RDC : le Kasaï retrouve une paix fragile

Le week-end dernier fera date comme le début de l’épisode qui vient mettre un terme à la tragédie kasaïenne. Après plusieurs jours de tractations et de concessions, le pouvoir central et la famille Kamwina Nsapu ont acté le retour de la paix dans le Kasaï. Le conflit meurtrier dans cette région congolaise en proie à une rébellion mystico-religieuse, née l’été dernier, aura fait plus de 400 morts. Aujourd’hui, les palabres sous l’arbre auront fini par apporter la paix, le début d’une nouvelle page pour cette région diamantifère.
Ibrahima Bayo Jr.
Photo de famille après la cérémonie de reddition de miliciens Kamwina Nsapu

Au milieu de l'obscurité de la région ensanglantée du Kasaï, un lâcher de colombes. Le gouvernement central et la famille porteuse du titre honorifique de Kamwina Nsapu ont enfin fumé le calumet de la paix. Une paix obtenue sous l'arbre à palabres où le nœud des tractations et des exigences s'est déficelé.

Des concessions pour la paix

Les choses se sont accélérées avec la tournée entamée jeudi 13 avril à Kananga (capitale provinciale du Kasaï central) par Emmanuel Ramazani Shadary, le vice-premier ministre également ministre de l'Intérieur et de la sécurité. En présence d'une délégation de la Monusco, du ministre des affaires coutumières et du commissaire général de la police, le premier flic de RDC a assisté à une cérémonie de reddition au cours de laquelle, des miliciens Kamwina Nsapu ont symboliquement rendu les armes et les fétiches.

En réponse à ce geste de bonne volonté, le pouvoir a signé un arrêté de reconnaissance du titre honorifique de Kamwina Nsapu, autorité religieuse et guide clanique des Bajila Kasanga. Auparavant, le gouvernement congolais a autorisé l'exhumation, samedi 15 avril, du corps de Jean Pierre Mpandi, dernier porteur du titre Kamwina Nsapu.

La mort du défunt en août 2016 lors d'un assaut d'hommes des Forces armées de RDC (FARDC) avait déclenché la rébellion de ses adeptes contre l'autorité de Kinshasa. Leurs affrontements avec l'armée congolaise a fait pas moins de 400 morts des deux côtés, selon l'ONU. Des affrontements qui se sont accentués ces derniers mois avec le tollé médiatique et social du scandale de la vidéo du massacre de miliciens par des soldats congolais.

La fragilité d'une paix assise sur une poudrière

Pour décrisper la situation déjà étriquée et sanglante, Kinshasa a rendu le corps du gourou de cette secte religieuse afin que la famille régnante puisse l'enterrer selon leurs rites dans son village. Dans le prolongement des gestes d'ouverture, le pouvoir va entériner le choix de Jacques Kabeya Ntumba, nouveau porteur du titre de Kamwina Nsapu et successeur du défunt.

De quoi apaiser le « clergé » de la famille régnante au point qu'elle proclame solennellement, la fin des attaques contre les soldats et les édifices publics. Pour l'heure la paix est revenue dans cette région riche en diamants, sa principale richesse. Au-delà de la solennité, le problème reste entier

La poussière renvoyée sous le tapis peut revenir donner des rhumes ou même des fièvres à Kinshasa qui pense avoir « acheté » la paix dans la région. Une partie des miliciens Kamwina Nsapu ne digère toujours pas l'affront de l'attaque des forces armées contre la maison de leur défunt gourou. Attaque au cours de laquelle, les soldats auraient commis l'imprudence de profaner la malle de fétiches du chef.

Un affront qui réveille des envies de vengeance tout comme la mort du chef et de centaines de ses adeptes. Toute la question est de savoir si le successeur désigné par la famille saura contenir et canaliser cette colère froide qui gronde dans les rangs des miliciens. La paix négociée et obtenue au prix de plusieurs sacrifices, notamment des pertes humaines, est assise sur une véritable poudrière. Il faudra beaucoup d'incantations pour qu'aucune étincelle ne s'en approche.

Ibrahima Bayo Jr.

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