Violences post-électorales au Gabon : la CPI arbitre un nouveau « Ping-Bong »

Jusqu’où ira cette rivalité fratricide entre les camps d’Ali Bongo Ondimba et de Jean Ping ? Par plaintes interposées, déposées sur le bureau de Fatou Bensouda, les deux ex-beaux-frères se sont attraits à la barre de la Cour pénale internationale (CPI). L’institution basée à La Haye est chargée de faire la lumière sur les accusations de «génocide» et de «crimes contre l’Humanité» supposément commis lors de la crise post-électorale. Pour faire la lumière sur cette affaire, la CPI devrait se plonger dans le remugle du passif non encore soldé de la réélection contestée d’Ali Bongo Ondimba en août dernier.
Ibrahima Bayo Jr.
Jean Ping et Ali Bongo.

Nouvel épisode de «Dallas» avec une intrigue bien gabonaise ! Les experts de Fatou Bensouda sont arrivés à Libreville, ce mardi 20 juin pour un séjour de 72 heures, dans le cadre de l'enquête préliminaire sur les «crimes contre l'Humanité» et «génocide» dont Ali Bongo et Jean-Ping se renvoient la responsabilité.

Mission de compléments d'enquête

«La CPI ne vient attraper personne. Il n'y a personne qui ira en prison parce que la CPI est arrivée», désamorce Alain-Claude Bile By Nze, le porte-parole du gouvernement gabonais, à la veille de l'arrivée des experts dépêchés à Libreville par la juridiction internationale. Officiellement en effet, les experts viennent d'abord établir des contacts avec les ministres de la Défense et de l'Intérieur et se faire une idée de la situation sur les «lieux des crimes».

Mais les limiers de Fatou Bensouda vont également prêter oreille aux thèses de l'opposition sur les violences post-électorales consécutives à la réélection contestée d'Ali Bongo. Objectif, rassembler des éléments complémentaires aux dossiers d'accusations du pouvoir et de l'opposition, déposés sur le bureau de la procureure de la CPI.

Contesté mais confirmé après réélection aux fortes odeurs de fraudes, Ali Bongo Ondimba s'était empressé de déposer à la fin septembre 2016, une plainte sur le bureau de Fatou Bensouda. Procès-verbaux, discours et plaintes à l'appui de son dossier, le pouvoir accuse Jean-Ping d'avoir concocté «un plan pour attiser la haine», de vouloir «provoquer des violences» et même «inciter à commettre un génocide» lors des violences post-électorales de l'été 2016.

A défaut de céder le fauteuil présidentiel qu'il occupe depuis la mort de son père, Ali Bongo a voulu sculpter un fauteuil dans le box des accusés à La Haye à Jean-Ping, l'autoproclamé «président élu du Gabon». En face, le candidat malheureux de la présidentielle du 27 août 2016 a voulu apporter une riposte à la hauteur de l'«affront».

Trois mois après la plainte de son ex-beau-frère, Jean-Ping avait aussi saisi la CPI d'un dossier à ce jour confidentiel. La plainte du candidat malheureux à la présidentielle contiendrait plusieurs éléments accablants que les autorités du Palais du bord de mer se garderaient bien de renifler au risque de tomber en syncope pour «crimes contre l'Humanité».

Un nid de guêpes secoué dans le nouveau «Ping-Bong»

Un «Ping-Bong» dans la course à la dénonciation de crimes qui risque de relancer la rivalité fratricide entre les deux ex-beaux-frères, chacun étant décidé à faire enfiler à l'autre la camisole de prisonnier de La Haye. En arbitre, l'institution que préside Fatou Bensouda, qui subit une fronde africaine, tient ici une occasion en or de restaurer sa crédibilité entachée par des accusations de fixation sur les Africains.

Des accusations que l'on ne pourra pas remettre sur le dos de la CPI lorsqu'elle situera les responsabilités que se renvoient les frères ennemis dans les violences post-électorales qui ont fait une trentaine de morts, plusieurs blessés, de nombreux disparus et d'importants dommages matériels. Cette fois-ci, ce sont les acteurs mêmes de la crise qui ont sollicité l'institution de Fatou Bensouda.

A l'heure où tombera le couperet de son verdict, il leur appartient d'en assumer toutes les conséquences. Mais les ex-beaux-frères connaissent bien ce proverbe tiré de la sagesse gabonaise : «Qui secoue un nid de guêpes, doit savoir courir !»

Ibrahima Bayo Jr.

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