Afrique du Sud : l'Exécutif coupe court à la polémique autour de la nationalisation de la Banque centrale

La mission de la South African Reserve Bank (SARB), la Banque centrale ainsi que les participations des investisseurs privés dans son tour de table ont été au centre de l'actualité ces dernières semaines en Afrique du Sud, provoquant l'inquiétude des marchés financiers.
Mehdi Lahdidi
Pour le gouverneur de la South African Reserve Bank, Lesetja Kganyago, l'Afrique du Sud risquait de sombrer dans une longue et douloureuse récession économique, si la Banque centrale devait abandonner sa politique de réduction de l'inflation et de protection de la monnaie».

Alors même qu'il essaie de se dégager d'une polémique, le gouvernement se retrouve obligé d'en gérer une autre sur le changement de statut de la Banque centrale sud-africaine. Le parti au pouvoir, l'ANC (African National Congress), a proposé que la Banque centrale devienne une institution entièrement détenue par l'État plutôt qu'en partie par des organismes privés, comme c'est le cas actuellement. Pour le parti, les participations des investisseurs privés sont «une anomalie» qu'il faudra rectifier.

En effet, la South African Reserve Bank (SARB), la Banque centrale de la deuxième économie africaine, fait partie du club restreint des régulateurs financiers ayant une participation privée dans son tour de table (d'autres sont par exemple celles du Japon et de la Suisse), et ce depuis sa fondation en 1921. En plus de ne pas avoir droit de détenir plus que 10 000 actions chacun, ces 600 investisseurs n'ont aucun mot à dire ni sur sa gestion, ni sur ses décisions, ni sur la nomination du gouverneur. Ils ont le droit de voter pour sélectionner sept des 10 administrateurs non exécutifs et à un dividende limité à 10 cents par action par an, soit un total quasi-symbolique de 200 000 rands (15 000 dollars).

Le changement n'est pas pour demain

Mais cela ne veut pas dire que le changement sera pour demain. Le chef de la transformation économique de l'ANC, Enoch Godongwana, qui porte la revendication, reste réaliste. «L'Etat, dont les caisses sont naturellement vides en temps de crise, aurait du mal à trouver les ressources nécessaires pour racheter les actions détenues par ces investisseurs», admet-il. De plus, un long circuit attend la modification du statut de la SARB, même s'il obtient le vote de la conférence électorale nationale en décembre prochain.

A l'origine de la polémique

Mais la polémique ne trouve pas son origine dans une volonté de nationaliser la banque. Elle a plutôt éclaté, deux semaines plus tôt, quand le Public Protector (l'équivalent du président de l'autorité anti-corruption, une institution constitutionnelle) Busisiwe Mkhwebane, a tenté devant le parlement d'inciter à modifier la mission de la SARB, telle que définie par la constitution du pays. Pour lui, le régulateur du secteur bancaire devrait se concentrer sur le «bien-être socio-économique des citoyens» plutôt que l'inflation. Cette déclaration a été suffisante pour entraîner une baisse du rand. Pour les investisseurs, le plaidoyer du Public Protector représente une atteinte, ou au moins une menace, sur l'indépendance de la Banque centrale.

«Non !», tranche l'Exécutif

Dans une tribune accordée au journal local Sunday Times, le gouverneur de la SARB, Lesetja Kganyago a déclaré que «l'Afrique du Sud risquait de sombrer dans une longue et douloureuse récession économique si la Banque centrale devait abandonner sa politique de réduction de l'inflation et de protection de la monnaie».

De son côté, le ministre des Finances, Malusi Gigaba, n'a pas manqué l'occasion pour remettre en question la position du Public Protector. Il a déclaré ce mercredi qu'il mettrait en cause la proposition de l'autorité devant la justice. Selon un communiqué du ministère des Finances, «le ministre estime que l'amendement constitutionnel proposé n'est pas nécessaire. La Constitution ne prévoit pas la protection de la monnaie pour son propre intérêt, mais surtout dans l'intérêt d'une croissance économique équilibrée et durable». Par contre, il n'a fait qu'insinuer que la revendication, provenant de son propre clan, ne passera pas non plus en déclarant à la presse «que l'Exécutif n'a pas l'intention de modifier la Constitution, peu importe la raison».

Mehdi Lahdidi

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Commentaire 1
à écrit le 07/07/2017 à 10:07
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"Busisiwe Mkhwebane, a tenté devant le parlement d'inciter à modifier la mission de la SARB, telle que définie par la constitution du pays. Pour lui, le régulateur du secteur bancaire devrait se concentrer sur le «bien-être socio-économique des citoy...

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