RDC : Samy Badibanga, la surprise du chef

Le suspense est levé. Avec trois jours de retard, le président congolais Joseph Kabila a nommé ce 17 novembre, Samy Badibanga au poste de premier ministre. Député frondeur de l’UDPS d’Etienne Tshisekedi, le nouveau chef du gouvernement congolais va devoir s’atteler à la formation de son cabinet. Pendant ce temps, le Rassemblement de l’opposition politique maintient toujours son boycott des conclusions du dialogue politique d’octobre.

C'est ce qui s'appelle déjouer tous les pronostics ! La nomination, ce jeudi 17 novembre, de Samy Badibanga Ntita au poste de premier ministre a été une sacrée surprise pour l'ensemble de la classe politique, l'opinion congolaise et la presse. Bien qu'il préside le premier groupe parlementaire de l'opposition dite officielle, personne ne s'attendait à ce que Kabila jette son dévolu sur Samy Badibanga au vu du profil des prétendants en lice.

Alors que l'ancien président du parlement et actuel leader de l'UNC, Vital Kamerhe, était donné favori, c'est sur ce natif de Kinshasa que s'est porté le choix du chef de l'Etat congolais. La nomination de Samy Badibanga intervient 48h après le discours sur l'état de la nation de Kabila au Parlement. Le président de la RDC a fait perdurer le suspense pour au final surprendre l'opinion congolaise, en jetant son dévolu sur un député frondeur du principal parti de l'opposition politique, lequel  succède ainsi à Augustin Matata Ponyo conformément aux termes de l'accord politique d'octobre dernier signé entre le pouvoir et une partie de l'opposition congolaise.

Frondeur hier, premier ministre de transition aujourd'hui

Le nouveau chef du gouvernement congolais, âgé de 54 ans, est un militant de l'UDPS de l'opposant historique Etienne Tshisekedi qu'il a conseillé entre 2001 et 2009. Proche du fils de ce dernier,  Félix Tshilombo Tshisekedi, il a été élu député en 2011 et siège depuis cette date au sein de l'hémicycle sans le soutien de son parti qui a décidé de boycotter la législature. Il a été de ce fait exclu de la formation politique avec 42 autres députés qui ont également décidé de faire fi des consignes du « vieux lion » et avec qui il a pu constituer un groupe parlementaire, le premier de l'opposition, en bénéficiant au passage de l'apport de quelques alliés. Depuis, il ne cesse de se comporter en farouche opposant de la majorité et bien qu'il s'oppose à toute modification constitutionnelle destinée à prolonger le bail de Kabila à la tête de la RDC, il a accepté de prendre part au dernier dialogue politique boudé par le Rassemblement de l'opposition politique. Cela ne l'a pas empêché de prendre activement part aux pourparlers durant lesquels il s'est vu attribué le rôle de co-modérateur adjoint au titre de l'opposition parlementaire.

C'est donc un acteur principal de « l'accord politique sur la gestion consensuelle » du pouvoir qui va désormais se charger de former le prochain cabinet gouvernemental, une tache des plus ardues au vu du contexte politique assez délétère dans lequel se trouve la RDC depuis quelques temps. La tension n'a cessé de s'amplifier avec l'attente de la nomination du nouveau premier ministre si bien que le Pape François a adressé un message au président congolais dans lequel il a plaidé pour un dialogue direct avec les principaux acteurs politiques du pays notamment Étienne Tshisekedi et Moise Katumbi.

Avant de faire le grand saut dans le marigot politique congolais, ce diplômé de l'Institut Supérieur des Sciences Humaines de Genève et qui a également étudier à Anvers, était plutôt porté par  les affaires. Technocrate assumé, Samy Badibanga a été administrateur de plusieurs sociétés évoluant dans le secteur minier congolais. C'est durant cette phase de sa carrière qu'il a été consultant pour le compte de la multinationale BHP-Billiton, entre  2005 et  2010. Parallèlement, il a mené des missions de consultations et de négociations pour le compte du gouvernement congolais dans le cadre de la  révision de certains contrats miniers ou la réalisation d'infrastructures énergétiques. Son "bébé", la Fédération des Explorateurs et Extracteurs (FEE/RDC), il l'a mise sur pied en 2006 afin de promouvoir la bonne gouvernance dans la gestion des ressources naturelles.

Sonné par la nomination, le clan Kamerhe prend acte

Samy Badibanga Ntita a du pain sur la planche, c'est le moins que l'on puisse dire. Sa nomination risque de provoquer  des remous dans le camp des partis favorables au dialogue ou plusieurs candidats étaient sur dans les starting-blocks.

Le président de l'UNC a  estimé, au cours d'une réunion avec des députés de son parti, avoir pris acte de la décision du chef de l'Etat. Selon son parti, la proximité du nouveau chef du gouvernement avec le clan Tshisekedi notamment son fils Félix pourrait éventuellement déboucher sur un probable retour à la table des négociations avec le Rassemblement de l'opposition.

Un "non-événement" pour le Rassemblement de l'opposition

Pour le Rassemblement de l'opposition politique, la nomination de Samy Badibanga Ntita est considéré comme un « non-événement » et n'engage surtout pas l'UDPS. Des proches du parti d'Etienne Étienne Tshisekedi ne manquent pas d'ailleurs de relever qu'il a été exclut de la formation depuis 2011 et par conséquent, sa nomination n'engage que lui.

Une fin de non recevoir donc surtout que le Rassemblement de l'opposition maintienne son boycott des conclusions de dialogue politique et prépare déjà l'après 20 décembre, date à partir de laquelle interviendra la fin du mandat légal de Joseph Kabila à la tête de la RDC.

En attendant, les congolais interprètent  de diverses manières cette nomination mais dans l'ensemble, beaucoup, notamment sur les réseaux sociaux, estiment que le grand perdant c'est évidemment Vital Kamerhe au vu de la détermination dont il a fait montre pour donner un brin de légitimité au dialogue politique initié par le camp Kabila.

 Avec une certaine dose d'humour pour certains internautes congolais, ce qui est loin de masquer le climat d'inquiétude ambiant alors que des troubles sont signalés dans certains quartiers de la capitale congolaise entre force de l'ordre et militants de l'opposition.

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