Private Equity : Au Tchad, la volonté de capter les flux d’investissement drainés par l’Afrique

L’Afrique est attractive pour les fonds d’investissement internationaux ces dernières années. Mais certains pays disposant pourtant d’un potentiel à l’instar du Tchad restent quasiment absents des radars. Alors que l’économie à bout de souffle est partiellement animée par un secteur privé souvent à court de financement, les quelques acteurs locaux de private equity se mobilisent en association pour changer la donne…
Ristel Tchounand
(Crédits : DR)

« L'investissement en capital peut permettre aux acteurs économiques tchadiens de créer un réel impact au regard du potentiel dont dispose le pays », affirme à La Tribune Afrique Mahamat Kadergueli, président de l'Association tchadienne des investisseurs en capital (ATIC). Plateforme d'échanges avec les entrepreneurs, les investisseurs institutionnels, les pouvoirs publics et les associations professionnelles, cette organisation qui voit le jour entend notamment à œuvrer pour « organiser, développer et crédibiliser la place de N'Djamena, mais aussi attirer les ressources du capital investissement » en vue de développement du secteur privé tchadien.

« L'attractivité de l'Afrique pour les fonds d'investissement n'est plus à démontrer, c'est vrai. Mais ces fonds vont d'abord en Afrique du Sud, en Afrique du Nord, au Nigeria et un peu en Afrique de l'Ouest où la Côte d'Ivoire notamment se réveille. La zone CEMAC en général affiche de très faibles taux de pénétration. Au Tchad, ce taux est quasi insignifiant », explique Kadergueli.

Quelques fonds s'intéressent à ce marché d'Afrique centrale, mais leurs interventions restent encore, pour la plupart, ponctuelles. C'est le cas notamment des panafricains Emerging Capital Partners (ECP) et Investisseurs et Partenaires (I&P) ou encore le mauricien Ajif Fund. Sahel Investment Partners, fonds d'investissement basé à Maurice et actif au Tchad -fondé par Mahamat Kadergueli-, est l'un des rares implantés de manière permanente. Pourtant, estime l'ATIC, le pays ne manque pas d'opportunités.

« Réinventer » la manière de faire les affaires

Bien que riche en coton, en bétail, en gomme arabique ou en sésame, l'économie tchadienne pâtit de sa forte dépendance vis-à-vis du pétrole, cette ressource qui l'a tantôt propulsée, tantôt écrasée. On se souvient encore du taux de croissance vertigineux du PIB de 33,6% en 2004 suite à la flambée des cours sur les marchés internationaux, paradoxalement à la récession (-6%) de 2016. Depuis, l'économie est rattrapée par le modèle qui a prévalu historiquement. « Le problème du Tchad a été celui de toute la CEMAC. Jusqu'en 2014, les pays de la zone étaient très liquides grâce au pétrole. Les Etats finançaient tout eux-mêmes. C'est une hérésie ! Personne n'investit avec son argent dans les infrastructures par exemple. Maintenant, les pays ont compris qu'ils doivent explorer d'autres modes de financement », remarque le président de l'ATIC.

Ce modèle économique n'a également pas favorisé la créativité du secteur privé. « Environ 80% des entrepreneurs tchadiens vivaient des marchés publics. Cela fonctionnait quand l'Etat avait de l'argent, mais depuis que les finances publiques sont asséchées, ça va mal pour le secteur privé. Les entrepreneurs tchadiens doivent se réinventer. Par le passé, les meilleurs d'entre eux allaient chercher des avances dans les banques en attendant que l'Etat paie... Il faut donc leur apprendre qu'ils peuvent faire autrement en se tournant notamment vers les investisseurs en capital », explique Kadergueli.

Favoriser l'émergence de champions nationaux

L'association qui veut contribuer à la création de champions nationaux au Tchad, veut promouvoir le capital investissement, afin que le pays draine de meilleurs financement pour le développement de l'industrie, la transformation des produits d'exportation phares. Afin de créer un cadre favorable à la matérialisation de cette vision, l'ATIC entend développer des cycles de formation afin de sensibiliser les acteurs économiques sur le bien-fondé de l'investissement en capital, outiller les entrepreneurs pour la formulation des projets, former les Tchadiens aux métiers de l'investissement. En effet, une des difficultés de fonds qui s'intéressent au potentiel tchadien, selon l'Association, est non seulement la qualité des projets, mais aussi l'existence d'une main d'œuvre qualifiée pour la gestion des fonds. « On ne construit pas des champions nationaux avec la dette. La dette étrangle. Les fonds d'investissement prennent le risque avec les entrepreneurs. Il faut donc que ceux-ci puissent correctement formuler les projets », explique cet investisseur.

Un accent particulier sera en outre mis sur la formation des femmes afin d'améliorer la parité au sein des conseils d'administration des sociétés de gestion.

Dans un entretien avec LTA en avril 2018, Michelle Kathryn Essomé, alors CEO de l'Association africaine de capital investissement et de capital-risque (AVCA), estimait que « l'industrie du capital-investissement est parmi les principaux moteurs de développement à long terme en Afrique ». Elle soulignait à cet effet la nécessite de vulgariser cette forme de financement afin que les économies puissent en tirer parti. L'initiative de l'ATIC intervient à un moment où l'économie tchadienne, toute comme toute la zone CEMAC, devrait être particulièrement concernée par la récession annoncée au Sud du Sahara en raison de la pandémie de coronavirus. L'investissement en capital se profile donc en instrument -parmi tant d'autres- pour faciliter la relance.

Ristel Tchounand

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