Mobilité urbaine : au Bénin, Mauto électrise le marché des taxis-motos

Depuis quelques mois, Cotonou et Lomé sont quadrillées par des motos électriques d'un vert vif et singulier. Mauto, la startup qui les commercialise, propose une solution décarbonée aux motocyclistes béninois et togolais et déploiera bientôt ses services aux pays des mille collines. Au-delà de la mobilité verte, l'entreprise se positionne comme le prochain distributeur-clé d'énergie verte en Afrique.
(Crédits : Mauto)

Depuis quelques mois, Cotonou fait peau neuve. Les principales artères de la ville fraîchement goudronnées donneront bientôt accès à de nouveaux bâtiments prêts à accueillir touristes et investisseurs du monde entier. Dans les transports aussi, Cotonou innove. Les véhicules électriques proposés par Mauto offrent désormais une alternative écologique aux transports thermiques traditionnels.

Pour Kevin Gbaguidi, le chargé communication de l'entreprise, l'initiative répond à « une question de santé publique ». En effet, la pollution atmosphérique est la deuxième cause de décès en Afrique, selon le Health Effects Institute (2022). Avec 4 millions de morts dans le monde liées à la contamination de l'air extérieur selon l'OMS, la mobilité durable est devenue une urgence sanitaire sur le continent qui abriterait 5 des 10 pays les plus pollués au monde, en matière de particules fines extérieures (PM2,5).

À eux seuls, les transports représentent plus de 10% des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l'échelle mondiale, selon une étude de McKinsey (Power to move : accélérer la transition du transport électrique en Afrique subsaharienne, février 2022) et le coût de la pollution atmosphérique dans les métropoles africaines pourrait augmenter de 600 % d'ici 2040 (Clean Air Fund, octobre 2022) si des mesures urgentes ne sont pas prises à temps.

Pour répondre au défi de la mobilité urbaine, Mauto, fondée en 2022 par le Béninois Shegun Adjadi Bakari, offre de nouvelles alternatives décarbonées. « Nous proposons trois modèles de motos à nos clients. La chap chap,, un scooter particulièrement plébiscité par les conductrices ; la Commando, une moto plus puissante dotée de deux batteries de 73,6 volts ; et enfin, la M-électrique de taille intermédiaire », explique Kevin Gbaguidi devant la station de recharge des batteries électriques de Vodjé, située à deux pas du marché artisanal. Le modèle « swap and go » permet aux utilisateurs d'échanger leur batterie dans la station, contre une nouvelle déjà chargée, en quelques minutes seulement.

En ce petit matin de février, les particuliers et les conducteurs de taxi-moto (appelés « zemidjan ») défilent dans cette station « historique » (la première ouverte par le groupe au Bénin), avant de repartir dans les rues de la capitale. Juste devant le « swapping point » (station de rechargement des batteries électriques), une vieille femme lave son linge dans un seau de couleurs vives, attentive à cette nouvelle activité qui propulse la capitale du Bénin au cœur des nouvelles options de mobilité durable.

Une énergie décarbonée et compétitive au service de la mobilité

« Au début, les clients n'étaient pas très rassurés. Ils n'entendaient pas le bruit du moteur et n'avaient pas l'habitude. Ils se demandaient s'il n'y avait pas un problème », explique rétrospectivement Christian Aisso, un conducteur de taxi-moto béninois récemment converti à la mobilité verte. « Au niveau du prix, je pense que je serais gagnant sur du long terme avec la hausse du prix du carburant. Avant, je dépensais environ 3.000 francs CFA (4,4 euros, ndlr) d'essence par jour. Aujourd'hui, les recharges me coûtent environ 4.000 francs CFA (5,9 euros, ndlr), mais je n'ai pratiquement pas de maintenance et il n'y a pas de vidange à faire », poursuit-il.

« Grâce à notre modèle " swap and go ", il suffit d'échanger sa batterie dans une station Mauto contre une autre déjà rechargée. L'opération prend deux minutes », se félicite le superviseur de l'agence. « En quelques mois, nous sommes passés d'une vingtaine de passages par jour à une centaine aujourd'hui », explique-t-il.

Cet attrait s'explique notamment par la couverture exponentielle des stations Mauto dans la ville. « Il en existe une trentaine à Cotonou aujourd'hui et nous en ouvrirons cinq nouvelles d'ici la fin de la semaine. Notre maillage se renforce rapidement. Nous sommes déjà présents sur tout le territoire et nous voulons atteindre 1 000 swapping points au Bénin d'ici la fin de l'année », indique Kevin Gbaguidi.

Derrière la boutique, une équipe de mécaniciens s'attèle à réparer les produits défectueux, l'entretien étant inclus dans le contrat d'assurance des souscripteurs. Un collaborateur indien forme de jeunes techniciens aux réparations, le transfert de compétence étant placé au cœur de la stratégie de l'entreprise Mauto.

Une entreprise à la conquête du continent

L'entreprise emploie déjà plus de 80 personnes au Bénin. « Nous avons démarré notre activité à Lomé en mai 2022 », précise Franck Adjoumoumouni, directeur marketing de l'entreprise. « Nous sommes aujourd'hui présents au Togo, au Bénin et nous travaillons activement sur nos prochaines implantations d'abord au Rwanda en mars, puis en Ouganda et en Sierra Leone. Notre ambition est de couvrir toute l'Afrique », poursuit-il.

« Grâce à la simplicité de notre offre, nous espérons convaincre le plus grand nombre de taxis-motos. Rien qu'au Bénin, il en existerait 250.000, ce qui nous offre des marges de progression considérables. Nous souhaitons convertir 50 % des motos thermiques en véhicules électriques d'ici 2025 », précise-t-il.

Pour s'imposer dans le paysage béninois, Mauto n'a pas lésiné sur les moyens et s'affiche à grand renfort de communication. « Nous venons tout juste de lancer " Zem électrique, Zem Choco " une offre " rent to own " (permettant de louer le véhicule pour en devenir propriétaire, ndlr) au coût de 3.200 francs CFA par jour, qui donne accès à deux recharges quotidiennes. Cela leur permet de couvrir environ 220 km. Pour disposer de cette offre, les taxis-motos nous laissent leur véhicule thermique et repartent avec une moto électrique. À partir de 50 000 km, les conducteurs deviennent propriétaires du véhicule. Le contrat proposé dans cette nouvelle offre couvre aussi l'assurance du véhicule, l'assurance individuelle, l'immatriculation et l'entretien (...) Le paiement se réalise via notre application ou par USSD code », détaille Franck Adjoumoumouni. « Aucune transaction ne s'effectue en liquide », ajoute-t-il. Devenu leader africain des deux roues électriques, Mauto dispose déjà d'une flotte de 3.500 véhicules en circulation, dont 2 000 au Bénin et 1 500 au Togo.

Si aujourd'hui, les motos sont importées d'Asie, cette situation ne devrait pas durer, car une usine d'assemblage est en cours de construction dans la zone économique spéciale de Glo-Djigbé, à 45 minutes de Cotonou. L'usine aura à terme, une capacité de production de 50.000 véhicules par an.

Vers une diversification de l'offre Mauto

L'entreprise voit grand et s'attèle à la mise en place d'un programme de remplacement de taxis-motos thermiques par des motos électriques dans plusieurs pays avec l'objectif de s'imposer comme le plus grand fournisseur d'énergie verte pour la mobilité en Afrique. Pour ce faire, elle peut s'appuyer sur les transferts de compétences venues d'Asie.

Dans les swapping stations ou au siège de Mauto, des collaborateurs indiens occupent des fonctions de techniciens qualifiés ou de managers comme Raman Malhotra, le Chief Commercial Officer. « Il n'y a pas de zemidjan en Inde, mais nous sommes nous aussi confrontés au défi de la pollution urbaine, c'est pourquoi les véhicules électriques se sont développés depuis plusieurs années déjà et que nous pouvons apporter notre expertise ici », explique-t-il.

Au-delà de l'électrification des motos et des scooters, l'entreprise nourrit des projets de home lighting. « Nous voulons que nos batteries puissent à terme alimenter des habitations dans certaines zones rurales », explique Franck Adjoumoumouni. « Des discussions sont en cours avec les autorités pour pouvoir produire notre propre électricité solaire (...) Afin de convaincre les gouvernements dans les pays où nous sommes présents et où nous voulons nous implanter, nous nous appuyons sur nos résultats en calculant la baisse des émissions de carbone induite par notre solution », précise-t-il.

L'utilisation des motos électriques permet aussi de diminuer le risque d'accidents lié à l'utilisation du fuel frelaté. Cette solution à la croisée des enjeux climatiques, sanitaires et sécuritaires séduit de plus en plus d'investisseurs. Selon une étude de McKinsey, d'ici 2040, entre 50 % et 70 % des véhicules en circulation sur le continent, seront des motos électriques.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.