Comment la vie de deux villages du Sénégal a été bouleversée par l'arrivée de l'électricité

Raccordés aux lignes grâce à un programme de recherche sur le paludisme, Dielmo et Ndiop, au sud du pays, ont vu leurs activités économiques se développer de manière fulgurante.
Image d'illustration.
Image d'illustration. (Crédits : Image d'illustration ; Pixabay.com)

Quand une source d'énergie atteint un village africain jusqu'alors à l'écart des réseaux, sa vie au quotidien n'en est pas moins bouleversée que partout ailleurs.

Cette expérience unique dans la vie d'un homme, les habitants de Dielmo et Diop, deux villages isolés non loin de la frontière avec la Gambie, à 180 km au sud de Dakar, l'ont vécue avec enthousiasme ces dernières années, avec le raccordement aux lignes de la Senelec, la société publique de distribution électrique sénégalaise. Jusque là privés de toute source d'énergie collective, ils ont mis à profit un programme de recherche sur le paludisme pour obtenir que l'on prolonge la ligne électrique existante jusque chez eux. Conduit par l'antenne locale de l'Institut de recherche pour le développement (IRD), ce programme avait été initié en 1990 par un autre organisme public de recherche français, le Service de Santé des Armées (SSA). Il s'agissait de comprendre pourquoi certains villageois pouvaient être naturellement immunisés contre le paludisme, après avoir été piqués par un moustique porteur de la maladie durant leur enfance.

Pour améliorer les chances de trouver la dernière clé de cette énigme, un chercheur marseillais de réputation internationale, le professeur Didier Raoult, convient en 2008 avec Cheikh Sokhna, le biologiste sénégalais de l'IRD qui pilote ce programme de recherche, d'installer à Dielmo un laboratoire portatif dernier cri que les équipes de Didier Raoult viennent de mettre au point à Marseille. Mais aussi compact soit-il, l'engin a besoin d'électricité pour fonctionner.

Dans un premier temps, c'est un groupe électrogène qui la fournit. «Puis le chef du village est venu me voir, raconte Pr Didier Raoult, et nous sommes tombés d'accord sur le fait qu'il était très insolite d'avoir installé un laboratoire d'analyse de dernière génération dans un village sans prise électrique». Le coût du raccordement est alors chiffré : 35 000 euros pour deux kilomètres de ligne. L'IRD en finance l'essentiel, avec l'appoint de plusieurs organisations internationales. L'électricité arrive ainsi au village courant 2012.

L'électricité a considérablement élargi les perspectives des habitants

Six ans plus tard, le visage de Dielmo a radicalement changé. «A l'époque, se souvient Cheikh Sokhna, il n'y avait aucun commerce et pas d'activité économique en dehors de l'agriculture. Les villageois devaient faire 2 ou 3 km à pied pour acheter une boîte d'allumettes ou un morceau de pain. Aujourd'hui, se réjouit le médecin biologiste, trois moulins pour piler le mil ont été construits et fonctionnent. Plusieurs boutiques ont ouvert, une épicerie, un marchand de glace. Et même des ateliers de soudure».

Avec l'électricité, les perspectives pour la population se sont considérablement élargies et leurs sources de revenus peuvent être désormais plus facilement multipliées et diversifiées. Beaucoup de villageois ont ainsi acheté un téléviseur, un ordinateur, un smartphone,... mais aussi un réfrigérateur, un congélateur, un four à micro-ondes...

«Jusqu'en 2012, il n'y avait qu'un seul téléviseur dans tout le village, celui du labo de recherche, et les gens venaient la nuit pour la regarder», sourit Cheikh Sokhna, qui se félicite des progrès accomplis dans l'intervalle.  «Avant, ce sont les villageois qui se déplaçaient ailleurs pour obtenir ce dont ils avaient besoin. Aujourd'hui, observe Cheikh Sokhna avec satisfaction, ce sont les habitants des autres villages qui viennent ici s'approvisionner».

En voulant répondre aux besoins d'un programme de recherche en santé, on a favorisé l'amélioration du niveau de vie moyen, la qualité et la diversité de l'alimentation et l'accès à l'information d'une population naguère coupée du reste du monde si elle restait au village.

Trois ans après Dielmo, c'est le village de Ndiop, distant d'environ cinq kilomètres, qui a pu lui aussi être raccordé au réseau, avec les mêmes évolutions dès que l'électricité est arrivée. Ce sont donc au total près de 1 000 habitants qui ont bénéficié de cet apport, chacun étant désormais libre de se raccorder puisque l'IRD a rétrocédé à la Senelec la propriété des lignes en 2015. Depuis, ils peuvent s'abonner comme n'importe sénégalais desservi par le réseau et l'électricité leur est vendue au même prix qu'à Dakar.

Outre la diversification des activités économiques, cette électrification de Dielmo et Ndiop a également amélioré la condition des écoliers, «qui peuvent désormais réviser leurs leçons le soir dans de bonnes conditions», souligne Cheikh Sokhna. Elle a également ouvert aux jeunes la possibilité d'organiser des soirées dansantes avec sono et lumières, ce qui était jusque là inenvisageable.

Une énergie qui ne fait certes pas à elle seule le bonheur des habitants, mais qui y contribue de façon indiscutable.

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