Mozambique : en plein boom, le secteur du tourisme attire grands et petits groupes hôteliers

Par Ristel Tchounand  |   |  1235  mots
Le Flamingo Bay Water Lodge, une auberge de jeunesse située dans la province d'Inhambane, à 485 km au nord de Maputo, capitale de la Mozambique. (Crédits : DR)
Après le boom gazier et minier qui a propulsé la croissance du PIB il y a quelques années, toutes les études s’accordent pour dire que le Mozambique va connaitre au cours des prochaines années un boom touristique sans précédent. Stratégiquement, les groupes hôteliers se bousculent aux portes de la capitale, Maputo.

«Le Mozambique peut être le prochain pays d'avenir en Afrique», déclarait Julian Bugier le 21 octobre 2013 au JT de 20h sur France 2, introduisant un reportage sur le boom économique du Mozambique porté par son gaz et ses mines après les découvertes de la plus grande mine de charbon au monde et de l'un des plus importants gisements de gaz naturel au monde, au large de la côte mozambicaine. Un contexte qui, à l'époque déjà, attire les investisseurs du monde entier. Aujourd'hui, cinq ans plus tard, c'est un tout autre domaine qui suscite l'appétit étranger : l'hôtellerie.

Dans les plans de développement en Afrique des chaînes hôtelières internationales en effet, qu'elles soient grandes ou petites, un pays est omniprésent : le Mozambique. La semaine dernière, le leader mondial du voyage et du lifestyle -le français AccorHotels- a annoncé une implantation «stratégique» dans ce pays d'Afrique australe où son tout premier hôtel exploité sous la marque Mövenpick ouvrira ses portes en 2021 à Maputo (la capitale, photo).

A des milliers de kilomètres de la capitale mozambicaine, une semaine plus tôt, à Nairobi au Kenya -en marge de l'Africa Hotel Investment Forum (AHIF)- ses principaux concurrents révélaient également leurs projets pour ce marché lusophone où Radisson Hotel Group s'est précipité il y a deux ans, érigeant deux imposantes tours en pleine ville. En effet, l'américain Marriott signera son entrée sur ce marché en 2023 avec le Four Points by Sheraton Nampula. Hyatt, quant à lui, est actuellement à la «recherche d'opportunités d'implantation au Mozambique».

Chez les plus petits, l'appétit pour l'hôtellerie mozambicaine est tout aussi vif. Le groupe Rani-Africa du millionnaire saoudien Adel Aujan y est en chantier sur l'île de Bazaruto -site balnéaire et réserve naturelle à la réputation internationale. Il devrait y inaugurer un hôtel cinq étoiles en décembre prochain, soit dans deux mois. Idem pour l'Espagnol Melia Hotels International qui prépare la mise en service de son premier établissement local cette fin année. Pour sa part, le groupe Onomo annonçait en avril dernier le Mozambique comme prochaine étape de son développement après le Cameroun.

Tourisme en croissance

Pourquoi une telle ruée des chaines hôtelières internationales vers le Mozambique ? Ce pays d'Afrique australe s'est illustré au cours de la dernière décennie par une économie particulièrement dynamique avec une croissance de 7% en moyenne. Si la chute des cours des matières premières et le niveau très élevé de sa dette publique ont négativement impacté son industrie extractive, écrasant la croissance à 3,8% en 2016, la Banque africaine de développement (BAD) -après une amélioration à 4,7% en 2017-prévoit une nouvelle progression à 5,3% cette année. Si ce bon cru serait principalement porté -selon l'institution financière panafricaine- par la hausse des exportations de charbon et la production agricole, le tourisme devrait néanmoins en être un facteur important.

Les récentes études révèlent en effet que le secteur touristique au Mozambique connaîtrait un fort dynamisme au cours des prochaines années. Les derniers sondages du Conseil mondial du voyage et du tourisme (WTTC) notamment révèlent le Mozambique ainsi que l'Angola et l'Ouganda comme les destinations africaines à la plus forte croissance en matière de voyage d'agrément entre 2016 et 2026. Une force touristique qui réside dans sa politique de visa « très ouverte » et à ses ressources naturelles faites notamment de parcs safari, de ses nombreuses îles vierges et plages.

Les dix prochaines années, particulièrement prometteuses

Selon un focus pays publié en mars 2018 dans lequel le WTTC étudie l'impact du tourisme sur l'économie mozambicaine, le pays -après avoir accueilli 1,57 million de visiteurs- devrait passer à 2,48 millions en 2018, avant d'atteindre 3,59 millions de visiteurs en 2028. D'après la même source, la contribution directe du tourisme au PIB en 2017 était de 3,4% soit 29,1 milliards de meticais, provenant de l'activité des hôtels, des agences de voyages, les compagnies aériennes et autres moyens de transport de passagers. Le WTTC s'attend à une meilleure performance en 2018, à 31,3 milliards de meticais.

Parallèlement, la contribution totale du tourisme au PIB mozambicain incluant les effets plus larges de l'investissement de la chaîne d'approvisionnement et des revenus induits a atteint les 75,2 milliards de meticais en 2017, soit 8,8% du PIB et devrait grimper à 80 milliards de meticais en 2018, soit 9% du PIB. Le WTTC prévoit une hausse de 4,9% annuel pour atteindre les 125,5 milliards de meticais d'ici 2028.

Le tourisme d'affaires, l'autre visée

Ce sont de tels pronostics prometteurs qui attirent donc les chaines hôtelières internationales. C'est ce qui se dégage, à titre d'exemple, de l'explication donnée par AccorHotels à son engagement sur ce marché. « Grâce à ses liens étroits avec l'Afrique du Sud, centre économique de la région, à son importance de plus en plus marquée en tant que centre commercial régional et à son futur potentiel touristique du fait de sa richesse culturelle et de son littoral protégé sur l'océan indien, le Mozambique est un pays clé et un moteur de croissance pour les perspectives de développement futures », a déclaré Marks Willis, directeur général Moyen-Orient & Afrique AccorHotels. Et d'insister : « le moment est favorable pour cette implantation au Mozambique, un marché qui revêt une importance stratégique ».

En s'installant au Mozambique, les chaines hôtelières internationales visent non seulement le tourisme de masse, mais aussi le tourisme d'affaires. Dans un pays où les tractations business deviennent de plus en plus importantes, les opérateurs cherchent naturellement à se positionner.

Un marché demandeur

Ces investissements -dont les montants restent méconnus- sont précieux pour le gouvernement mozambicain qui tente depuis l'année dernière de séduire au maximum les investisseurs étrangers pour faire grimper l'indice IDE du pays. En ce qui concerne le tourisme, plusieurs spécialistes d'accordent aujourd'hui pour dire que le Mozambique n'exploite pas encore pleinement son potentiel.

Récemment, le gouvernement tente d'explorer cette piste pleinement intégrée à la stratégie de développement du pays. Dans ce sens, le ministère du Tourisme porte un projet de transformation de la capitale Maputo en un pôle touristique. Budget : 190 millions d'euros. Lors d'une sortie médiatique ce lundi 15 octobre, la directrice nationale du tourisme Fatima Romero a déclaré que, pour le réaliser, le gouvernement mise sur le partenariat public-privé (PPP) et qu'«un groupe de travail a été créé, associant le secteur privé et tous les acteurs du développement du tourisme dans le centre-ville de Maputo», rapporte Observador.

Plus loin de la capitale, dans les îles Crusse et Jamali -dans la province de Nampula, au sud-est du pays-, l'Institut national du tourisme du Mozambique (Inatour) recherche activement les investisseurs pour le projet d'un complexe touristique de 365 millions de dollars. Le site devrait abriter entre autres des hôtels cinq étoiles, des villas, des chalets, des casinos, des terrains de golf et un centre commercial. Ce ne sont là, que quelques- uns des nombreux projets touristiques portés par l'Etat.

Si les prévisions de croissance du tourisme au Mozambique se réalisent, il n'y a aucun doute que -comme pour tout investissement sur un marché porteur- les entreprises qui y auront misé pourraient en tirer d'importants bénéfices sur le long terme, voire sur le moyen.