Zone Franc : les banques africaines, doivent-elles réellement redouter Bâle III ?

La publication, en décembre dernier, d’un rapport du cabinet Finactu sur l’addition du passage à Bâle III pour les banques de la Zone Franc a été vigoureusement contestée par la BCEAO qui l’a aussitôt qualifiée de tendancieux. Selon le cabinet basé à Casablanca, les faiblesses structurelles des établissements bancaires des zones UEMOA et CEMAC ainsi que les contraintes induites par Bâle III vont se traduire par un chamboulement du marché avec à la clé, un coût de 1000 milliards Fcfa. Faux ! a rétorqué la BCEAO qui a mis en avant des données erronées ainsi que des estimations fallacieuses.
(Crédits : DR.)

C'est à une véritable passes d'armes qu'on a assistée, lors de la présentation, le 18 décembre dernier à Dakar, du rapport du cabinet Finactu sur le marché bancaire de la Zone Franc ainsi que les perspectives dans le sillage du passage à la conformité aux normes prudentielles de Bâle III.

Avec un titre incendiaire : « Avis de tempête sur les banques de la zone FRANC : BÂLE III va coûter 1.000 milliards de FCFA », le cabinet basé à Casablanca a détaillé les contraintes et défis auxquels sont confrontées les banques de la zone Franc, et attiré l'attention sur les chamboulements attendus de la mise en œuvre de Bâle III en Afrique.

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Selon le document, la Zone Franc circonscrite à l'Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) et à la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) est caractérisée par un nombre élevé d'établissements bancaires, dominés par des groupes subsahariens et nord-africains. De plus, le secteur souffre de faiblesses structurelles, liées à l'insuffisance et à l'inadéquation de l'offre bancaire, la faiblesse du taux de bancarisation, l'étroitesse du marché et à la rude concurrence. Des facteurs auxquels s'ajoutent les contraintes induites par Bâle III et dont la mise en œuvre laisse présager des chamboulements, selon sur étude de Finactu.

Il n'en fallait pas plus pour sortir de ses gongs, la responsable de la réglementation bancaire à la Direction de la Stabilité financière de la BCEAO, Yaye Aminata Seck Mbow, qui a d'emblée qualifié le rapport de « mensonger », indexant indirectement Finactu d'avoir un « agenda caché » qui vise à semer le trouble le système bancaire de l'UEMOA au profit de certains groupes bancaires internationaux.

L'Afrique face aux exigences de Bâle III selon Finactu

Dans son rapport, Finactu estime que le passage à Bâle III sera à l'origine d'importants bouleversements, avec une facture de plus de 1 000 milliards de Fcfa pour les banques de la zone, doublée d'une nouvelle exigence pour assainir le secteur. Selon l'étude, il s'agit de « chiffrer le coût du renforcement de la solvabilité pour nos banques, en montrant que l'addition pourrait dépasser 1.000 milliards de Fcfa».

En effet, la mise en œuvre de Bâle III favorise une sélection naturelle dans le secteur bancaire, laissant subsister uniquement les banques les plus résilientes, selon le rapport.

Un nouveau dynamisme qui laisse présager une véritable course aux fonds propres, sur fond de baisse des rendements, de la concentration des banques et de la naissance d'une nouvelle logique analytique du crédit à la clientèle dans les pays de l'UEMOA et de la CEMAC, ainsi que le boom des activités non consommatrices de fonds propres.

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Les spécialistes ont ainsi estimé qu'un développement harmonieux du secteur bancaire de la zone dépendra de la capacité des établissements financiers à décortiquer et à prendre en compte les réels enjeux de Bâle III.

Des banques qui doivent déjà surmonter un ensemble de facteurs bloquants, des faiblesses structurelles dont le tableau a été brossé auparavant par l'étude. Il s'agit en la matière, d'un tableau sur la dure réalité des banques de la Zone UEMOA et de la CEMAC, caractérisées par une offre peu diversifiée et inadaptée aux besoins.

En effet, la faiblesse de la distribution de crédit dans la Zone Franc est un reproche constant contre les banques. Le rapport pointe également du doigt les paradis artificiels pour les titres publics, auxquels elles sont très dépendantes dans l'espace de l'UEMOA et dans une moindre mesure au niveau de la CEMAC.

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Une étude fausse et malhonnête selon la BCEAO

« Les rédacteurs de ce rapport ont fait la preuve d'une méconnaissance totale de ce qui est Bâle III », a rétorqué aussitôt Yaye Aminata Seck Mbow, qui représentait la BCEAO à la cérémonie de présentation du rapport.

Dénonçant la méthodologie utilisée pour l'élaboration du rapport, elle a qualifié de « fausses », les données utilisées qui se basent sur celles publiques des banques à fin 2016, « en plus de certaines approximations ».

« On ne peut pas répliquer le ratio de solvabilité juste sur la base des états financiers publics. C'est une étude d'impact et non une étude économétrique », a expliqué la responsable de la BCEAO pour qui, par exemple, contrairement à ce que Finactu dit, l'impact de Bâle III sur les fonds propres et le risque de crédit ne sont pas nuls.

Remettant en cause point par point, les conclusions du cabinet Finactu, la chargée de la réglementation bancaire à la Direction de la Stabilité financière de la BCEAO a fait savoir que certaines banques nationales ont des fonds propres plus importants que des banques internationales d'origine marocaine et européenne présente dans la zone.

Selon elle, « il est donc totalement erroné de dire que toutes les banques mono-pays sont appelées à disparaître ». Yaye Aminata Seck Mbow a d'ailleurs révélé que la BCEAO a mené une série d'études auprès des banques de l'Union afin d'évaluer le véritable impact des mesures prudentielles contenues dans Bâle III. Ce sont les résultats de cette étude que seule la BCEAO et les banques nationales peuvent réaliser, qui ont permis à l'institution d'adopter les mesures idoines pour la sauvegarde et la stabilité du système bancaire de l'UEMOA.

Au final, la représentante de la BCEAO a estimé que le rapport de Finactu n'a aucune valeur puisque les informations qui y sont contenues sont « fausses et malhonnêtes ». « Je ne comprends donc pas pourquoi FINACTU qui a son siège à Casablanca ne s'intéresse pas à l'impact de Bâle III sur le système bancaire marocain où les ratios de solvabilité réglementaire sont plus élevés que dans l'UEMOA, et préfère venir créer la panique dans notre zone », s'est d'ailleurs indignée Yaye Aminata Seck Mbow, faisant ainsi amplifier un débat qui ne fait que visiblement commencé.

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