Législatives en Côte d’Ivoire : une battle prometteuse entre « filles de » à Cocody

Les législatives du dimanche 18 décembre en Côte d'Ivoire s'annoncent serrées à Cocody, un commune huppée du nord d'Abidjan, où un duel attire particulièrement l’attention. Il s'agit de celui opposant la ministre de la Communication Affoussiata Bamba-Lamine, fille du Professeur Bamba Moriféré, une des figures de la gauche ivoirienne et la député sortante Yasmina Ouégnin, fille du célèbre Georges Ouégnin, l’indéboulonnable directeur du protocole d’État de Côte d'Ivoire (1960-2000). La première se présente sous la bannière du RHDP et la seconde en indépendante après avoir manqué le soutien des ténors de son parti le PDCI-RDA. Une bataille serrée.
Ristel Tchounand

Les candidats aux élections législatives ivoirienne du dimanche 18 décembre ont joué leurs dernières cartes de campagne hier vendredi, avec des meetings qui se sont poursuivis jusque dans la soirée. C'était le cas au nord d'Abidjan, à Cocody -une commune huppée de la capitale économique- où deux camps coiffés par des femmes s'affrontent. D'un côté Affoussiata Bamba-Lamine du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) et  de l'autre, Yasmina Ouégnin, membre du PDCI-RDA mais candidate indépendante. Qui sont-elles ?

Bamba-Lamine, l'ex-rebelle

Affoussiata Bamba-Lamine,46 ans, est la fille du Professeur Bamba Moriféré, président du Rassemblement du peuple de Côte d'Ivoire (RPCI) et une des figures de la gauche ivoirienne. Docteur en Droit Comparé, Droit International Privé (Université de Nancy II) et avocate de formation (Barreau de Paris), elle est ministre de la Communication et porte-parole adjointe du gouvernement depuis décembre 2012. C'est en 2000 qu'elle s'engage en politique et intègre le RHDP. Deux ans plus tard, la Côte d'Ivoire alors en pleine crise socio-politique, elle participe aux côtés de Guillaume Soro, alors secrétaire général des Forces Nouvelles, à la préparation des Accords de Linas Marcoussis (qui visaient à mettre fin à la guerre civile) et agit en qualité de porte-parole de la rébellion. Après quatre années au ministère de la Communication en tant que fonctionnaire, elle devient conseillère à la Primature (2007-2012) et devient ensuite ministre. La même année, elle est élue députée dans la 38ème Circonscription électorale d'Abobo commune.

Ouégnin, l'indépendante

Députée sortante de Cocody, Yasmina Ouégnin, 37 ans, est la fille cadette du célèbre ambassadeur Georges Ouégnin, indéboulonnable directeur du protocole d'État en Côte d'Ivoire (1960-2000). Titulaire d'un master en gestion des risques de l'Ecole de management de Bordeaux, elle multiplie les expériences professionnelles en France, notamment chez le groupe Bolloré, avant de fonder, en 2006 à Abidjan, AVEDIS, un cabinet de courtage en assurances, spécialisé dans le conseil en gestion des risques, rapidement devenu une référence dans le domaine en Côte d'Ivoire. Sa carrière politique, elle l'a démarrée au sein du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), sous la bannière duquel elle remporte les législatives de 2011 à Cocody. Alors âgée de 32 ans, Yasmina Ouégnin devient la plus jeune députée de l'Assemblée nationale ivoirienne. Candidate indépendante cette fois, elle est caractérisée par la femme qui dit « non », que ce soit lors du référendum -lequel lui a coûté l'investiture du PDCI-RDA- elle entend représenter la femme courageuse et la jeunesse oubliée de Cocody.

« Nouveau tournant »

Mais au-delà de leur position de « filles de » ces deux femmes mènent campagne avec force dans l'objectif ferme de remporter les législatives. Et selon le politologue ivoirien Cedric Leopold Koné

« Ce sont deux femmes au parcours différent. D'un côté Affoussiata Bamba Lamine qui a été porte-parole de la rébellion et de l'autre, Yasmina Ouégnin qui a pu bénéficier de la machine politique du PDCI-RDA en 2012. Là on est à une nouveau tournant ».

En effet, la victoire d'Affoussiata Bamba-Lamine arrangerait le pouvoir, en quête d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale. Mais le fait relève d'un véritable challenge. Historiquement, les habitants de Cocody sont des pro-PDCI qui ont basculé, au début des années 2000, du côté du FPI avec l'arrivée au pouvoir de Laurent-Gbagbo. Ils sont donc très marqués par l'issue de la crise socio-politique.

« Le grand problème de la ministre c'est qu'elle n'a vraiment pas l'adhésion des populations à Cocody en raison de son passé de rebelle. Or dans cette commune, l'électorat généralement traditionnel avec les villages ébriés [une ethnie ivoirienne, ndlr] d'un côté et les quartiers défavorisés de l'autre, cela risque d'être vraiment compliqué pour elle », estime le politologue.

Duel de choc

Du coup, durant ses meetings, Affoussiata Bamba-Lamine a placé les populations défavorisées de Cocody au centre de sa campagne, jouant la carte humanitaire avec assistance sociale... Selon la presse ivoirienne, elle aurait reçu en retour des promesses de « reconnaissance en temps opportun ».

Dans l'autre camp phare de Cocody, la députe sortante Yasmina Ouégnin maintient sa politique de communication de proximité et semble avoir une avance considérable sur son adversaire RHDP à ce niveau. Mais son indépendance pourrait être un point faible. « C'est le soutien que PDCI-RDA qui lui a permis de passer en décembre 2011 face à Madame Kanaté (RDR). Face à une légère différence de voie entre les deux, le PDCI-RDA a préféré laisser l'avantage à l'allié du PDCI et à Yasmina Ouégnin », explique M. Koné.

Et alors que Yasmina Ouégnin fait chevalier solitaire (par rapport à son parti), sa victoire peut facilement être tributaire de la qualité du soutien que recevra la ministre de la part du PDCI-RDA. Face à cette réalité, le politologue présente deux éventualités :

« Si Affoussiata Bamba fait véritablement partie de ceux qui ont renié Soro Guillaume et qui sont avec Ouattara, le PDCI-RDA va vouloir voler à son secours en cas de pépin. Mais si elle n'a pas le véritable soutien du PDCI-RDA, en cas de différence de voix, ils vont préférer donner l'avantage Yasmina Ouégnin », prévoit-il.

D'après lui, l'autre « handicap » de la députée sortante c'est qu'elle ne fait pas de la communication politique, mais simplement de la communication faute, semblerait-il de compétence en la matière. Une technique qui selon le politique a son avantage, mais aussi son inconvénient. « Cela ne lui permet pas de mettre en avant son bilan », regrette-t-il estimant toutefois que le duel Bamba-Ouégnin est « un duel prometteur. Il n'est pas gagné d'avance ni pour l'une, ni pour l'autre ». Dimanche, le pouvoir de trancher reviendra aux citoyens !

Ristel Tchounand

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