Crise gambienne  : à Banjul, la CEDEAO brandit la carotte et le bâton

Les médiateurs de la CEDEAO sont arrivés à Banjul dans la journée de ce mardi où ils ont pu rencontrer le président sortant ainsi que son prédécesseur. Il reste à savoir si les quatre chefs d'Etat vont parvenir à faire fléchir Yahya Jammeh à renoncer au pouvoir. L'organisation communautaire n'écarte pas la voie de la manière forte contre le pouvoir de Banjul, ce qui risque de compliquer les médiations.

C'est un grand pas dans la résolution de la crise qui est en train d'émerger en Gambie après la volte-face du président sortant de ne plus reconnaître les résultats des dernières élections et de passer le témoin à son successeur. La mission de médiation commise par la CEDEAO a pu atterrir à Banjul  dans la journée de ce mardi 13 décembre, quelques jours après que la délégation de l'organisation sous-régionale conduite par son président en exercice s'est vu refuser le droit d'atterrir dans la capitale du pays.

La mission est conduite par la présidente du Liberia, Ellen Jonhson Sirleaf, également présidente en exercice de la CEDEAO, ainsi que de plusieurs chefs d'Etat notamment le ghanéen John Dramani Mahama, le nigérian Muhammadu Buhari et le sierra léonais Ernest Bai Koroma. La délégation comprend également des représentants du bureau de l'envoyé spécial de l'ONU en Afrique de l'Ouest ainsi que ceux de l'Union africaine (UA).

Aussitôt arrivée à Banjul, la délégation s'est entretenue avec le président Yahya Jammeh et par la suite le président élu Adama Barrow dans un hôtel de la capital en compagnie de plusieurs leaders de l'opposition.

Médiation à hauts risques

En elle-même, l'arrivée de la mission de médiation à Banjul est une avancée majeure dans le sens où elle permettra de connaitre un peu plus les motivations et les intentions de l'homme fort de Gambie. Celui-ci a certes déclaré qu'aucune intervention étrangère « ne changera rien » par rapport à sa décision de ne plus reconnaître les résultats des élections qui se sont soldés par sa défaite mais à travers ce geste, c'est une nouvelle concession que vient de faire Jammeh. Il est vrai que les pressions internationales se sont intensifiées ces derniers jours pour le faire fléchir et la CEDEAO n'écarte pas le scénario d'une intervention militaire afin de faire revenir Yahya Jammeh à la raison.

La carotte avant le bâton

Pour le moment, la communauté internationale mise sur la carotte, à travers la CEDEAO, avant de recourir au bâton. En ce sens, des compromis ne sont pas à écarter en faveur de Yahaya Jammeh notamment pour ce qui est de sa retraite politique. L'urgence pour l'organisation communautaire sous-régionale est de ne pas permettre l'explosion d'un nouveau foyer de tension politique et sécuritaire alors qu'elle est déjà sur plusieurs fronts. Pour cette médiation, l'objectif est aussi simple que compliqué : obtenir le départ pacifique de Yahya Jammeh du pouvoir conformément aux résultats du dernier scrutin qu'il a lui-même reconnu dans un premier temps avant de faire volte-face en fin de semaine dernière.

Pour l'heure, l'évolution de la situation semble plutôt défavorable à Jammeh. Le recours qu'il a annoncé vouloir intenter à la Cour Suprême pour contester les résultats du scrutin, n'est pratiquement plus possible. Outre l'arrivée à terme du délai de dix jours après la proclamation des résultats selon les dispositions légales, la Cour ne peut plus siéger en raison de l'absence de tous ses membres et cela depuis mars 2015 ! De plus, la CEDEAO ainsi que l'UA et l'ONU, ont fait part de leur position de principe et dans l'ensemble, la communauté internationale est unanime pour reconnaitre que le président élu du pays, est bien Adama Barrow.

Risque de radicalisation

Pour autant, ces arguments sont loin de constituer un gage pour faire fléchir Yahya Jammeh qui a démontré sa capacité en matière d'imprévisibles revirements. Il peut certes continuer à bénéficier d'un soutien d'une importante frange de l'armée pour se cramponner encore au pouvoir. Avec les velléités du Sénégal d'employer la méthode forte et l'amplification de la pression internationale, Jammeh peut justifier et même radicaliser ses soutiens partisans de la théorie du complot. Mais pour combien de temps encore ?

Les défections de hauts responsables de l'Etat notamment celle de l'ambassadeur de Gambie aux USA, apportent un nouveau revers à celui qui, il y a une semaine, était en train d'effacer son passé de dictature en entrant d'une manière aussi inattendue qu'honorable, dans l'Histoire.

Comme l'on dit en Afrique, seuls les imbéciles ne changent pas. Jammeh sera-t-il l'imbécile de l'Histoire à l'image des craintes de l'opinion internationale ? Les prochains jours nous édifieront en fonction de la voie qu'il voudra emprunter pour la suite, à ce carrefour crucial pour son pays.

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