Gambie : le jour d’après, l’avenir de Jammeh en question...

Quatre jours se sont écoulés après la défaite de Yahya Jammeh. Mais le monde ne réalise toujours pas que ce militaire autrefois craint, courtisé et respecté ait appelé son adversaire pour reconnaître sa défaite. L'étape de la stupéfaction passée, se pose la question de l'avenir de l'homme qui régna d'une main de fer sur la Gambie. Que- va-t-il devenir? Voici quelques réponses
Ibrahima Bayo Jr.

Imprévisible jusque dans sa dernière mise en scène, Yahya Jammeh a réussi son coup d'éclat. Et de quelle manière ! Le désormais ex-maître incontesté de Banjul a su surprendre le monde entier en une seule adresse à la nation sur l'écran de la Gambia Radio and Television Services (GRTS), la télévision d'Etat. Là où les pronostics le donnaient vainqueur même s'il fallait en passer par des fraudes massives, Jammeh les a déjoués par l'organisation d'un scrutin transparent et crédible sans observateurs étrangers. Là où, les analystes lui prêtaient l'ambition de se maintenir au pouvoir, il leur a fait faux bond pour se poser en « démocrate » en appelant son tombeur, Adama Barrow pour reconnaître sa défaite.

L'ancien maître de Banjul deviendra .... agriculteur !

Mais au-delà de cette sortie honorable pour le fantasque maître du « State House », la question de l'avenir de Jammeh se pose avec urgence. Dès les premières heures de la défaite de Jammeh, plusieurs voix, celles de la famille de l'opposant historique Ousaino Darboe, se sont levées pour demander de traduire l'ancien chef d'Etat devant la justice. Si leur doléance est entendue, on pourrait voir ressortir les dossiers sur les accusations sur les emprisonnements d'opposants, sur la torture ayant entraîné la mort mais aussi sur les atteintes aux libertés publiques notamment la liberté d'expression et de la presse, portées à l'encontre de l'ancien homme fort. Dès lors, plusieurs questions se posent sur l'avenir de Yahya Jammeh. Finira -t-il ses jours dans les geôles où il a envoyé nombre de ses opposants ? Sera-t-il poursuivi devant la Cour pénale internationale (CPI) ? Travaillera-t-il avec son tombeur ?

En tout cas, si l'on s'en tient à la conversation téléphonique entre le président sortant et son successeur, la question de l'avenir de Yahya Jammeh est tranchée. Pas question pour lui de quitter le pays, le candidat malheureux à la présidentielle du 1er décembre s'est retiré sur ses terres à Kanilaï, son fief familial pour s'adonner à l'agriculture non s'en assurer à son successeur qu'il travaillerait avec lui. Pour organiser ce retrait, l'ancien chef d'Etat s'est en quelque sorte « bunkerisé » avec un important dispositif de sécurité. Ce qui n'a pas manqué de susciter des inquiétudes sur un éventuel retour en force de l'imprévisible Yahya Jammeh d'autant plus qu'il est encore président de la Gambie jusqu'après l'investiture d'Adama Barrow prévue en janvier.

Traduire Jammeh devant la justice ou non, un couteau à double tranchant

Le nouveau président gambien a quant à lui écarté toute possibilité d'extradition de son prédécesseur devant la CPI que dirige sa compatriote Fatou Bensouda et de laquelle son pays voulait se retirer sous le leadership de Jammeh. « Lorsque nous serons en place, nous ouvrirons des enquêtes et nous les mènerons à bien. Nous respectons tout le monde. Nous n'en voulons à personne. Nous ferons tout sur la base de nos principes », a cependant indiqué Adama Barrow dans un entretien avec nos confrères de RFI. Une déclaration qui n'écarte pas la possibilité de poursuites internes de l'ex-président. En interne comme à l'international, Adama Barrow aura à gérer cette délicate question de la justice transitionnelle. Il devra aussi s'atteler à calmer le mécontentement et les envies de revanche d'une population qui a accueilli la défaite du Babili Mansa, ( «le conquérant des rivières» en langue mandingue) comme une occasion inespérée de réaliser une catharsis nationale après 22 ans de terreur.

Mais la priorité est ailleurs. Adama Barrow prend la tête d'un des pays les plus pauvres d'Afrique où la plupart des populations vivent des transferts de fonds de sa nombreuse part d'immigrés installée dans les capitales occidentales. Une part importante (60%) des Gambiens vivent sous le seuil de pauvreté avec moins d'un dollar par jour. Elle place donc ses espoirs sur le changement dans la gestion étatique pour voir leur quotidien s'améliorer avec l'accès aux denrées de première nécessité. Il faudra aussi faire repousser le taux d'analphabétisme qui frise les 50%. Le temps presse donc pour le nouveau président qui s'est engagé à ne rester que 3 ans au pouvoir avant d'organiser une nouvelle élection présidentielle.

Ses premiers pas en tant que chef d'Etat seront passés à la loupe d'autant plus qu'il devra composer avec sa coalition composée de 7 partis qui avait établi plus un plan de défaire Jammeh qu'un programme cohérent pour hisser le pays et améliorer les conditions de vie. Barrow pourrait donc perdre beaucoup de temps à régler les questions politiciennes et internes. S'il tient à faire de Jammeh, sa bête de foire, il pourrait bien se détourner de son objectif. A moins qu'il ne décide de faire preuve de clémence pour le geste démocratique de son rival. En tout cas, sa décision dans un sens pourrait être un exemple pour d'autres autocrates du continent qui pourraient quitter le pouvoir sans crainte d'être inquiétés, ce qui aurait pour effet de lancer une vague de démocratisation sur le continent. Dans un autre sens, sa décision de ne pas le poursuivre pourrait être interprétée comme un « deal » qui expliquerait que Yahya Jammeh ait lâché du lest. Le couteau est à double tranchant et l'Histoire jugera ensuite !

Ibrahima Bayo Jr.

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Commentaire 1
à écrit le 09/01/2017 à 10:55
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La cedeao doit faire son travail. et que le president buhari ne lesine sur aucun moyen. nous le regardons. pas de complicite entre militaire

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