’opposition. Et pourtant, ces couacs n’ont pas été réglés.
Ibrahima Bayo Jr.
Lors des élections présidentielles de 2012, 5,3 millions de Sénégalais été inscrits sur les listes électorales.

Retard dans la distribution des cartes aux 6,2 millions d'électeurs, 147 listes en lice, une campagne acrimonieuse émaillée de violences, soupçons de fraudes présumées avec des doublons retrouvés un peu partout dans le pays,...

Dans le sillage de ces fausses notes dans le processus électoral qui pourraient entacher la crédibilité du scrutin législatif du 30 juillet prochain dans ce pays autrefois perçu comme un exemple de démocratie en Afrique, la sortie de Moustapha Diakhaté a sonné comme un sursis exutoire.

Vote ou report au 30 juillet, les annonces et les démentis se bousculent

Ce président du groupe parlementaire de Benno Bokk Yakkar, la coalition au pouvoir, a indiqué ce dimanche, lors d'une émission de radio, qu'il penchait en faveur d'«un report de quelques jours des élections législatives du 30 juillet afin de permettre aux électeurs de disposer de leurs cartes et d'accomplir, dans les meilleures conditions de sérénité, leur devoir civique».

«Le processus de fabrication des cartes et des bulletins est toujours en cours, et le dispositif de distribution ne permet pas jusqu'à présent, de délivrer les sésames à tous les ayants-droit, avant dimanche [30 juillet 2017, NDLR]», a même justifié Moustapha Diakhaté.

En creux, le responsable politique de la coalition présidentielle laissait même entendre que Macky Sall, le président sénégalais pencherait en faveur de cette solution sans que sa position soit considérée comme une dérobade. L'idée du report des législatives aurait même obtenu le consentement de plusieurs coalitions de partis.

Le seul qui bloquerait cette idée serait l'ancien président Abdoulaye Wade qui, ragaillardi par son tour du Sénégal, se voit en position de force. Moustapha Diakhaté aurait alors pris langue avec Oumar Sarr et Madické Niang, deux des proches de l'ancien président, pour infléchir sa position.

Autant d'indices qui laissaient présager un report des élections à une date ultérieure. Mais ce lundi 24 juillet, dans une communication cacophonique, une cascade de démentis venus du pouvoir écarte aujourd'hui la perspective de reporter les législatives.

«Macky Sall trouve les déclarations du président du groupe parlementaire BBY dénuées de tout fondement. C'est totalement faux ! Les élections se tiendront à bonne date. Il est impensable de reporter les élections», aurait confié Macky Sall à une source digne de foi citée par le journal l'AS.

Même son de cloche à la Primature où on indique par voie de communiqué que «tout report de la date de l'élection est irréaliste et illusoire. Le président Macky Sall et son gouvernement respecteront toujours la loi et le calendrier républicain». Le communiqué «incite les électeurs [à] continuer à récupérer leur carte pour participer au choix des 165 députés qui composeront la 13e législature».

«Nous apportons un démenti formel à l'information distillée dans la presse et aux propos mensongers de Moustapha Diakhaté qui parle d'une rencontre avec Monsieur Mazide Ndiaye [président du Gradec (société civile, NDLR] ou avec qui ce soit pour discuter d'un éventuel report des élections législatives de dimanche prochain», ont renchéri Oumar Sarr et Madické Niang dans un communiqué.

Le pouvoir a-t-il lancé un ballon de sonde avant de se dérober face à l'impopularité d'une mesure de report ? Difficile en tout cas d'imaginer le président du groupe parlementaire avoir les coudées aussi franches pour souffler, en cavalier seul, l'idée d'un report.

Vers un scrutin en deux dates?

En tout cas, l'annonce a produit l'effet inverse à ce qu'aurait prétendument voulu Macky Sall : ne pas faire passer l'idée d'un report pour un aveu de faiblesse dans les urnes. Avec un Abdoulaye Wade en «messie-vengeur» et les autres coalitions qui mènent des assauts politiques de toutes parts, l'opposition qui pointe la mal-organisation du scrutin compte maintenir la pression avec une marche de colère ce mardi 25 juillet face à un pouvoir qui semble plus que jamais en difficulté.

Pire, à une semaine du vote, la confection et la livraison des cartes d'électeurs se font au compte-gouttes. Résultat, plus de 2 millions sur les 6,2 millions n'ont pas encore reçu leurs cartes. La campagne qui s'est ouverte le 8 juillet dernier a connu une flambée de violences entre partis et des soupçons de fraudes électorales sont régulièrement pointés.

Dans ce contexte, le report des élections pourrait permettre de calmer la brutalité d'une campagne déjà bien trop astringente. Seul hic, convaincre les partis politiques et les coalitions qui ont déjà dépensé des dizaines de millions de francs CFA, de mettre la main à la poche pour financer leur promotion pendant les jours de rallonge.

Une troisième voie a été soufflée par Habib Sy, issu pourtant du camp du PDS d'Abdoulaye Wade : la tenue du scrutin en deux temps : un premier scrutin pour les électeurs qui ont déjà récupéré leurs cartes, le 30 juillet. Le second scrutin se tiendra quinze jours plus tard, après avoir résolu les couacs soulevés. Cela voudrait dire un financement exceptionnel non prévu par la loi des Finances. Encore faut-il que son appel trouve un écho favorable pour les élections les plus coûteuses de l'histoire du Sénégal.

Ibrahima Bayo Jr.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.