Cour Pénale Internationale : l'Afrique part en dissidence !

C'est officiel ! En octobre 2017, l'Afrique du Sud ne sera plus un des 124 pays membres de la CPI. Pretoria a envoyé une lettre de retrait de la juridiction internationale universellement compétente pour juger des crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Elle suit le sillage du Burundi, premier pays du monde à voir eu l'"audace" de se retirer de la CPI confirmant au passage une dissidence africaine vis-à-vis de cette cour décriée. Détails
Ibrahima Bayo Jr.

La missive aura sans doute un retentissement continental. Dans un courrier adressé au secrétaire général des Nations unies et daté du 19 octobre dernier, l'Afrique du Sud a indiqué qu'elle se retire de la Cour pénale internationale (CPI). Le document paraphé par la ministre sud-africaine des Affaires étrangères, Maite Nkoana-Mashabane, n'use que très peu de délicatesse diplomatique pour annoncer les raisons de ce retrait de la juridiction internationale en activité depuis 2002.

Incompatibilité d'interprétations et brouille judiciaire

"La République d'Afrique du Sud a conclu que ses obligations au regard de la résolution pacifique des conflits étaient parfois incompatibles avec l'interprétation donnée par la Cour pénale internationale", écrit Pretoria dans sa lettre au Secrétariat général de l'ONU et consultée par l'agence britannique Reuters. Même si le gouvernement sud-africain ne s'est pas épanché pour fournir des motivations à son retrait, la passe d'armes entre Pretoria et CPI basée à la Haye aux Pays-Bas, n'est pas étrangère à cette décision. Flashback en juin 2015.

Sommet Union africaine

Alors qu'elle accueillait à Johannesburg le 25è sommet de l'Union africaine (UA), l'Afrique du Sud s'est vu servir un ordre d'exécution d'un mandat d'arrêt international délivré par la CPI à l'encontre du président soudanais Omar El Béchir. La Haute cour de Pretoria avait même rendu une décision ordonnant l'arrestation et la détention d'Omar El Béchir pour crimes de guerre. Le gouvernement sud-africain avait passé outre toutes ces injonctions en indiquant qu'elle ne pouvait pas exécuter cet ordre car le président soudanais était protégé par sa fonction. Résultat, Omar El Bechir a pu redécoller de l'Afrique du Sud pour rentrer chez lui sans être arrêté. Dans une logique de dialogue, Prétoria avait demandé plus de temps pour présenter à la CPI les motivations de son refus d'arrêter le président soudanais du fait de la complexité du droit international et national.

 Mais la tension entre la juridiction basée à La Haye et Pretoria était montée d'un cran. Avant même que l'Afrique ne présente ses arguments, CPI avait porté l'affaire devant la justice. Pretoria avait à ce moment indiqué que ses droits en tant qu'Etat souverain avaient été enfreints et que la CPI n'avait pas respecté la procédure.

La voie de la dissidence ouverte?

Il faut croire que l'Afrique du Sud n'a pas digéré cette embarrassante passe d'armes judiciaire avec la CPI et qu'elle a décidé de se retirer du Statut de Rome qui consacre la création de la CPI. Ce retrait de l'Afrique du Sud est un camouflet pour la CPI. Dans une moindre mesure, il consacre une dissidence de plus en plus marquée des pays africains vis-à-vis de la Cour pénale internationale. Cette dernière n'est pas en odeur de sainteté sur le continent où elle est sous une rafale de critiques pour s'être supposément acharnée pour ne juger que les chefs d'Etat africains.

C'est le Burundi qui a donné le ton du claquage de la porte de la CPI. Le président burundais, Pierre Nkurunziza, sous le coup d'une enquête de la CPI pour violences et crimes commis lors de la répression de manifestants suite à son élection controversée à un troisième mandat, a promulgué, le 18 octobre dernier, un texte de loi approuvé par l'Assemblée nationale et le Sénat lors d'une procédure accélérée. Le texte consacre le retrait du Burundi du traité de Rome et donc sa sortie de la CPI au moment même où un rapport de l'ONU soulevait le risque de génocide dans le pays.

Il semble que la brèche ouverte par le Burundi, premier pays à acter un retrait de la CPI, constitue désormais la voie ouverte vers la dissidence. Les retraits du Burundi et de l'Afrique du Sud ne devraient être effectifs un an après la réception de la lettre officielle de retrait adressée au SG de l'ONU.

A noter que d'autres affaires africaines restent en suspens au niveau de la CPI notamment sur des présomptions de crimes, crimes contre l'humanité et de violences post-électorales. Dans l'un ou l'autre des cas, les enquêtes visent des pays comme la Centrafrique, le Mali, la Côte d'Ivoire, la Libye, le Kenya, le Darfour, la République démocratique du Congo, l'Ouganda, le Burundi ou le Gabon.

Ibrahima Bayo Jr.

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Commentaires 3
à écrit le 28/10/2016 à 15:11
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La seule chose qui retenait les dictateurs/autocrates africains de perpétuer leurs exactions/spoliations était une inculpation de la CPI.... tous ceux qui entament une démarche pour sortir ont peur et sont coupables . Gambie, Gabon, AFSud (Jacob Zum...

à écrit le 27/10/2016 à 7:35
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Les pays qui déclare sa souveraineté et ne respecte pas la voix du peuple sont des pays qui sont représenté par des dictateurs. Je me disais que l' interpellation des présidents africain auprès de la CPI allait plus attirer leurs cconscience par rapp...

à écrit le 21/10/2016 à 13:14
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Le Burundi se retire de la Cour Pénale Internationale CPI à cause de son instrumentalisation ( manque d’indépendance ) sur base de Guerres Humanitaires menées par les occidentaux contre les pays africains. [ http://burundi-agnews.org/sports-and-gam...

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