RDC : ces écueils qui plombent l’application de l’accord politique

Il aura fallu des semaines de navettes ponctuées de nuits blanches pour que les évêques-médiateurs de la Cenco annoncent la naissance du « bébé », l’accord politique. Seulement, le bébé est peut-être en couveuse et sa viabilité est peut-être remise en cause. Plus de trois semaines après sa signature à minima, l’« arrangement particulier » auquel avait été soumis l’accord, n’a toujours pas permis de voir la lumière au bout du tunnel. Plusieurs écueils bloquent l'application de cet accord qui devrait conduire la RDC vers sa première alternance démocratique depuis son indépendance.
Ibrahima Bayo Jr.

Soulagement en RDC, ce 31 décembre 2016 ! Après une longue crise politique, le pays peut enfin souffler. Pour la nouvelle année, les Congolais ont reçu un cadeau singulier. Majorité et opposition ont paraphé lors de la Saint-Sylvestre, un accord politique qui se veut global et inclusif pour mettre fin à la crise politique, consécutive au refus de Joseph Kabila de quitter le pouvoir après expiration de son mandat constitutionnel, le 19 décembre 2016.

L'accord avait prévu entre autres dispositions, le maintien au pouvoir de Joseph Kabila jusqu'en 2017, date de la tenue des scrutins présidentiel, législatif et provincial. Toujours selon l'accord de la Saint-Sylvestre, des mesures de décrispation devraient être prises pour la libération des quelque 400 opposants politiques emprisonnés ou en exil. L'accord prévoit également le partage du pouvoir notamment au sein du gouvernement et dans les exécutifs provinciaux.

Le partage du pouvoir, principal point de blocage

Au lendemain des négociations, l'application de cet accord signé sous réserves et obtenu au forcing par la Cenco est soumise à un « arrangement particulier » destiné à régler les derniers différends entre le pouvoir et l'opposition. C'est justement le partage des maroquins qui constitue la nouvelle pomme de discorde entre les signataires de l'accord

Les deux parties n'arrivent toujours pas à s'entendre sur la désignation d'un nouveau premier ministre, qui devrait revenir au Rassemblement, selon l'accord. Au sein même de cette coalition d'opposition on peine à accorder les violons sur la désignation du successeur de Samy Badibanga.

Le Rassemblement s'est depuis divisé entre les partisans du choix du locataire de la Primature dans les rangs du Rassemblement avant de l'imposer à Joseph Kabila et les adhérents à la proposition de plusieurs noms avant de laisser le chef de l'Etat trancher. Au sein de la majorité, on penche pour la désignation directe du Premier ministre par le président Kabila au sein du Rassemblement sans passer par ce « lèse-prérogative » présidentiel.

Cet imbroglio sur le choix du premier ministre est en fait l'écran de fumée qui cache que dans le prolongement du partage des hautes fonctions, les opposants se refusent de laisser certains départements stratégiques aux hommes du président congolais.

Autre écueil dans l'application, les mesures de décrispation. En dépit de la mise en place d'une commission dédiée, le dossier de la libération des opposants emprisonnés ou en exil évolue très peu. En exil à Bruxelles, le cas Moïse Katumbi n'a toujours pas trouvé d'issue tout comme celui Mbusa Nyamwissi et Floribert Anzulumi, Jean-Claude Muyambo, Eugène Diomi Ndongala. Avancée de fourmi quand même avec le retour au bercail de l'ancien chef de la rébellion Roger Lumbala.

 Le glissement de Kabila acté ?

Avec tous les points à évacuer, l'application de l'accord traîne encore en longueur. L'absence de l'opposant Etienne Tshisekedi pour un « séjour médical » en Belgique ne devrait pas entraver le fonctionnement du Conseil national de suivi de l'accord (CNSA) confié à un présidium de quatre vice-présidents sans préséance. Mais cet éloignement de l'opposant historique pourrait amoindrir la hargne de ses partisans.

En attendant, la Cenco se lasse de ce jeu de pouvoir qui aura épuisé ses médiateurs après les avoir exaspérer. Dans un communiqué diffusé en début de semaine, la Cenco « lance un appel aux négociateurs à se montrer plus sensibles aux besoins du peuple congolais et à ne pas perdre de vue l'objectif principal de ces négociations qui est l'organisation des élections dans moins d'une année ». Un appel appuyé de menace : « la Cenco n'est pas prête à conduire les bons offices indéfiniment sans résultats », prévient le document

Le temps presse mais Joseph Kabila joue habilement la montre. Le président congolais souhaitait que l'accord ne soit applicable qu'après la session parlementaire de mars 2017 alors que la Cenco appelle les parties à faire des concessions pour régler leurs différends avant le 28 janvier prochain. La conférence épiscopale espère qu'à la date du 15 avril, le calendrier du processus devant conduire aux élections à la fin de cette année devrait être dévoilé.

Pourtant, rien n'est moins sûr puisque l'organisation des élections devrait nécessiter 1,5 milliard de dollars alors que le budget du pays a été fixé à 4,5 milliards de dollars et que le financement étranger avait été écarté par le pouvoir. Avec tous ces écueils, les chances de tenir ces élections à temps se réduisent au vu des défis et des retards. On s'achemine vers ce que les Congolais appellent ironiquement la technique du « glissement ». L'ironie c'est peut-être tout ce qui leur reste face à l'impuissance !

Ibrahima Bayo Jr.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.