30 décembre 2014 : le jour où Yahya Jammeh a failli être renversé...

Après plus de 20 ans de pouvoir, le régime de Yahya Jammeh est au bord du précipice et même... du reversement. Nous sommes dans la nuit du 30 décembre 2014. Il y a deux ans, jour pour jour, un putsch militaire frappe aux portes du palais présidentiel. Retour sur les détails de cette tentative de renversement qui aurait pu peut-être éviter à la Gambie, la crise dans laquelle elle s'enlise depuis près d'un mois.
Ibrahima Bayo Jr.

Le cours de l'histoire politique de la Gambie aurait été complètement changé cette fraîche nuit du 29 au 30 décembre 2014. Vers 03 heures, au moment même où Morphée enveloppait dans ses bras les derniers Banjuliens noctambules, les armes lourdes retentissent du côté du State House, le Palais présidentiel gambien qui surplombe la côte Atlantique du fleuve Gambie.

Un débarquement militaire et un assaut sur la résidence présidentielle

Quelques minutes plus tôt, bravoure en bandoulière, un commando de huit hommes, tout de noir vêtus et armes au poing, ont débarqué à bord de pirogues pour prendre d'assaut le palais présidentiel de Banjul situé dans le quartier de l'« Independance River » à 200 kilomètres de la côte.

Après ce débarquement digne des opérations des plus grandes unités d'élites, la cohorte se divise en deux factions. La première équipe devait ouvrir le feu et profiter de l'effet de surprise pour semer la panique au sein de la garde présidentielle. La seconde unité quant à elle devait mener une attaque frontale pour neutraliser le siège du pouvoir.

L'assaut avait été planifié 4 mois plus tôt dans ses moindres détails. Pour mener cette opération spartiate, le capitaine Lamine Saneh. Ancien homme du sérail Yahya Jammeh, ce militaire de 35 ans tombé en disgrâce auprès du maître de Banjul, a été évincé du pouvoir après avoir été le chef de l'unité d'élite chargée de la sécurité présidentielle. Qui mieux que lui pour mener l'assaut sur l'édifice dont il connaît les moindres recoins ?

Le pacte des conjurés

Le capitaine Lamine Saneh a un allié de taille, Papa Fall, un vétéran américano-gambien de l'armée de l'air des Etats-Unis. Du haut de ses 46 ans, il sera le logisticien de l'opération et fournira les M4, des fusils d'assaut en les faisant acheminer dans un conteneur au port de Banjul, dissimulés dans des ballots de friperie. La tentative de putsch est financée par Cherno Njie, un richissime homme d'affaires gambien vivant au Texas. Ce dernier qui n'est autre que le grand-neveu de Dawda Jawara (renversé par Jammeh en 1994) doit s'installer sur le fauteuil du State House, une fois Jammeh écarté du pouvoir.

Cette escouade de séditieux réussit rallier à leur cause des Gambiens de la diaspora vivant au Sénégal, aux Etats-Unis, en Angleterre et en Allemagne. Les comploteurs, à peine une dizaine, restés en contact à distance, conviennent de se rencontrer pour la première fois au début du mois de décembre à Dakar pour affiner les derniers détails de l'attaque. De là, huit hommes rejoignent 4 villas à Banjul en guise de planques d'où ils lanceront leur baroud d'honneur. "Allons reprendre notre pays", aurait lancé Lamine Sanneh avant l'assaut.

L'offensive que le commando amorce sur le State House vers 3 heures du matin, ce 30 décembre 2014, tourne à la bérézina. La suite est moins glorieuse pour les conjurés. Lorsqu'ils font cracher le feu à leurs fusils d'assaut, ils rencontrent une farouche résistance de la garde présidentielle appuyée par des renforts venus d'autres casernes de Banjul. La débandade espérée dans les rangs de l'armée n'a pas eu lieu et aucun soldat ne rallie les auteurs de la tentative de renversement.

Echange de tirs qui tourne à la bérézina

Il s'en suit un échange de tirs nourris entre les assaillants et la garde présidentielle. L'échec de l'opération est cuisant : le meneur Lamine Sanneh est mort dans l'attaque, Papa Fall réussit à se cacher à Banjul avant de rejoindre Dakar où il se réfugie à l'ambassade américaine. Le reste du groupe s'enfuit vers la Guinée-Bissau où il se rend aux autorités.

Le jour de l'assaut sur le State House, le maître des lieux est absent. Quelques jours plus tôt, Yahya Jammeh s'était envolé pour Dubaï pour une visite privée. Des vacances vite interrompues par le président gambien qui fait une escale technique de quelques heures à N'Djamena avant de rejoindre Banjul. Les Gambiens tirés de leur sommeil découvrent stupéfaits, les péripéties de la nuit précédente à la radio et à la télévision qui avaient cessé d'émettre pendant quelques heures.

Pour rassurer la population gambienne, Yahya Jammeh en boubou blanc, sceptre, chapelet et coran à la main parade dans les quartiers de Banjul sur un pick-up entouré d'hommes surarmés. L'homme fort du State House fait également son apparition à la télévision pour dénoncer un putsch manqué mené par « des terroristes soutenus par des puissances étrangères ». Papa Faal et Cherno Njie, des Gambiens ayant la nationalité américaine seront arrêtés dès leur arrivée à Washington où ils risquent jusqu'à 25 ans de prison pour conspiration contre une nation amie des Etats-Unis.

Jammeh devient un mythe

 Devant les caméras de la GRT, la télévision publique : « aucune force ne peut prendre [le State House, ndlr] et personne ne peut déstabiliser ce pays ». Après avoir échappé à quatre coups d'Etat entre 1994 et 2006, cette tentative de renversement en 2014 est de loin celle qui a été le plus proche de l'éjecter de son fauteuil qu'il occupe aujourd'hui depuis 22 ans.

Une des explications possibles de la mise en échec des coups d'Etat contre Jammeh est l'efficacité des services de renseignements gambiens (la NIA), la boite secrète de Jammeh qui guette, surveille et anticipe tous les mouvements et opinions divergents. A chaque fois le pouvoir de Jammeh, instauré après le renversement en 1994 (avec un groupe de 4 hommes) de Dawda Jawara, premier président de la Gambie indépendante, aura vacillé plusieurs fois sans s'ébranler.

Petit à petit un mythe de l'invincibilité de Jammeh s'installe, la longévité au pouvoir aussi. Mais pour combien de temps encore ?

Ibrahima Bayo Jr.

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Commentaires 2
à écrit le 30/12/2016 à 15:23
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Les pouvoirs Africains doivent être plus démocratiques et moins corrompus pour que nous Africains puissions vivre en paix dans nos pays, merci.

à écrit le 30/12/2016 à 14:48
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Personne n'est éternelle

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