Jean Castex dénonce les «prêteurs sur gage» de l'aide internationale à l'occasion des 80 ans de l'AFD

L'Agence française de développement fêtait le 2 décembre ses 80 ans au Museum d'Histoire naturelle de Paris. A cette occasion, le Premier ministre français Jean Castex annonçait le changement de nom programmé de l'AFD alors qu'Elisabeth Moreno confirmait la création d'une Maison des cultures africaines à Paris, dans une ambiance mi-festive mi-alarmiste.
(Crédits : AFD)

Créée à Londres en 1941 par le général De Gaulle, la Caisse centrale de la France libre ou « CCFL » prend la dénomination de Caisse Centrale en 1946 et devient la cheville ouvrière de la reconstruction nationale. A l'heure des indépendances en 1960, elle s'attèle à la coopération économique aux côtés des nouveaux Etats africains. En 1975, son champ d'intervention s'étend en dehors de la zone francophone africaine. Deux ans plus tard, naît Proparco, sa filiale dédiée au secteur privé.

En 1983, dans un contexte d'ajustements structurels, la Caisse centrale diversifie ses partenariats qui touchent désormais gouvernements mais aussi acteurs privés et sociétés civiles. En 1998, elle prend le nom d'Agence française de développement (AFD) et développe des activités dans les domaines sociaux et environnementaux. Son périmètre couvre alors l'Afrique mais aussi l'Asie et l'Amérique du Sud.

En 2015, elle devient une agence « ODD compatible » et « 100% Accord de Paris » dans la droite ligne de la COP21 et s'intéresse en sus, aux questions de gouvernance et d'intégration par le sport et la culture. Enfin, en 2021, elle intègre en son seing, Expertise France (agence de coopération technique internationale) et se présente comme un « investisseur solidaire », portant une attention toute particulière à l'unité et à la « vulnérabilité du vivant » dans un contexte de pandémie mondiale.

« Un monde en commun » dans une conjoncture incertaine

« A 80 ans, on n'est pas tout à fait jeune mais on n'est pas encore très vieux, même si l'on s'approche du centenaire », déclarait par viso-conférence, Achille Mbembe, le 1er décembre, à l'occasion d'un point presse organisé au siège de l'Agence française de développement (AFD) en amont d'une grande cérémonie qui s'est tenue le lendemain, au Museum d'Histoire Naturelle de Paris. Le lieu n'a pas été sélectionné par hasard, précise Rémy Rioux, le directeur général de l'AFD. « Cela nous renvoie bien avant l'époque des colonies et notamment aux temps des grands voyageurs », souligne-t-il. La date de cet anniversaire n'était pas anodine non plus, puisqu'elle coïncidait avec la journée internationale pour l'abolition de l'esclavage.

Alors que le débat entre le président Macron et la jeunesse africaine invitée au Sommet de Montpellier en octobre dernier, en appelait à une redéfinition de la relation franco-africaine, l'heure est à « l'investissement solidaire » pour la banque de développement.

Le 2 décembre en ouverture de la cérémonie d'anniversaire, Rémy Rioux a souligné les menaces qui planent sur un avenir incertain lié aux défis sanitaires et climatiques en particulier, rappelant la « prise de conscience massive des grandes transformations qui sont à l'œuvre avec une très grande angoisse à la clé -si- les moyens d'actions pour y faire face » n'étaient pas rapidement trouvés. « Depuis 2015, nous sommes dans une forme de tension qui n'est pas claire », a-t-il poursuivi. En Afrique du Sud, d'où intervenait Achille Mbembe par écran interposé, le ton est tout aussi solennel. « La terre est sur le point d'atteindre ses limites », a-t-il déclaré, revenant sur « la rupture de l'équilibre des processus naturels de la planète -qui- est en péril au moment où le capital est plus que jamais engagé dans un projet d'extension infini qui vise à réduire la société au marché ». Le ton est donné. Il faut « repenser nos façons de faire », prévient Rémy Rioux alors qu'Achille Mbembe invite à « réarticuler une vision en commun pour une conscience planétaire ».

Plus optimiste et tout sourire, Elisabeth Moreno, la ministre française déléguée à l'Egalité femmes-hommes, à la Diversité et à l'Egalité des chances était venue confirmer la création prochaine d'une Maison des cultures africaines qui sera hébergée à Paris.

Castex dénonce la présence d'une logique « prédatrice » en matière de solidarité

En clôture de cet anniversaire, le Premier ministre Jean Castex s'est félicité que la loi de programmation du 4 août dernier soit « l'unique texte voté à l'unanimité par le Sénat et l'Assemblée nationale au cours du quinquennat », soulignant par ailleurs, que l'aide française avait augmenté de 35 % sur la même période, pour atteindre 12,5 milliards d'euros. « Elle représente en 2022, 0,55 % du PNB, contre 0,4 % en 2017 », faisant de l'Hexagone le 5e bailleur mondial.

Le monde du développement n'est pas exsangue de toute rivalité géopolitique. Aussi, le Premier ministre français s'est félicité du modèle d'aide au développement tricolore porté par l'AFD, aujourd'hui « concurrencé par d'autres » acteurs. Ne mâchant pas ses mots, il a ajouté : « Je pense bien sûr à la montée en puissance, plus particulièrement en Afrique, de bailleurs bien moins scrupuleux dans leurs pratiques du crédit, en matière d'endettement en particulier, et moins soucieux de l'indépendance des pays partenaires. Ces « prêteurs sur gage » internationaux poursuivent une logique de rentabilité à court terme, souvent prédatrice, j'assume le mot ». L'attaque contre Pékin est à peine voilée.

Parallèlement, Jean Castex a manifesté sa volonté de « renforcer la confiance -des- citoyens dans l'aide publique de la France, de dépasser les idées reçues et de contrer les fausses informations -en bâtissant- une base de données claire et lisible de l'AFD française, accessible à tous, qui permettra à chaque citoyen de voir facilement qui fait quoi, avec quels moyens, et où ». Cette déclaration fait écho à l'enquête publiée par le site Mediapart qui indexa l'opacité de l'usage des fonds accordés à l'AFD dans plusieurs pays africains. En fin d'allocution, le Premier ministre a confirmé le changement de nom du groupe AFD qui sera dévoilé en février 2022, à l'occasion du Sommet entre l'Union européenne et l'Union africaine, à Bruxelles.

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Commentaire 1
à écrit le 09/12/2021 à 8:27
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"La véritable aide consiste à aider à se passer de l'aide" Sankara.

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