Paludisme : le vaccin lancé par l’OMS est-il efficace ?

En marge de la Journée internationale de lutte contre le paludisme, l’OMS a lancé hier un vaccin expérimental dans trois pays d’Afrique subsaharienne, région la plus touchée par la malaria, l’autre nom pour désigner le paludisme. Mais, ce vaccin est-il efficace contre la maladie ? Eléments de réponse.
Ibrahima Bayo Jr.
Deux tiers des décès dus à la malaria concernent les enfants de moins de 5 ans en Afrique.

Mosquirix. C'est le nom du vaccin que l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) teste depuis ce lundi 24 avril au Ghana, au Malawi et au Kenya. L'espoir peut-être de réduire le nombre de décès dus à la malaria en Afrique subsaharienne qui comptait 92 % des 429 000 décès causés par cette maladie dans le monde en 2015. Au milieu de ces statistiques de désolation, les deux-tiers des décès recensés en Afrique emportent des enfants de moins de 5 ans. Dans le monde, le chiffre est davantage choquant : toutes les deux minutes, un enfant meurt du paludisme.

380.000 enfants comme "cobayes" pour le vaccin pilote

Pour réduire ces chiffres tragiques, l'OMS veut vacciner 380.000 enfants dans les trois pays cibles entre 2018 et 2020. Le Mosquirix pourra ensuite être généralisé à d'autres pays d'Afrique et du monde. Pourtant, au-delà du vent d'espoir soulevé par le lancement de ce test grandeur nature, c'est sur l'efficience du vaccin que l'on s'interroge.

Il aura pourtant fallu une trentaine d'années de recherches et de tests cliniques dans les laboratoires belges de GlaxoSmithKline (GSK), le géant pharmaceutique britannique pour mettre au point le Mosiquirix, connu sous le nom technique de «RTSS». Mis au point en 1981 par des chercheurs de GSK, le «RTSS» est le vaccin le plus élaboré en termes d'essais cliniques, puisqu'il a bénéficié d'un test élargi dit de «phase 3» dans sept pays africains.

Malgré cette avancée notable dans la recherche, le Mosiquirix n'a pas obtenu le blanc-seing pour une commercialisation en Europe. Dans le cadre de ses procédures pour autoriser la mise sur le marché européen, l'Agence européenne du médicament (EMA) doit d'abord rendre un avis scientifique, avant l'octroi de l'autorisation de commercialisation.

Efficacité et protection limitées, mais...

Pour pouvoir lancer ce vaccin en Afrique, GSK a bien pris attache avec l'agence européenne, mais dans le cadre d'une expertise sur la qualité, la sécurité et l'efficacité de son vaccin antipaludéen. L'EMA lui a donné un avis favorable qui lui a donc permis de mettre le vaccin à disposition des personnes vivant hors des 27 pays de l'UE.

Mais l'agence européenne avait rappelé que «les données de l'essai indiquent que le Mosquirix confère une protection modeste contre le paludisme à Plasmodium falciparum chez les enfants dans les douze mois suivant la vaccination». Les tests n'avaient été efficaces que pour 56 % des enfants de 5 à 17 mois et de 31 % chez les enfants de 6 à 12 semaines.

En clair, même s'il juge le vaccin « acceptable », le régulateur de l'industrie du médicament en Europe n'avait fait que renvoyer la balle dans le camp de l'OMS pour le nihil obstat du lancement du vaccin en Afrique. Le partenariat de l'OMS, GSK et l'ONG Path aura permis son lancement en prélude à la Journée mondiale de lutte contre le paludisme.

Pour autant, l'efficacité du vaccin est-elle remise en doute ? Non, répond l'OMS contactée par La Tribune Afrique. Le Mosquirix «a une efficacité de 39 % contre le paludisme et de 31,5 % contre le paludisme sévère», nous explique Dr. Bartholomew Dicky Akanmori du département R&D du Bureau Afrique de l'OMS.

« Le pilote du vaccin [lancé ce lundi 23 avril, ndlr] aidera à déterminer le nombre de vies qui seront préservées grâce à l'utilisation du vaccin. L'OMS est donc certaine de l'efficacité du vaccin dont les tests ont été lancés dans les trois pays», poursuit-il.

... le vaccin le plus en avance du marché

Malgré l'assurance de l'OMS, Seth Berkley, directeur exécutif de GAVI-Alliance du vaccin et Mark Dybul, directeur exécutif du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, avaient signé une tribune chez nos confrères de la BBC pour attirer l'attention sur le degré d'efficacité du Mosquirix. Ils s'interrogent même : « Les données d'essai clinique suggèrent que le Mosquirix n'offre qu'une protection partielle, empêchant un cas sur trois de paludisme clinique, un taux de réussite relativement faible par rapport à d'autres vaccins approuvés».

Les scientifiques rappellent également que les essais ont été réalisés dans des conditions optimales qu'il serait difficile de réunir sur le terrain en Afrique. «De plus, les essais cliniques ont été effectués avec le vaccin combiné conjointement avec une utilisation élevée d'autres interventions, telles que des moustiquaires imprégnées d'insecticide à longue durée et des médicaments antipaludiques», estiment les deux experts.

Au final, le Mosiquirix ne confère qu'une protection limitée contre la forme la plus fréquente de malaria. Malgré l'espoir qu'il suscite sur le continent, le vaccin ne prend pas en compte les mutations du Plasmodium falciparum, le parasite responsable de la maladie.

La composition du vaccin est une combinaison d'une protéine du Plasmodium et d'antigènes non infectieux du virus de l'hépatite B. Une composition qui limite de 40 % le nombre d'épisodes paludiques, plutôt qu'éradiquer définitivement la maladie.

Comme le notent Seth Berkley et Mark Dybul, «le Mosquirix est environ cinq à dix ans en avance sur tout autre vaccin candidat contre le paludisme, et rien ne garantit qu'un autre soit meilleur demain». Faute de mieux pour le moment, l'Afrique et le monde devront se contenter de ce vaccin à l'efficacité limitée.

Ibrahima Bayo Jr.

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Commentaire 1
à écrit le 25/04/2017 à 19:59
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nous fellicitons les demarches de l'oms pour nous avoir donner les vaccines pour une recherche qui a duré plus de 30 ans

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