Mutineries en Côte d’Ivoire : oubliés, les démobilisés se rappellent à Ouattara

Mutins et millionnaires. Le statut fait visiblement des émules. Alors que les rebelles récupéraient une partie de leur gain obtenu du bout du canon, leurs collègues démobilisés se rappelaient aux souvenirs des autorités en place à Abidjan en bloquant momentanément la circulation dans les artères d’Abidjan et de Bouaké. Pendant un bref moment, le souvenir de la bruyante clameur des casernes a gagné les riverains. Détails.
Ibrahima Bayo Jr.
Un barrage filtrant de soldats mutins à l'entrée de Bouaké.

Officiellement, trois morts, quatorze blessés dont 4 graves sont répertoriés ce mardi dans les rangs des démobilisés lors d'affrontements avec la police, ce mardi matin à Bouaké, ville située au centre du pays. Sur les réseaux sociaux, on n'hésite pas à parler de cinq morts. Depuis ce lundi, des démobilisés réclament 18 millions de FCFA de primes à l'Etat ivoirien comme leurs frères d'armes des ex-rebelles des Forces nouvelles. Le mouvement d'humeur qui s'est intensifié ce matin, avait commencé 24 heures plus tôt.

«On veut notre argent !». C'est le slogan de protestation qui a accueilli très tôt ce lundi 22 mai les automobilistes qui empruntaient le corridor Gesco à l'entrée nord d'Abidjan, la capitale économique. Vers 7h (heure locale), une cinquantaine de démobilisés ont bloqué cette artère très fréquentée pour réclamer à l'Etat le même traitement que les mutins. «A l'aide de pneus, de monceaux de bois et de briques, ils ont érigé des barricades pour barrer la route et ont obligé les automobilistes à rebrousser chemin», confie un usager de cette route joint à Abidjan par La Tribune Afrique.

Manifestation étouffée à coups de lacrymogènes

Rapidement, le Centre de coordination des décisions opérationnelles (CCDO) a déployé la Brigade anti-émeute (BAE) de Yopougon qui, après une brève négociation et des tirs de sommation, a tiré des grenades lacrymogènes pour disperser les manifestants. «La débandade était générale pour les gens qui essayaient de reprendre leurs activités normales. Après les événements passés [les mutineries, ndlr], les gens ont vraiment eu peur de revivre la même chose», poursuit notre interlocuteur.

Finalement dépourvus d'armes comme leurs ex-collègues des casernes, les démobilisés ont plié sous la fumée des lacrymogènes et le corridor a pu être ouvert à la circulation après une bonne trentaine de minutes de blocage. Au contraire des mutins qui venaient ce matin-là récupérer leur gain obtenu du bout du fusil, les démobilisés n'auront pas obtenu l'argent qu'ils réclamaient.

Pourtant, à quelques kilomètres de là, à Bouaké, épicentre des mutineries depuis janvier et capitale de la rébellion, la situation a failli virer à leur avantage. Mariatou Koné, la ministre de la Solidarité, de la femme et de la protection de l'enfant, y a passé un quart d'heure qui lui aurait donné des sueurs froides.

Pillage des populations, l'arme de revendication des démobilisés

Venue présenter la «compassion du gouvernement» suite à la mort d'un jeune démobilisé, la ministre a été violemment prise à partie par des démobilisés. Il s'en est suivi un tohu-bohu «indescriptible», selon un témoin qui a assisté à la scène. Cernée par des contestataires de plus en plus menaçants, vociférant des injures, Mariatou Koné n'a eu son salut qu'à la célérité de son exfiltration par le personnel de sécurité après des minutes de frayeur qui ont fait planer sur elle l'ombre d'une «séquestration».

A titre de rappel, les démobilisés avaient combattu dans les rangs des ex-rebelles pour Alassane Ouattara lors de la crise post-électorale de 2010. «Mais au moment où les ex-rebelles étaient incorporés à l'armée, eux ont été désarmés puis aidés à s'insérer dans la vie civile, soit parce qu'à ce moment ils avaient plus de 40 ans, et donc trop âgés pour devenir des soldats de rang; soit parce qu'ils avaient moins de 18 ans et donc mineurs au moment de l'intégration ou alors, ils n'étaient pas de nationalité ivoirienne», explique le journaliste Frédéric Goré Bi, joint par La Tribune Afrique.

Prenant exemple sur leurs anciens frères d'armes, devenus millionnaires par de terrifiants bruits de bottes, les démobilisés, grands oubliés de cette distribution de primes, ont aussi voulu tenter le coup de force pour obtenir leur «part du gâteau». Une semaine avant les mutins, ils avaient organisé une bruyante manifestation, sans rien obtenir de l'Etat.

Pour le pouvoir, c'est une erreur de croire que, sans fusil en bandoulière, les démobilisés ne représentent pas de menace sérieuse. Rien que leur nombre, estimé à 6 000, disséminés un peu partout en Côte d'Ivoire sans possibilité de pouvoir les identifier avec certitude, pose un grand problème sécuritaire dans le pays. A l'heure où des armes ont disparu sans trace, la peur que ces mécontents mettent la main sur ce trésor de guerre, n'est pas que fantasmée.

Plus que cette stupeur, c'est leur capacité de nuisance aux populations qui pose un grand problème. «La crainte que les gens ont vis-à-vis des démobilisés, c'est que ces derniers pillent les populations pour se faire entendre», confie un habitant de Bouaké. Les démons du passé n'ont pas encore fini de refaire parler d'eux.

Ibrahima Bayo Jr.

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Commentaire 1
à écrit le 23/05/2017 à 20:58
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Les corps armés d'états africains, polices ou armés ne sont que des parasites qui ne servent qu' a fomenter des coups d'états et à rançonner la population quand ce n'est pas des pillages et des crimes.

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