Mali : élections sous extrême tension

Les élections municipales maliennes auront-elles lieu ou seront-elles encore une nouvelle fois reportées ? La question taraude les Maliens à l'heure où le scrutin convoqué dans un peu plus d'une semaine va se dérouler dans un contexte sécuritaire pour le moins délicat. Mais le gouvernement s'obstine à ne pas entendre la chanson du report. Y a-t-il un intérêt? Eléments de réponse.
Ibrahima Bayo Jr.
(Archives) Des forces de sécurité maliennes contrôlant les électeurs devant un bureau de vote, lors du scrutin pour les législatives de 2013

Elles auraient normalement dû se tenir en avril 2014. Mais « le collège électoral est convoqué le dimanche 20 novembre 2016 sur toute l'étendue du territoire national à l'effet de procéder à l'élection des conseillers communaux ». C'est par cette annonce en date du 10 août après le conseil des ministres que le ministère de l'Administration territoriale a mis aux voix les partis politiques pour les communales.

Capharnaüm électoral

« La campagne électorale à l'occasion de l'élection des conseillers communaux est ouverte le vendredi 04 novembre 2016 à zéro heure. Elle est close le vendredi 18 novembre 2016 à minuit ». Avec deux années de retard, les élections municipales au Mali se tiennent dans un contexte proche d'un capharnaüm électoral. Alors que le nord du pays est sous emprise djihadiste et que les 135.000 réfugiés internes peinent à retrouver le chemin de leurs maisons abandonnées sous la menace d'une insécurité grandissante, les autorités maliennes ont maintenu la date du 20 novembre pour les élections municipales après avoir été reportées à quatre reprises.

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Dans un peu plus d'une semaine, 7 millions d'électeurs maliens se rendront aux urnes pour désigner les 12.000 conseillers municipaux dans les plus de 700 communes maliennes. Le mandat des actuels conseillers municipaux dure depuis 7 ans alors que leur durée légale était de 5 ans. C'est sans doute pour corriger cette anomalie que les autorités maliennes veulent organiser les élections à tout prix, au pas de course.

Une obstination qui se substitue à l'attentisme qui a prévalu au niveau des autorités en place à Bamako. Pendant longtemps en effet, le gouvernement soutenait mordicus l'idée d'un remplacement des conseillers municipaux actuels par une administration intermédiaire allant même jusqu'à obtenir l'aval de la cour constitutionnelle. Une idée depuis abandonnée au profit de la tenue dans l'urgence de réaliser une transition avec la signature d'un accord de paix signé en mai 2015 qui avait posé le retour effectif des réfugiés comme une condition essentielle à la tenue des élections. Or ces réfugiés, en interne ou concentrés dans des camps au Niger, au Burkina-Faso et en Mauritanie, sont loin de rentrer pour être les électeurs dans des zones aujourd'hui aux prises des groupes terroristes.

L'arbre qui cache la forêt

Ces élections vont en fait se tenir alors que les autorités maliennes ne contrôlent pas toute l'étendue des 1,2 millions de kilomètres carrés du territoire national. Le nord et le centre du pays sont aux prises avec les violences des groupes rebelles armés et des groupes terroristes tandis que, plus au sud, Bamako est sous pression des groupes terroristes de la région. Une situation qui aura forcément une incidence sur les élections à venir. Même s'il assure que la sécurité sera renforcée au maximum pour le bon déroulement du processus électoral, le gouvernement a reconnu son incapacité à organiser le scrutin dans certaines régions du pays. C'est donc une partie du corps électoral qui sera privé de son droit de vote.

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Mais au-delà de la question de l'exercice d'un droit, plusieurs doutes subsistent. A Bamako comme partout ailleurs, on s'interroge de savoir si ce renfort sécuritaire sera suffisant pour permettre aux électeurs de pouvoir se rendre dans le calme aux urnes. Et ceci d'autant plus que les raisons qui ont prévalu aux multiples reports de ces élections ne sont toujours pas écartées malgré la présence de forces comme Barkane et la Minusma. Mais les autorités ont fait fi de ces menaces et ont écarté un éventuel report.

A Bamako, les mauvaises langues indiquent que la situation arrange plutôt le pouvoir central. L'organisation de ces élections municipales sert à occulter le report d'élections plus importantes dont la convocation et la tenue sont jusque-là incertaines. En un mot comme en mille, certains observateurs soulignent que c'est l'arbre qui cache la forêt. Sur les dates du référendum constitutionnel (le 27 novembre 2016), des élections régionales et locales (mars 2017), de la présidentielle (juillet 2018) et des législatives (novembre 2018), le doute plane !

Ibrahima Bayo Jr.

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