Suez met en avant sa "vitrine Maroc"

Le géant français Suez vient de lancer un vaste programme de communication pour promouvoir ses installations au Maroc. Objectif : faire du Maroc une vitrine des activités du groupe pour le continent.

Le timing n'est pas fortuit. A la veille de la COP22, qui se tient du 7 au 18 novembre à Marrakech, l'entreprise française de traitement des eaux et des déchets Suez lance un vaste programme de communication pour promouvoir ses installations dans le royaume. Et montrer qu'elle "soutient la transition environnementale du pays qui accueille la COP22". 

L'un de ses projets phares au Maroc a été présenté par l'état major de l'entreprise à la presse étrangère mercredi 28 octobre. Il s'agit du nouveau centre d'élimination et de valorisation des déchets de Meknès, ville située à 160km de la capitale Rabat.

Une longue histoire avec le Maroc

En 2013, cette ville spirituelle du Maroc lançait un appel d'offres pour réhabiliter la décharge de la ville et sortir du secteur informel quelque 150 chiffonniers. C'est finalement le projet de Suez qui reçoit l'aval de la ville, pour un contrat sur 20 ans avec à la clé un investissement de 960 millions de dirhams (environ 89 millions d'euros). Les travaux ont commencé le 1er janvier 2014.

Il faut dire que le deuxième groupe mondial dans les domaines de la gestion de l'eau et des déchets partage une longue histoire avec le Maroc. En 1912, à une époque où elle s'appelait encore la Lyonnaise des eaux, la compagnie réalisait déjà des travaux publics à Casablanca, capitale économique du pays. Aujourd'hui, elle est en charge du traitement des déchets urbains dans plusieurs villes du royaume.

Réhabilitation des chiffonniers, un passage obligé

Au delà de la dimension économique et environnementale, cette nouvelle implantation a aussi une portée résolument sociale. Le cahier des charges du projet imposait en effet à toute compagnie remportant l'appel d'offres de non seulement régler les problèmes liées au lixiviat -ce liquide très polluant qui émane des ordures ménagères-, mais aussi de réhabiliter les quelque 150 chiffonniers qui travaillaient de manière informelle dans l'ancienne décharge. 

Pour ce faire, Suez les a aidé à se réunir en coopérative. Une tâche qui n'a pas été évidente, de l'aveu même de Brice Mégard, directeur général du centre de traitement des déchets de Meknès lieu. "Au lieu de nous prendre un an, comme nous l'avions prévu, cela nous a pris deux ans pour les réunir dans cette coopérative", explique-t-il à la Tribune AfriqueCar "il a fallu trouver des leaders, les convaincre des bienfaits sociologiques d'une coopérative, ce qui n'a pas été facile. Mais au final, ils ont fini par comprendre les avantages que cela pouvait leur conférer et ont accepté de servir de moteur à ce projet".   

Brice Mégard affirme également que même si la municipalité n'avait pas imposé dans son appel d'offres la prise en charge des chiffonniers, la construction et implantation du centre aurait été très compliquée sans eux: "Si on ne les avait pas intégré au projet, ils auraient pu faire barrage à sa construction ou bien seraient allés en ville", ce qui aurait "créé des tensions non seulement entre eux mais aussi avec les chiffonniers déjà présents à Meknès", réplique Mohamed Said Daoudi, ingénieur en chef de la ville de Meknès.  

Du coté des chiffonniers, dont plus de la moitié vit dans un bidonville environnant, même si les bénéfices économiques de cette coopérative ne se font pas encore sentir, ils estiment d'ores et déjà que cette coopérative leur apportera "un peu de dignité". C'est le cas d'Ahmed, qui nous confie qu'"avant, nous étions en marge de la société, on se faisait traiter de voleurs, on se moquait de nos enfants à l'école. Au moins avec cette coopérative, nous sommes traités comme des êtres humains".  

Dans le détail, les 150 chiffonniers, dont 24 femmes, disposeront d'un espace de 3.000 m2 pour trier les ordures. Ils récupéreront les denrées qu'ils peuvent revendre aux intermédiaires (surtout du plastique). Le reste des ordures, qui ne peut pas être recyclé ou réutilisé, sera enterré.

Pour éviter toute contamination des sols par le méthane, le site dispose de tuyaux qui récoltent ce gaz (quatre fois plus polluant que le CO2) produit par les ordures et le transforme en Biogaz. 
Suez espère, dans un futur proche, en produire suffisamment pour alimenter en Biogaz les usines de brique environnantes.

Le Maroc, vitrine pour l'Afrique

Au Maroc, ce centre s'inscrit dans le cadre de la stratégie lancée par le pays pour se doter de centres de tri. Depuis 2008, plusieurs centaines de millions de dirhams ont été investis pour lancer un ambitieux programme de gestion des déchets qui comporte un volet tri et valorisation. Des expériences pilotes ont été lancées à Casablanca et Rabat.

Pour Pierre-Yves Pouliquen, directeur général de Suez délégué à l'Afrique, le Moyen-Orient et l'Inde, le Maroc représente pour Suez une "vitrine pour l'Afrique". Le centre de Meknès est le premier de Suez sur le continent. La compagnie avait en effet lancé des projets similaires dans le monde arabe, notamment à Oman, où elle dispose de trois sites du genre, mais jamais sur le continent. 

Toujours est-il que Suez a récemment répondu à un appel d'offre pour une autre implantation s'inspirant de celle de Meknès, quoique plus petite, au Togo. Il faut dire que l'enjeu du traitement des déchets et des eaux est une question primordiale non seulement pour le Maroc mais pour tout le continent. Comme nous l'explique Pierre-Yves Pouliquen, "le stress hydrique ne peut plus être évité. Il s'agit d'une réalité que les Etats doivent maintenant gérer".

Pierre-Yves Pouliquen explique également qu'un des obstacles au traitement des eaux et des déchets est le le financement: "certains pays ou municipalités n'ont pas les moyens d'investir dans des implantations à long terme".

Mettre en place des technologies adaptées au continent


Autre problème de taille pour nourrir les ambitions de Suez en Afrique: l'instabilité politique dans certains pays du continent, en raison des conflits à répétition qui constituent un frein à son développement: "Nous avions prévu de lancer un projet de Suez pour le traitement des eaux en Ethiopie, mais il a été abandonné à cause de l'instabilité politique dans la région", explique Pierre-Yves Pouliquen.

D'autant que les résultats ne sont pas forcément immédiats: "Ce sont des projets dont les effets n'apparaissent qu'après 5 ans. Certains concurrents proposent parfois des technologies qui ne sont pas adaptées à la région, des projets que M. Pouliquen surnomme "des éléphants blancs": "Chaque pays a ses propres spécificités par rapport au besoin de l'eau, comme chaque pays a ses spécificités par rapport aux ordures. Nous devons nous adapter à cela et non ramener une technologie testée en Europe dans un contexte complètement différent".

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