Pourquoi l’Afrique ne dispose pas d’un siège de membre permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU ?

Le conseil de sécurité de l'ONU est l’organe institutionnel le plus puissant du monde, le cénacle où se fait et se défait l’équilibre et la marche du monde, le lieu où un simple veto peut régler ou enliser un conflit. Un club très select, à la composition restreinte, dont les décisions impactent le monde entier. Mais la répartition de ses sièges est des plus inégalitaires. Ses sièges, les plus lorgnés de la planète, font l’objet de tous les fantasmes d’Etat. Au sens large de sa composition de 15 membres, tous les continents y sont représentés. Mais au niveau où les décisions passent ou calent, aucun pays africain ne siège à ce conseil restreint. Voici quelques pistes qui expliquent cette absence africaine du bras exécutif de l’ONU.
Ibrahima Bayo Jr.

« Souhaitons que le monde progresse vers un véritable droit planétaire qui puisse s'imposer à tous les Etats et à tous les gouvernements, tout simplement parce qu'il serait juste. C'est-à-dire tout le contraire de ce nouveau droit censitaire que nous avons sous les yeux et qui autorise les Etats les plus riches à décider du Bien et du Mal ». Cette description du journaliste français Denis Sieffert nourrit bien la situation au sein du conseil de sécurité de l'ONU.

Une composition inégalitaire

Officiellement chargé du maintien de la paix et de la sécurité dans le monde, le Conseil de sécurité, l'organe exécutif parmi les six organes de l'ONU est l'incarnation même du concept de « puissance » qui pèse sur les relations internationales. Quinze membres le composent : 10 membres dits « non-permanents » sont élus à tour de rôle pour un mandat de deux ans selon une répartition par région géographique. En plus de ces 10 membres sans véritable pouvoir, les 5 membres « permanents », Etats-Unis, Russie, Royaume-Uni, Chine, France, complètent la composition du conseil et disposent du droit de veto. Cette répartition fait apparaître que, même si les privilèges d'un siège de membre permanent restent attachés aux intérêts du pays qui le détient, les occidentaux sont triplement représentés. Au niveau de la répartition géographique, tous les continents (ou presque) sont représentés ...sauf l'Afrique. Comment expliquer qu'aucun pays africain ne dispose d'un siège de membre permanent au Conseil de sécurité ?

D'abord, l'Histoire. Créé en 1945 au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, l'Organisation des nations unies, l'ONU, remplace la Société des Nations (SDN) qui a échoué à amener et maintenir la paix dans le monde après la première guerre mondiale. Dans le camp des vainqueurs de la guerre qui écrivent l'Histoire, Franklin Roosevelt propose d'inclure dans le fonctionnement de la nouvelle organisation internationale, une hiérarchisation des Etats membres avec un Conseil de sécurité restreint. Assez anecdotique, celui-ci siégera pour la première fois à la Church House de Londres, le siège de l'Eglise d'Angleterre, le 17 janvier 1946, un an après la création de l'Onu.

Les raisons historiques d'une absence

Pour le politologue burkinabé Nicolas Zemané, les raisons qui expliquent l'absence d'un pays africain parmi les membres permanents trouvent leurs justifications dans le cours de l'Histoire. « Le contexte de création de l'ONU (la SDN qui s'est muée en ONU en 1945) a trouvé tous les Etats Africains sous joug colonial et de ce fait leur existence individuelle en tant qu'Etat au sens juridique du terme ne leur permettait pas d'être sujet de droit international. Ce n'est qu'avec les indépendances des années 60 que les Etats africains ont été admis à l'ONU en tant que sujet de droit international ». L'analyste politique franco-ivoirien complète : « Les membres permanents du Conseil de sécurité sont les nations désignées comme les vainqueurs de la seconde guerre mondiale : les Etats Unis en tête, suivie de la Fédération de Russie, la Grande Bretagne et la France. L'inclusion de la Chine tel que nous la connaissons aujourd'hui est la résultante d'un réalisme politique des Etats Unis, et de ses alliés et de la Fédération de Russie. Ce sont des raisons subjectives qui ont poussé les fondateurs de l'ONU à exclure les pays Africains des sièges permanents du Conseil de Sécurité, il y a un manque d'équité dans la répartition des siège, l'Europe s'en sort avec deux sièges (France et Russie), en plus du Royaume Uni, alors que de mémoire, les africains ont payé un lourd tribut au cours de la seconde guerre mondiale »

 « La colonisation qui marquait l'incapacité juridique de la plupart des Etats Africains hormis le Libéria et l'Ethiopie mais dont la force économique et politique était insignifiante dans une période où la fin de la seconde guerre mondiale avait créé une carte des puissances du monde, celle des victorieux ! C'est d'ailleurs pour ça que l'Allemagne qui est économiquement puissante aujourd'hui est absente dans ce cercle fermé des membres permanents. Aujourd'hui on pourrait être tenté d'avancer les raisons économiques pour justifier l'absence des Etats africains, mais cela demeure impertinent. Les raisons sont surtout historiques et politiques », prolonge Nicolas Zemané. Il faut ajouter à cette analyse que la mise en avant de l'argument économique ferait à coup sûr, les guerres de positionnement entre les pays les plus économiquement puissants du continent. Ceux-ci s'échapperont sur le nom d'un seul pays qui représenterait tout le continent. Sur ce plan, la course à la place de première puissance économique africaine entre l'Afrique du Sud et le Nigéria entraînerait l'Algérie ou encore l'Egypte dans cette « guerre » intestine. « A mon sens, aucun pays africain n'a un tel poids. Je suis catégorique car les Etats africains (maghrébins y compris) sont historiquement désarçonnés et politiquement dépendants du bon vouloir de certains Etats du monde, notamment ceux permanents au Conseil de sécurité. Par contre pour arriver à inverser une telle structuration du monde, les Etats africains ont la carte de l'Unité ou l'union. Il faut que naisse un Etat africain uni, comme l'ont souhaité des visionnaires comme N'Nkrumah ou encore Kadhafi », tranche M. Zémané.

Quelle stratégie de pression pour une entrée de l'Afrique au Conseil de sécurité?

Dans ce cas, de quels moyens de pression l'Afrique dispose-t-elle pour obtenir un siège de membre permanent ? A première vue, la marge de manœuvre est très étroite. Si le poids économique de l'Inde, la puissance commerciale de l'Allemagne, l'influence du Japon, l'émergence du Brésil ou encore les pétrodollars des pays du Golfe ne leur ont pas permis d'avoir ce siège convoité, on voit difficilement la carte que pourrait abattre le continent. « Si l'Afrique souhaite réclamer un siège permanent au Conseil de sécurité, il faut d'abord qu'elle apprenne à parler d'une seule voix, qu'elle mette en place une diplomatie favorable aux intérêts de l'Afrique, et qu'elle engage un véritable lobbying auprès des institutions internationales et des autres pays comme le font les pays occidentaux au sein de nos institutions et de nos Etats », planche Cédric Léopold Koné.

L'année 2016 a été marquée par une dissidence du Burundi, de l'Afrique du Sud et la Gambie qui ont décidé de se retirer de la Cour pénale internationale. Même si les deux modes de fonctionnements de ces deux institutions ne sont pas les mêmes, la stratégie du boycott ou de la dissidence du Conseil de sécurité peut-elle être fructueuse pour obtenir un siège permanent ? « Cela n'aura hélas pas l'effet escompté car tant qu'ils iront en rang dispersés, ils ne seront jamais influents. Et puis, au fond quelle pourrait être l'utilité d'un siège permanent pour un Etat Africain, et lequel ? Non, la question est de fond et doit s'intéresser plus à comment couper le cordon ombilical sur tous les plans mais surtout économiques et financiers d'avec les anciens colonisateurs », répond Nicolas Zemané.

Sur l'utilité d'une présence africaine au Conseil de sécurité, le politologue franco-ivoirien indique : «La présence de l'Afrique au sein du Conseil de Sécurité des Nations Unies pourrait nous garantir un meilleur rééquilibrage de notre position dans la balance commerciale mondiale, c'est le plus important, nous ne sommes plus à l'ère des guerres de conquête, et nous ne pouvons pas inverser la tendance au plan militaire, une place au Conseil de sécurité, c'est une garantie de rénovation de nos politiques diplomatique, c'est une rénovation dans nos pratiques, et c'est un rééquilibrage dans les relations commerciales, nous parviendrons à impulser l'économie de nos Etats ». Mais cette hypothèse se réduit de plus en plus.

C'est ce qui fait dire à son collègue burkinabé que pour changer la configuration du Conseil de sécurité qui n'a connu qu'une seule réforme depuis sa création, «il faudrait qu'il y ait un bouleversement politique important dans les relations internationales. Bouleversement qui va sans doute changer la dynamique du rapport des forces. Une telle évolution, à mon sens, sera lente, car aujourd'hui avec un Etat émergent comme la Chine qui a déjà un statut permanent, on est tenté d'accepter que le changement ne viendra pas d'elle. Or si elle n'était pas un membre permanent, elle aurait eu les moyens de bouleverser les choses ». Et le spécialiste d'ajouter : « Le statut de membre permanent ne se revendique pas, on dira que ça se mérite et il faut un contexte historique fort, telle une guerre ou une crise économique ou politique profonde à même de bouleverser l'ordre mondial actuel » !

Ibrahima Bayo Jr.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 26/02/2017 à 9:15
Signaler
Article fantaisiste.. " L afrique aurait payé un lourd tribut"....ja ja allez soyons sérieux les 50 millions de morts Européens, chinois et japonais de la 2ème guerre mondiale vous regardent vous qui étiez bien tranquilles dans vos champs. Et maint...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.