Exclusif  : ce que cache l'affaire Platinum Power

Aux prises avec une «divergence stratégique» qui secoue depuis quelques mois ses principaux actionnaires, l'énergéticien panafricain basé au Maroc, Platinum Power, joue son avenir dans les prochains jours. Au cœur de la discorde, la mésentente désormais publique entre l'Américain Michael Toporek, PDG de Brookstone Partners, et son associé marocain, le financier Omar Belmamoun, PDG de Platinum Power. D'accusations en procédures judiciaires au Maroc et aux Etats-Unis, l'affaire qui fait couler beaucoup d'encre pourrait pourtant bien cacher d'autres intentions inavouées et qui tiennent notamment au potentiel de développement de l'entreprise en Afrique. D'autant qu'au cœur de la polémique, Michael Toporek n'en serait pas à son coup d'essai, comme le prouve une plainte pour fraude et négligence datant de 2011 qui le visait aux Etats-Unis et dont «La Tribune Afrique» a pu obtenir copie.
Selon les minutes d'une plainte déposée le 27 mai 2011 auprès de la division de Miami de la cour du district sud de l'Etat de Floride, Michael Toporek a été attaqué par Gianni Gelleni, un investisseur vénézuélien et patron d'Archangel Trading LLC, avec lequel une discrète transaction amiable a été négociée, obligeant Toporek à verser un dédommagement substantiel à M. Gelleni.
Selon les minutes d'une plainte déposée le 27 mai 2011 auprès de la division de Miami de la cour du district sud de l'Etat de Floride, Michael Toporek a été attaqué par Gianni Gelleni, un investisseur vénézuélien et patron d'Archangel Trading LLC, avec lequel une discrète transaction amiable a été négociée, obligeant Toporek à verser un dédommagement substantiel à M. Gelleni. (Crédits : LTA)

Ce mardi 5 février sera un jour capital pour Platinum Power, entreprise pionnière au Maroc dans le développement privé des barrages hydroélectrique. En plus du conseil d'administration et de l'assemblée générale des actionnaires, qui doivent se tenir dans la même journée, le tribunal de commerce de Casablanca examinera en effet la procédure enclenchée depuis juillet dernier, par le commissaire aux comptes de l'entreprise, alertant sur sa situation financière critique qui découle d'un blocage de gestion de l'entreprise suite à un conflit entre les actionnaires.

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A la veille de ces rendez-vous décisifs pour l'avenir de l'entreprise, l'affaire ne cesse de connaître de nouveaux rebondissements, avec notamment l'un des actionnaires principaux, l'Américain Michael Toporek -PDG de Brookstone Partners, qui détient 41,8% du tour de table de Platinum Power- qui maintient ses accusations de «mauvaise gestion» à l'encontre de Omar Belmamoun, PDG de Platinum Power, qui détient 41,8% des parts de l'énergéticien à travers sa société Luminy Invest.

Cette fois, c'est l'achat d'une propriété dans la zone touristique de M'diq, dans le nord du Maroc, qui fait l'objet d'une polémique. L'Américain accuse le Marocain d'avoir acquis illégalement cette propriété, pourtant inscrite au nom de la joint-venture Brookstone Partners Maroc et dont l'achat a été autorisé par le Board de cette entreprise qui a été lancée par les deux associés en 2011 et qui, par la suite, a donné naissance à Platinum Power en 2012.

De nouvelles accusations balayées d'un revers de la main par Omar Belmamoun et qui, pour certains de ses proches, ne seraient qu'une nouvelle tentative de Michael Toporek de nuire à la réputation du PDG de Platinum Maroc, à l'instar de ce qu'ils qualifient de «cabale médiatique». C'est du reste ce qui conforte ce dernier dans la plainte qu'il a déposée contre son associé pour fraudes au niveau des juridictions américaines où Michael Toporek est désormais poursuivi par le PDG de Platinum Power pour mauvaise gestion d'une entreprise dans laquelle Brookstone Partners Morocco a investi près de 4 millions de dollars, dénommée Finco.

Selon nos informations, le juge aurait ordonné à Michael Toporek de produire l'ensemble des bilans de cette dernière, mais l'Américain refuserait à date de les présenter à la justice, payant une astreinte journalière importante. Or, selon des informations exclusives obtenues par La Tribune Afrique, Toporek n'en est pas à sa première plainte pour fraude.

Toporek a-t-il floué un investisseur vénézuélien ?

Selon les minutes d'une plainte déposée le 27 mai 2011 auprès de la division de Miami de la cour du district sud de l'Etat de Floride, Michael Toporek a été attaqué par Gianni Gelleni, un investisseur vénézuélien et patron d'Archangel Trading LLC, avec lequel une discrète transaction amiable a été négociée, obligeant Toporek à verser un dédommagement substantiel à Gianni Gelleni. Suite à cet arrangement, ce dernier a adressé une lettre laudative à Michael Toporek qui dénote substantiellement avec la virulence des accusations portées initialement. (Une copie de cette lettre, datée du 31 juillet 2012, nous a été transmise par la défense de Michael Toporek).

L'action visait Brookstone Partners Acquisition (BPA), la société de conseil en capital-investissement, dirigée par Michael Toporek ainsi que MJT Park Investors, la société mère de BPA et que détient également le même Toporek. Ce dernier était d'ailleurs lui-même visé par la plainte, poursuivi pour plusieurs chefs d'accusation, notamment «violation des obligations fiduciaires», «déclarations frauduleuses», «négligence» ou «défaut de transparence comptable envers l'investisseur».

Capture page de garde plainte Brookstone Toporek

Plainte enregistrée 27 mai 2011 par la division de Miami de la cour du district sud de l'Etat de Floride contre Michael Toporek

C'est en 2003 que débute l'affaire entre les deux anciens partenaires. Avec ses deux sociétés, BBP et MJT Park Investors, Michael Toporek a pu convaincre Gianni Gelleni d'investir des fonds dans diverses opérations financières, notamment le rachat d'entreprises en difficultés qui devraient être assainies puis revendues, avec à la clé des plus-values garantissant un rendement qui pourrait atteindre 4 à 7 fois le montant investi. Ainsi naquit la société Archangel Trading. Entre 2003 et 2006, elle réalisa une série d'opérations dans des véhicules d'investissement proposés par MJT Park Investors, la société mère de BPA, pour un montant total de 4 095 000 de dollars. Sauf que l'investisseur, qui a été à plusieurs reprises rassuré par son partenaire, a fini par découvrir tardivement que les fonds investis se sont volatilisés ou n'avaient pratiquement plus aucune valeur.

Lettre Gianni Gellini Affaire Platinum Power

Lettre de retractation de Gianni Gellini

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Pire encore, malgré ses nombreuses sollicitations, le plaignant, Gianni Gelleni, a affirmé à la Cour avoir fait l'amer constat que Michael Toporek ainsi que les deux sociétés qu'il administrait, refusaient ou étaient dans l'incapacité de fournir des explications sur l'état et l'utilisation des investissements consentis, ainsi que de fournir des informations sur la destination et le statut des acquisitions faites par BPA.

Selon le plaignant qui a fourni une longue liste d'éléments de preuves lors de sa plainte, cette fraude pour «négligence et manquement à une obligation fiduciaire» aurait résulté de placements qu'il a effectués à travers Archangel Trading dans des fonds lancés par Brookstone Partners Acquisition et MJT Park Investors. Selon les plaintes, Michael Toporek ainsi que les deux entreprises dont il est le propriétaire auraient dérogé à leur obligation légale de transparence et d'information, en omettant de lui révéler que les sociétés achetées ou dans lesquelles Brookstone Partners Acquisition avait investi se trouvaient dans des situations financières précaires et constituaient de ce fait des investissements risqués, alors qu'il lui avait promis un retour rapide sur investissement sans risque élevé pour les opérations qui y seront menées.

Une crise de confiance à la base du conflit, mais pas que...

Depuis le début de cette affaire, les velléités de Michael Toporek d'éjecter Omar Belmamoun de son poste de PDG de l'entreprise ne font aucun doute. Pour quelles fins ? C'est là le véritable enjeu puisqu'il s'agit à l'évidence de profiter du plein potentiel de développement de Platinum Power et des contrats signés par cette dernière. Au Maroc tout d'abord, où l'entreprise a obtenu, en octobre dernier, les autorisations provisoires pour la construction et le développement de barrages hydroélectriques. En Afrique ensuite, avec les projets en cours en Côte d'Ivoire pour la construction de 2 barrages de 100 et 110 MW pour un investissement de 750 millions de dollars ; et au Cameroun enfin, où l'entreprise a également obtenu des concessions pour la réalisation d'infrastructures de production d'électricité à Makay, un projet de 800 millions de dollars pour 400 MW à l'horizon 2023.

Or, selon une source proche du dossier, «certains faits concordants et assez troublants indiquent des intentions inavouées de certains de faire main basse sur cette niche sur laquelle Platinum Power a été une des pionnières du marché et pour laquelle elle a déjà balisé le terrain. Comment comprendre en effet que c'est au moment où l'entreprise entame le début de sa phase d'exploitation des projets, annoncés pour 2019, que la tension soit montée d'un cran et que les accusations de mauvaise gestion apparaissent ?»

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Autre fait qui ne souffre d'aucune ambiguïté et qui conforterait cette thèse, le rachat en juillet 2018 d'une autre société marocaine, AM Wind, par une nouvelle filiale de droit canadien, Platinum Power Investments, créée par Michael Toporek, sans l'aval de son partenaire. C'est par ce truchement qu'a été annoncé, en juillet dernier, l'arrivée de Soluna, leader mondial autoproclamé du cloud computing intégré, avec un méga-projet «off-grid» qui consisterait au développement d'un complexe éolien de blockchains dans la région de Dakhla pour un investissement estimé entre 1,4 et 3 milliards de dollars sur cinq années à partir de 2019. Le projet concernerait l'installation d'une ferme éolienne de 900 MW pour alimenter des centres de données de blockchains, souvent utilisés dans la cryptomonnaie.

Soluna s'est donc greffée à un projet initié au départ par une entreprise allemande installée au Maroc depuis 2007, AM Wind, avant de tomber dans le giron de Michael Toporek, déjà en plein conflit avec son associé marocain sur un autre projet dans lequel il est question de recapitaliser Platinum Power pour lui permettre d'accélérer ses projets qui ont pris un sérieux retard au regard de la complexité des procédures. Ce que le PDG de l'entreprise ne nie pas d'ailleurs. Cette affaire de rachat d'AM Wind a ainsi beaucoup pesé dans l'amplification, en 2018, de la crise entre les deux associés avec des accusations de part et d'autre, des conseils d'administration sans issues et des tentatives échouées de donner un nouveau départ à Platinum Power.

Quel avenir pour Platinum Power ?

Selon plusieurs informations concordantes, et selon des sources proches de l'ensemble des actionnaires, les difficultés financières que traverse actuellement l'entreprise marocaine sont facilement gérables pour peu que le conflit au sommet entre les deux principaux actionnaires de Platinum Power cesse rapidement.

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Ainsi, se pose la question suivante : comment réagiront les actionnaires minoritaires comme Afric Invest et TGCC ? Risqueront-ils de se mettre à dos l'actionnaire marocain ou prendront-ils parti en sa faveur, sachant que la dimension «patriotisme économique» risque de devenir importante pour une société immatriculée dans le royaume et qui est apparue comme l'un des porte-flambeau de l'ambition énergétique marocaine en Afrique de l'Ouest ? Réponse lors du prochain conseil d'administration de l'énergéticien.

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Commentaires 2
à écrit le 05/02/2019 à 20:59
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Cet article ne me paraît pas très objectif comme tous les articles de presse sur cette affaire qui penchent clairement d’un côté ou de l’autre...

à écrit le 05/02/2019 à 18:47
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Illustre article quand l'américain met sa poche au tribunal le marocain paye bien son abonnement au journal Tribune ! Drole de simularité avec l'article sur SUNU Assurance ! ps: il faut dosser la shorba

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