EVTech se lance à l’assaut de la mobilité électrique en Côte d’Ivoire

La startup EVTech déploie le premier réseau de bornes de recharges pour véhicules électriques, en Côte d'Ivoire. L'entreprise finalise une levée de fonds de 4 milliards de Fcfa, soit près de 6,4 millions d'euros qui permettront entre autres de financer le déploiement de quelque 500 bornes de recharges pour véhicules électriques avant la fin de l'année.
Denis Motte et Florent Thomas, co-fondateurs d'EVTech.
Denis Motte et Florent Thomas, co-fondateurs d'EVTech. (Crédits : LTA/Marie-France Réveillard)

La Tribune Afrique : De quelle façon votre parcours vous a-t-il respectivement conduits à vous lancer dans le projet EVTech ?

Florent Thomas, co-fondateur d'EVTech :  Je suis arrivé en Côte d'Ivoire en 2007. J'ai créé une startup dans le secteur de la sécurité informatique qui a été la première entreprise agréée dans la zone franche technologique de Grand Bassam, le VITIB. C'est là que j'ai rencontré Denis Motte. Pour les besoins internes à ma première société, j'ai prospecté dans le domaine des véhicules électriques et il n'y avait alors aucune proposition dans ce secteur en Côte d'Ivoire, que ce soit au niveau des véhicules comme des infrastructures. C'est ainsi qu'est née l'idée de démarrer ce projet. Nous avons été rejoints par la 3ème co-fondatrice d'EVTech, Esther Dagri qui est aujourd'hui DGA, en charge de l'administration (...) J'ai importé le 1er véhicule électrique du pays, une Tesla modèle S en avril 2021. Aujourd'hui, nous sommes au début de l'aventure. Il y a une dizaine de véhicules électriques dans le pays. Depuis 18 mois, j'utilise cette voiture électrique au quotidien à Abidjan, démontrant qu'il n'y a pas de frein à développer le marché de la mobilité électrique. L'idée n'est pas de devenir concessionnaire, mais de créer des solutions pour déployer des infrastructures de recharge, c'est-à-dire des bornes électriques.

Denis Motte, co-fondateur d'EVTech : EV Tech est le stéréotype de la maxime « Tout problème est une opportunité en Afrique ». Personnellement, je suis arrivé en 2008 en Côte d'Ivoire pour monter une entreprise, Dip Systèmes Afrique, qui s'est imposée comme une référence en matière d'archivage électronique et que j'ai revendue l'année dernière. J'étais moi-même dans la zone franche VITIB où j'ai rencontré Florent. Nous avions pour objectif de concevoir nos propres bornes de recharge, reposant sur de l'électronique embarquée adaptée à l'Afrique. EVTech a été lancé sur fonds propres avec 300.000 d'euros.

De quelle façon rechargiez-vous votre véhicule Tesla sans les infrastructures existantes ?

Florent Thomas : A l'origine, j'utilisais des modèles de bornes produites à l'étranger. Puis, nous avons développé nos propres modèles qui me permettent aujourd'hui de recharger le véhicule à domicile avec l'un de nos prototypes. La Tesla dispose de 350 km d'autonomie or, la majorité des déplacements en Côte d'Ivoire sont inférieurs à cette distance, en raison du réseau routier national. Au-delà de la production de ces bornes, le pilier d'EV TECH, repose sur notre application NEO, qui est une cartographie des points de recharge, informant l'utilisateur de la disponibilité des bornes et de leur localisation. Nous sommes en phase de finalisation des tests. L'application sera disponible d'ici quelques semaines. Cette application dispose d'un portefeuille électronique intégré en francs CFA, que l'on peut recharger via tous les opérateurs de mobile money. Pour le moment nous avons développé une dizaine de points de charge. Nous avons déjà réalisé des tests grandeur nature, sur le terrain. Pour ce faire, nous avons signé des partenariats, notamment avec Auto24. Notre objectif est de déployer 500 points de charge d'ici la fin 2023.

Comment réagit le marché ivoirien face à l'arrivée de véhicules électriques ?

Denis Motte : Tout l'écosystème est en train de se mettre en place, grâce à la création d'une association nationale, l'APEME (Agence pour la promotion de l'écosystème de la mobilité électrique en Côte d'Ivoire) créée l'année dernière. Nous travaillons activement sur la législation et sur les incitations fiscales. Ce secteur suscite un vif intérêt chez les concessionnaires automobiles. Les ministères du Transport et du Développement durable, mais aussi les acteurs de la formation sont très attentifs à la structuration de ce nouvel écosystème. En un an, nous avons réuni une cinquantaine d'acteurs majeurs autour de la mobilité électrique en Côte d'Ivoire dont des groupes comme TotalEnergies, EDF-CI ou encore la Compagnie nationale d'électricité (CIE)...

De quelle façon avez-vous conçu ces bornes de chargement électrique ?

Florent Thomas : Après avoir étudié les solutions existantes sur le marché, nous les avons adaptées au contexte local. Nous nous sommes rapprochés de sites de production de cartes électroniques et nous avons modifié des éléments sur les produits traditionnels au regard des contraintes fortes telles que la qualité du réseau électrique ou de l'hygrométrie, par exemple.

Denis Motte : Actuellement, nos composants viennent de Chine et seront assemblés localement prochainement. Nous sommes en train de lever des fonds, 6 millions d'euros, pour construire une usine 4.0 vers Grand Bassam, d'ici la fin de l'année. Nous voulons créer de la valeur ajoutée localement en formant des personnels capables d'assurer la maintenance de nos équipements. Sur la partie formation et certification des techniciens et des mécaniciens VE, nous travaillons notamment avec l'école supérieure africaine des TIC (ESATIC) à Abidjan. Nous discutons aussi avec une startup française pour développer des formations de mécaniciens multimarques.

La production d'EVTech sera-t-elle destinée au seul marché ivoirien ?

Florent Thomas : Nous nourrissons des projets de développement régional, notamment au Sénégal, au Togo et au Bénin. Ce sont des marchés plus petits que celui de la Côte d'Ivoire, mais ils ont pris une certaine avance en matière de réglementation et d'incitation fiscale sur l'importation des véhicules électriques.

Quelles sont les économies escomptées pour l'utilisateur ivoirien en termes de consommation d'énergie ?

Denis Motte : Mi-mars, nous avons réalisé une grande traversée avec des stations de recharges éphémères, appelée « Éco-tourisme », avec 4 véhicules électriques, du nord au sud, de Boundiali à Abidjan en passant par Korhogo, Katiola, Bouaké, Yamoussoukro, Tiassalé, pour récolter de la data, observer le comportement des véhicules, mesurer leurs consommations et tester nos bornes en conditions réelles. Sur les 700 kilomètres du parcours, nous avons rechargé les véhicules pour un coût de 12 euros, contre une moyenne de 90€ pour un véhicule thermique traditionnel. Nous avons mené une campagne de sensibilisation auprès des populations et des autorités locales qui ont bien reçu cette initiative.

Quels sont les différents modèles de bornes que vous développez ?

Florent Thomas : Nous proposons 3 gammes différentes. Nous disposons de modèles Wallbox destinés aux particuliers, au prix de 450 000 à 600 000 francs CFA (de 674 euros à 900 euros environ) en fonction de la puissance disponible, d'une durée de vie d'environ 5 ans. Nous avons développé des partenariats avec des assureurs comme Balloon (une assurance africaine 100% digitale). Le second modèle est ouvert au public en extérieur, avec 2 points de charge. Le troisième modèle est une borne de charge rapide en courant continu, qui dispose d'une option hybride solaire, que l'on pourra retrouver dans les stations-service. Nous nous sommes fixé l'objectif d'implanter des bornes tous les 150 km au maximum.

De quelle façon les autorités ivoiriennes accueillent-elles votre initiative ?

Denis Motte : Pour le moment, nous travaillons via l'APEME sur la réglementation pour développer des mesures incitatives. Dans plusieurs pays africains, il existe déjà des incitations en matière l'électromobilité comme en Tunisie, au Rwanda, au Togo ou au Bénin, par exemple. Il existe aussi des solutions d'électromobilité au Maroc depuis peu. En Afrique subsaharienne, nous sommes parmi les pionniers. A terme, notre solution réduira les coûts du transport pour les populations et générera de l'emploi. Le groupe Stellantis (constructeur automobile franco-italo-américain et fournisseur de solutions de mobilité innovantes, ndlr) était à Abidjan il y a quelques jours, pour évaluer toutes les possibilités de micro-mobilité. Leur véhicule AMI-Citroën consomme 10 fois moins qu'une mobylette et quinze fois moins que les tricycles qui sont très répandus en Côte d'Ivoire.

Parallèlement à l'application NEO et aux bornes de chargement électriques : réfléchissez-vous à d'autres offres en matière de mobilité électrique ?

Florent Thomas : Nous développons un projet d'armoire de charge électrique pour les motos reposant sur le « battery swapping ». Nous sommes sur une phase pilote, avec des armoires de rechargement solaire, reliées à l'application NEO (...) EVTech fournit également ses solutions à la start-up ivoirienne Auto24 (startup du groupe Stellantis spécialiste de la vente et du rachat de véhicules d'occasion) (...) Plusieurs commandes de véhicules électriques devraient prochainement arriver en Côte d'Ivoire. Enfin, nous n'excluons pas de faire entrer de nouveaux actionnaires dans EVTech, car nous faisons face à des demandes importantes d'entreprises ou de collectivités.

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