COP 23 : l’Afrique en force à Bonn

Démarrée le lundi 6 novembre dernier, la COP 23 se poursuivra jusqu’au 17 courant avec une forte participation des pays africains. Avec une quarantaine de pays déjà signataires de l’accord de Paris sur le climat et alors qu’il subit de pleins fouets les conséquences du changement climatique, le financement promis par les bailleurs de fonds pour permettre au continent de s’adapter tarde à se concrétiser. C’est l’un des enjeux majeurs pour l’Afrique de la conférence de Bonn sous la présidence des Îles Fidji.
Salaheddine Mezouar, président de la COP 22, remet la présidence à Frank Bainimarama, le nouveau président de la COP 23, lors de la session d'ouverture de la Conférence COP23 des Nations Unies sur les changements climatiques, organisée par les Fidji à Bonn. Le 6 novembre 2017.

La succession des catastrophes climatiques un peu partout au monde (ouragan, sécheresse, inondations...) depuis le dernier rendez-vous de Marrakech va-t-il pousser les Etats et investisseurs à agir vite en faveur du climat ?  C'est l'espoir sur lequel comptent beaucoup de parties prenantes, notamment les Etats africains, à COP 23 qui a démarré lundi dernier à Bonn en Allemagne. Il y a urgence en effet à agir au delà des promesses et des bonnes intentions car comme le démontre la succession de ces événements induits par le réchauffement climatique, l'humanité court à sa perte si elle continue à tergiverser sur les moyens de sauver la planète.

« L'urgence de la situation est évidente. Notre monde est en détresse face aux événements climatiques extrêmes - ouragans destructeurs, incendies, inondations, sécheresses, fonte des glaces et changements dans l'agriculture qui menacent notre sécurité alimentaire ». Frank Bainimarama, président de la COP 23 et Premier ministre de Fidji.

Jusqu'au 17 novembre, entre 15.000 et 20.000 délégués se pencheront encore une fois sur la mise en œuvre de l'Accord de Paris de décembre 2015, lequel est entrée en vigueur depuis presque un an, à la veille de la COP 22 de Marrakech où un Pacte mondial pour le climat a même été adopté afin d'accélérer le processus. Des experts, des scientifiques ainsi que des représentants de la société civile et de diverses institutions africaines convergent en force vers le rendez-vous de Bonn afin de défendre les intérêts du continent qui subit de pleins fouet les répercussions du dérèglement climatique alors qu'il ne contribue qu'à moins de 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Pour l'Afrique, l'opérationnalisation de l'Accord de Paris est une question de survie et lors du sommet des chefs d'Etats prévu au dernier jour de la manifestation, plusieurs dirigeants du continent sont attendus pour non seulement plaider la cause de l'Afrique mais aussi et surtout rappeler l'urgence d'agir. D'autant que le continent, de part les opportunités qu'ils offrent, constitue une des clés des solutions sur laquelle les experts s'accordent en matière de réduction de la hausse de la température mondiale en-dessous de 2 degrés Celsius.

De Marrakech à Bonn

A Bonn il s'agira d'abord de faire le point sur le chemin parcouru depuis la précédente édition de Marrakech. A ce jour, 169 pays ont ratifiés l'accord de Paris, ce qui a fait dire au président de la COP 22, le marocain Salaheddine Mezouar que « la dynamique climatique mondiale est désormais irréversible. Depuis la COP 22, les résultats concrets se sont accélérés à tous les niveaux selon les valeurs de l'ambition, qui s'est appuyé sur le dernier rapport du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), les Contributions Déterminées des Pays au niveau National (CDPN), de la solidarité et de l'action ».

Toutefois, a fait constater le président sortant de la COP « ne nous feraient rencontrer que le tiers du chemin pour atteindre l'objectif d'être bien en deçà de 2 degrés Celsius ». Par conséquent, Salaheddine Mezouar qui a passé le relais à son homologue fidjien Frank Bainimarama, a estimé que « cet état de fait est tout simplement inacceptable pour notre planète et en particulier les plus vulnérables ».

« Malgré les efforts positifs consentis par l'ensemble des Parties, nous devons en faire davantage. Il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire, beaucoup de choses que nous devons faire pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris et de l'Agenda 2030 pour le développement durable ». Salaheddine Mezouar, président sortant de la COP.

Il ya donc beaucoup à faire notamment dans l'urgence et particulièrement en Afrique en matière prévention des catastrophes et de renforcement de la résilience face aux conséquences des dérèglements du climat. C'est ce qu'a d'ailleurs mis en exergue lors de son allocution d'ouverture le premier ministre fidjien dont le pays, qui représente les pays insulaires, fait face aux mêmes défis.

« Nous avons des objectifs très spécifiques à atteindre à Bonn. Nous espérons que ces négociations seront la prochaine étape essentielle qui assure que la structure de l'Accord de Paris soit achevée, que son impact soit renforcé et que ses objectifs soient atteints », a tenu à rappeler la Secrétaire exécutive de la CCNUCC, Patricia Espinosa.

« Nous devons également aller de l'avant pour honorer les engagements d'ici à 2020. À cet égard, les promesses de financement et d'atténuation sont essentielles » a-elle également ajouté à l'endroit des participants et conceptualisant les véritables enjeux pour le continent.

Le financement tarde toujours à se concrétiser

Il y a certes de l'enthousiasme à la COP 23 que ne saurait tempérer même l'annonce en juin dernier du président Donald Trump de retirer son pays de l'Accord. Cependant, l'un des grands défis et sur lequel l'Afrique attend plus que des promesses et de nouveaux engagements, la question du financement. Il s'agit notamment de l'enveloppe de 100 millions de dollars américains supplémentaires à injecter par an de 2015 à 2020 promis par les pays riches et autres bailleurs de fonds internationaux, mais qui tarde à se concrétiser.

Lors de la COP 23, il sera de nouveau question d'accélérer la mise en œuvre de l'Accord de Paris en adoptant des règles d'application sur un calendrier des actions, la contribution des pays ainsi que les mécanismes d'évaluation du processus. « Il sera essentiel de veiller à ce que les intérêts de ses 54 pays membres régionaux ne soient pas lésés dans cette nouvelle étape, cruciale » estime-t-on par exemple à la BAD.

Afin de renforcer les moyens du plaidoyer africains, le 15 novembre se tiendra, comme à Marrakech, « la Journée de l'Afrique » au sein de la COP23, une célébration organisée conjointement par la Banque africaine de développement (BAD), l'Union africaine (UA), la Commission économique pour l'Afrique des Nations unies (CEA) et le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD). D'autres événements parallèles à la COP 23 sont également prévus pour mettre le continent au cœur des discussions et plusieurs d'entre eux sont organisés dans le cadre du Partenariat de Marrakech pour l'action climatique mondiale pour montrer comment des villes, des régions, des entreprises du secteur privé et des investisseurs s'efforcent de mettre en œuvre l'Accord de Paris dans les secteurs de l'énergie, de l'eau, de l'agriculture, des océans et zones côtières, des établissements humains, du transport, de l'industrie, et des forêts.

Alors que les discussions et les négociations sont entrées dans le vif du sujet, beaucoup d'observateurs ne se font pourtant guerre d'illusion. Afin de mieux rendre effectif l'opérationnalisation de l'Accord de Paris, le secrétaire générale de l'ONU, Antonio Guterres invitera les dirigeants du monde entier à envisager de se faire les champions de six domaines à fort impact lors d'un Sommet sur le climat prévue en 2019. Ces domaines sont l'investissement dans les technologies propres, la tarification du carbone à maturité, la transition énergétique, l'atténuation des risques et le renforcement de la résilience, l'augmentation de la contribution des acteurs nationaux et des entreprises et la mobilisation de la finance climatique.

« En mettant l'accent sur ces secteurs, nous pouvons réduire considérablement l'écart entre là où nous sommes et là où nous devons être. Accroître l'ambition est la seule façon de maintenir la température mondiale bien en-deça de 2 degrés Celsius et près de 1,5 degré », défend la vice-secrétaire générale de l'ONU, la nigériane Amina J. Mohammed, lors de la réunion pré-COP organisé par les Iles Fidji.

Autrement dit, la COP 23 de Bonn "promet" également de nouvelles "promesses"...

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