Forum Eurafric : «La priorité de l'Afrique est l'accès à l'énergie»

Directeur de l'Agence de développement des entreprises en Afrique (Adea), Abdoulaye Kante en est persuadé : la priorité de l'Afrique en matière de développement est l'accès à l'énergie, si possible renouvelable. Un credo qu'il défendra lors du 18e Forum Eurafric, qui se tient jusqu'à vendredi, à Lyon.
(Crédits : Pixabay)

Pour 2019, quel est le principal défi énergétique pour le continent africain ?

Abdoulaye Kante : L'Afrique est un grand continent qui atteindra deux milliards d'habitants en 2050. Son taux de croissance annuel, de l'ordre de 4% à 5%, est constant depuis une vingtaine d'années. Mais il est confronté à son plus grand défi : l'électrification, qui est aujourd'hui à la base de tout développement. C'est un défi majeur de l'Agenda 2063, qui prévoit l'émergence économique de l'Afrique. Il existe trois points importants à évoquer. Tout d'abord, il faut être capable de consolider ce taux de croissance de 4% à 5% en produisant suffisant d'énergie. Deuxièmement : l'équipement des zones rurales, où plus de 100 millions de personnes sont toujours privées d'accès à l'énergie, doit être réalisé. Enfin, l'urbanisation accélérée des villes africaines doit s'accompagner d'une électrification adéquate, ce qui n'est pas le cas. Tant que ces trois points ne seront pas réglés, l'électrification restera une nécessité pour l'Afrique, avant tout autre chose.

Cela passe à la fois par un développement des réseaux, mais également des systèmes off-grid ?

A.K. : L'off-grid est central, car une part importante de la population africaine réside dans des zones non raccordées. C'est aujourd'hui le meilleur moyen d'accéder à l'énergie. Et c'est précisément pour cela que la transition énergétique est devenue incontournable pour de nombreux pays en Afrique. Les problèmes liés à l'urbanisation accélérée ne pourront pas être résolus par le réseau électrique, qui est vétuste et qui ne permet pas de répondre à la demande croissante. Les solutions qui se mettent lentement en place parlent d'efficacité énergétique ou même de smart city qui serait moins énergivore.

«Il faut aller vers les énergies renouvelables»

Ne devrait-on pas moderniser le réseau ?

A.K. : L'offre énergétique est aujourd'hui dérisoire par rapport à la demande qui existe. C'est en grande partie lié au fait que les réseaux de distribution d'électricité sur l'ensemble du continent, à l'exception du Maghreb et de l'Afrique du Sud, les installations de production -thermiques, parfois hydroélectriques- datent de l'indépendance. Elles coûtent cher et ne correspondent plus à la réalité énergétique du pays. Aujourd'hui, on est obligé de trouver des solutions plus rapides, à moindre coût. Le continent a un potentiel immense dans le solaire. Des barrages, il en faut dans les pays à fort potentiel comme en Guinée, mais cela prend du temps. Pour aller plus vite, il faut aller vers la transition énergétique, vers les énergies renouvelables -le solaire, la biomasse, la géothermie dans certains pays comme le Kenya. C'est là que tout va se jouer. Pour équiper les zones rurales, il est quand même plus simple, plus rapide, moins cher, et moins long d'installer des panneaux solaires que de construire un barrage.

Comment financer ce processus de transition énergétique ?

A.K. : Il y a des investisseurs privés, car les projets dont nous venons de parler sont de plus en plus rentables. Il est évidemment intéressant de noter que dans ce domaine, aujourd'hui, les pays émergents sont beaucoup plus dynamiques que l'Europe. Je parle bien sûr de la Chine, mais également de l'Inde qui propose de nouvelles technologies. Les bailleurs de fonds -en premier lieu la Banque mondiale- sont eux aussi en train d'orienter leurs financements vers ce type d'énergies. Ce sont deux éléments positifs qu'il faut noter. Il manque encore une prise de conscience générale de l'ensemble des pays, et certainement plus de financements de la part des bailleurs de fonds. L'Afrique a besoin de 10GW supplémentaires par an ; c'est-à-dire 10 milliards de dollars d'investissements. L'énergie est le point de départ de tout développement. Je ne parle pas de plan Marshall, mais il faut qu'à un moment, l'ensemble des bailleurs de fonds orientent leurs financements en priorité vers l'accès à l'énergie.

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