Nigeria : le rapport accablant de la NEITI sur la gestion du secteur des hydrocarbures

Disparition de 16,8 milliards de dollars de dividendes, fonte de 55% des bénéfices pétroliers, « surévaluation » des déficits financiers occasionnés par le vol et perte d’hydrocarbures… La liste des griefs portée par la Nigeria Extractive Industries Transparency Initiative (NEITI) à l’encontre des opérateurs publics et privés du secteur des hydrocarbures au Nigeria est impressionnante et ne couvre que l’exercice 2015.
(Crédits : Reuters)

La Nigeria Extractive Industries Transparency Initiative (NEITI), une instance de contrôle du secteur des hydrocarbures rattachée à la présidence de la république vient de pointer du doigt le mode de gestion des ressources pétrolières et gazières du pays. Le NEITI a ainsi chargé le gouvernement d'enquêter sur la baisse de 55% des recettes pétrolières en 2015.

55% de pertes financières pour 2,7% de baisse de production

L'instance s'est interrogée sur la fonte des revenus hydrocarbures entre 2014 et 2015, qui sont passés de 54,5 à 24,8 milliards de dollars en l'espace d'un an, alors que la production pétrolière n'a pas affiché de baisse considérable, passant de 798 millions de barils en 2014 à 776 millions de barils en 2015. Selon le rapport d'audit de l'industrie pétrolière et gazière de l'exercice concerné, les recettes exceptionnelles du secteur s'élevaient à 3,7 milliards de dollars et 80 milliards de nairas, pour des pertes de 2,2 milliards de dollars et 60 milliards de nairas, avec un écart non justifié de 317 milliards de nairas (un peu plus de 800 millions de dollars).

« Au-delà de fournir un aperçu de ce qui s'est passé en 2015, ce rapport révèle des fonds à recouvrer, des fuites à bloquer et des réformes urgentes à entreprendre. Le point le plus critique à retenir est la nécessité d'accélérer, d'élargir et de soutenir les réformes dans ce secteur », a déclaré Waziri Adio, secrétaire exécutif de NEITI, lors de la publication du rapport. Pour l'instance, la perte de 55% des revenus issus des hydrocarbures ne peut s'expliquer par les 2,7% de baisse de la production pétrolière enregistrés entre 2014 et 2015.

Seuls 5,6% du brut alloué au marché intérieur arrive à destination

Le NEITI a dans son rapport tenu compte de la chute du prix moyen du baril de brut sur le marché mondial entre 2014 et 2015, passant de 101,9 à 52,1 dollars ou encore aux actes de sabotage « militant » et au siphonnage de pipelines et gazoducs. Sans pour autant perdre de vue que la production totale de gaz a augmentée de plus de 20% entre 2014 et 2015 ou que l'extraction de pétrole s'est lors de la même période renforcée de 4 millions de barils. Sur les 780 millions de barils produits lors de l'exercice, la production des opérateurs privés s'est établie à 467 millions de barils pour 313 millions de barils produits par l'opérateur public, la Nigerian National Petroleum Company (NNPC).

Pour l'instance rattachée à la présidence, la part de production de la NNPC qui sur le papier est répartie quasiment à parts égales entre l'export et le marché intérieur soit une attribution respective de 159,4 et 153,9 millions de barils. Il n'empêche que sur le terrain la part de brut allouée au marché intérieur n'a pas dépassé les 8,7 millions de barils, soit 5,6% du pétrole brut allouées aux raffineries locales en 2015. Le NEITI s'est également interrogé sur la gestion des dividendes versées par le Nigeria Liquefied Natural Gas Limited (NLNG).

 Dividendes polémiques

La structure a déclaré en 2015 avoir versé 1,07 milliard de dollars sous forme de dividendes, intérêts et remboursement de prêts à la NNPC, répartis de la sorte : 1,04 milliard de dollars en dividendes, 3,1 millions de dollars d'intérêts et 29,1 millions de dollars de remboursement de prêt. Ce qui devrait porter le total des versements de la NLNG à la NNPC à 16,8 milliards de dollars pour période allant de 2000 à 2015. « Bien que la NNPC ait toujours confirmé la réception des paiements, elle n'a jamais démontré avoir transféré ces fonds au gouvernement fédéral ou au comptes fédéraux. La NNPC maintient avoir une autorisation de la présidence lui permettant de détenir les dividendes en fiducie et de les utiliser selon les directives du gouvernement. Le NEITI recommande donc à l'entreprise de fournir la preuve documentaire lui permettant de détenir ces fonds en fiducie, de rendre compte des dépenses et notamment le statut de dollars collectés en 16 ans », s'interrogent les auditeurs de la NEITI dans le rapport.

L'office de contrôle s'est également intéressée aux cas de « vol grossier et perte de produits », lors de la même année. Selon le NEITI, le volume de brut déclaré volé par 13 opérateurs s'est établi à 27,1 millions de barils. L'instance s'est ainsi étonné dans son rapport que ce qui représente 3,5% de l'ensemble de la production pétrolière ait été valorisé à 1,4 milliard de dollars, dans le collimateur du NEITI, la Pipeline and Products Marketing Company (PPMC) qui a déclaré 11 milliards de dollars de pertes liées au vol de 113,1 millions de barils de bruts entre 2011 et 2015 ou encore 56,4 milliards d'euros de pertes dues aux pertes de produits sur la même période. « NEITI réitère son appel pour la mise en place d'infrastructures de comptage efficace et adéquate ou encore de la mise en place d'une sécurité accrue de notre pétrole et de notre gaz », recommandent les auditeurs.

L'audit publiée par NEITI a également critiqué la gestion et la tenue de comptes de l'allocation brute nationale, des « articles d'appel sans espèces » soit des versements de fonds par les opérateurs à des institutions comme la National Intelligence Agency, la Marine sans qu'ils figurent dans le budget de la NNPC. S'y ajoutent les pertes liées aux arrangements de traitement extra côtier (OPA), annulés par l'administration Buhari en 2015 ou encore le passif lié à la NDPC, filiale de la NNPC qui aurait totalisé une de recette d'un plus d'un milliard de dollars. Le NEITI s'est par ailleurs engagé à publier les rapports des années 2016 et 2017 lors de l'exercice en cours.

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