Gambie : Buhari et Dramani vont jouer au « Good Cop/Bad Cop » chez Jammeh

Réunis samedi dernier pour un sommet ordinaire largement dominé par la situation en Gambie, les chefs d’Etats et de gouvernements de la CEDEAO ont réaffirmé leur soutien à Adama Barrow comme président élu du pays. Ils ont appelé le président sortant à accepter le verdict des urnes et annoncé leur intention de tout mettre en œuvre pour assurer le transfert du pouvoir le 19 janvier prochain. Reste à savoir si l’homme fort de Banjul va se conformer à ces injonctions, surtout que la CEDEAO n’a pas dévoilé comment elle compte s’y prendre pour parvenir à ses fins.

La mission de la CEDEAO va se poursuivre afin d'amener le président gambien sortant Yahya Jammeh à accepter le verdict des urnes et à passer pacifiquement le témoin au nouvel élu, Adama Barrow. C'est en substance l'essentiel de la décision prise par les chefs d'Etat et de gouvernement de l'organisation sous régionale, à l'issue de leur 50e sommet ordinaire qui s'est tenu samedi dernier à Abuja au Nigeria. Pour ce faire, un nouvel médiateur en chef a été commis. Il s'agit du président nigérian Muhammadu Buhari qui sera pour l'occasion secondé par le président sortant du Ghana, John Dramani Mahama. Une manière pour la CEDEAO de souffler le chaud et le froid en agitant le bâton et la carotte. Autant le chef de l'Etat ghanéen peut servir d'appât et de caution pour rassurer -et donc faire fléchir Jammeh- en misant sur sa récente expérience de transmission pacifique du relais après son échec aux dernières présidentielles dans son pays, autant Muhammadu Buhari peut servir de caution pour la méthode forte au vu de ses positions radicales à l'égard du maître du Banjul.

La CEDEAO souffle le chaud et le froid

En somme donc, Dramani Mahama et Buhari von se charger de jouer le « gentil et le méchant flic » auprès de Jammeh afin de l'obliger à accepter les résultats de l'élection du 1er décembre dernier. Dans leur communiqué final, les dirigeants de la CEDEAO n'ont pas d'ailleurs d'adjoindre les attributions militaires du nouveau négociateur en Chef de l'organisation, « Muhammadu Buhari, Président et Commandant en chef des Forces armées de la République fédérale du Nigeria ». La référence aux attributions militaires du chef de l'Etat nigérian est, dans le contexte actuel, loin d'être anodine surtout que face aux velléités de Jammeh, aucun scénario n'est à écarter en fonction de l'évolution de la situation.

Cependant pour l'heure, c'est sur la médiation que compte l'organisation pour sortir de l'impasse politique dans le pays. Les chefs d'Etat de la CEDEAO ont ainsi réaffirmé leur appel à Yahya Jammeh à céder le pouvoir et confirmé leur soutien à Adama Barrow, comme nouveau président élu de la Gambie.

« La Conférence lance un appel au Président Yahya Jammeh pour qu'il accepte le verdict des urnes et s'abstienne de tout acte de nature à compromettre la transition et le transfert pacifique du pouvoir au président élu ».

Feuille de route

Les chefs d'Etat et de gouvernement de la CEDEAO ont convenu de tout mettre en œuvre afin de « faire appliquer les résultats des élections du 1er décembre 2016 » et par conséquent d'assurer le transfert pacifique du pouvoir en Gambie le 19 janvier prochain, date à laquelle Adama Barrow sera investit président de la Gambie. Pour ce faire, la Conférence des chefs d'Etat a convenu à ce qui ressemble à une feuille de route pour la médiation sous-régionale et qui comprend plusieurs dispositions à mettre en œuvre durant la période de transition qui court déjà. Il s'agit notamment de faire en sorte que « la volonté exprimée par le peuple gambien le 1er décembre soit respectée ». La CEDEAO s'est également engagée à œuvrer pour garantir la sécurité́ et la protection du président-élu, Adama Barrow, avant de lancer par la même occasion un appel au gouvernement et aux partis politiques de la coalition de l'opposition à « faire preuve de retenue, afin de préserver l'unité́ nationale ».

« La Conférence prendra toutes les actions nécessaires pour faire appliquer les résultats des élections du 1er décembre 2016 ».

 Faire triompher la démocratie

Afin de marquer leur soutien au « triomphe de la démocratie » selon les termes d'un diplomate de l'organisation, la Conférence d'Abuja a convenu que « tous les Chefs d'Etat assisteront à l'investiture du président élu Adama Barrow, qui prêtera serment le 19 janvier 2017, conformément aux dispositions de la Constitution gambienne ».  Les dirigeants de la CEDEAO ont par ailleurs tenu à encourager toutes les parties prenantes, à l'intérieur et à l'extérieur de la Gambie à faire preuve de retenue, à respecter l'Etat de droit et à assurer une transition pacifique du pouvoir. La CEDEAO a particulièrement exhorté les forces de défense et de sécurité́ gambiennes « à exercer leur mandat de façon républicaine et assurer la protection des personnes et des biens ». Afin de s'assurer de la réussite de sa mission, l'organisation sous-régionale a demandé à l'Union africaine (UA), l'ONU ainsi que les autres acteurs majeurs de la communauté internationale d'avaliser les décisions qu'elle prendra et surtout à lui fournir, en cas de besoin, « toute forme d'assistance technique nécessaire ». Le représentant du secrétaire général de l'ONU, Mohamed Ibn Chambas, qui était présent au sommet d'Abuja a rappelé le soutien de l'organisation à la médiation de la CEDEAO avec toutefois, plus de fermeté à l'égard de Jammeh.

Le ton est donc donné et si le sommet d'Abuja n'a fait que confirmer ce que la position déjà connue de la CEDEAO, la question est de savoir si Yahya Jammeh accepterait de se plier aux injonctions de ses pairs de la sous-région et à défaut comment l'organisation comptera s'y prendre pour le faire fléchir. Le maître fort de Banjul s'est certes montré jusque-là ouvert aux consultations en veillant parallèlement à prendre les devants, comme le recours qu'il a intenté auprès de la Cour Suprême, mais aussi de renforcer son emprise sur le pays et notamment sur les forces armées qui lui sont toujours acquises. L'accueil qui sera réservé au prochain séjour de la mission de médiation de la CEDEAO permettra d'en saisir quelques éléments de réponse sur la tournure que prendra la situation politique en Gambie avec en toile de fond, une mission à haut risque pour Muhammadu Buhari, qui va s'essayer à une première du genre. Autant dire que les pas de l'ancien militaire réputé intransigeant sera de nouveau scrupuleusement scruté, ce qui ne manquera pas d'alimenter la tension qui s'amplifie de plus en plus.

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Commentaire 1
à écrit le 22/12/2016 à 17:35
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Pourquoi le syndicat des chefs d'état "démocrates", refusent ils à Jammeh, le droit légal à un recours devant les instances de la république indépendante et souveraine de GAMBIE? Est ce un crime ou derrière ces agitations, il y a la non appartenance ...

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