Agriculture : l'espoir qui vient de l'accord de Paris

Le développement d'une agriculture durable en Afrique concentre, en partie, la réponse appropriée pour la prise en compte des défis induits par le changement climatique sur le continent. Plusieurs initiatives ont été lancées par les pays africains afin d'accompagner l'adaptation de l'agriculture africaine. Il s'agira maintenant d'assurer leur financement, une priorité majeure qui sera au cœur de la mise en œuvre de l'Accord de Paris dans les prochaines années.

Comme pour ce qui est de la capacité du continent à nourrir le monde en misant sur le développement de son secteur agricole, l'Afrique offre aussi des solutions à la problématique du changement climatique. Le réchauffement du climat est aujourd'hui une menace majeure pour l'agriculture africaine et mondiale, mais il offre également des opportunités pour l'atteinte des objectifs de l'Accord de Paris en faveur du climat. Avec des pratiques agricoles intelligentes face au climat, la production agricole annuelle africaine pourrait passer de 280 milliards de dollars américains à 880 milliards d'ici à 2030. L'adaptation constitue la solution idoine pour le continent.

Sept africains sur dix dépendent pour leur survie de l'agriculture, qui s'avère le secteur économique le plus vulnérable et le plus exposé aux impacts du dérèglement climatique, ainsi que l'a rappelé une publication de la Banque Africaine de Développement (BAD).  En Afrique, plus de 90 % de l'agriculture dépend des précipitations et selon la banque mondiale, de 1960 à nos jours, le continent a connu près de 2000 catastrophes naturelles.

Le défi de l'accès au financement

Dans la mobilisation mondiale contre le réchauffement climatique, l'adaptation de l'agriculture africaine est la priorité des priorités. Dans ce sens, c'est l'accès au financement qui constitue le nerf de la guerre. Le manque de financement est en effet une contrainte de poids à l'exploitation des opportunités climatiques en Afrique et bien qu'il existe des opportunités de financement pour soutenir le développement résistant au climat en Afrique, les besoins dépassent de loin les ressources disponibles.

Le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) a estimé, en marge de la COP 22, que les coûts moyens annuels de l'adaptation au changement climatique en Afrique atteindront 7 à 15 milliards d'ici à 2020. Et ils seront portés à une fourchette de 15 à 18 milliards pour la décennie suivante «si le monde reste sur la trajectoire qui conduit à un réchauffement climatique moyen de 3,4°C à 4°C». Ainsi donc, c'est en moyenne 11 milliards de dollars par an qui seront nécessaires d'ici 2020 pour accompagner l'adaptions de l'agriculture africaine. Jusqu'à présent, le financement de l'adaptation pour l'Afrique, tant bilatéral que multilatéral, se monte à 516 millions de dollars par an en moyenne, a estimé le PNUE, en provenance de fonds mondiaux pour le climat.

En outre, «l'accent mis sur les projets détourne les ressources des gouvernements receveurs loin des réponses systémiques nécessaires pour étayer des approches à l'adaptation générant de vrais changements», estime le PNUE.

La mise en œuvre de l'Accord de Paris doit par conséquent tenir compte de ces enjeux pour le continent et fort heureusement, c'est l'un des aspects qui reviennent régulièrement lors des négociations comme en a témoigné le chef des négociateurs pour l'Afrique, Seyni Nafo. A condition toutefois, que le continent s'organise afin de mieux défendre ses intérêts, ce qui a commencé avec le lancement de plusieurs initiatives collectives qui tiennent compte des défis de l'heure.

Initiatives africaines

Le 30 Septembre dernier, 27 pays de l'Afrique ont adopté «la déclaration de Marrakech» destinée à mobiliser une large coalition en faveur de l'Initiative pour l'Adaptation de l'Agriculture Africaine (AAA) dite « Initiative Triple A». Lancée en Avril dernier par le Maroc, il s'agit, selon le ministre marocain de l'Agriculture, Aziz Akhannouch, «d'une grande alliance pour faire valoir les intérêts de l'agriculture africaine pendant la COP22 et au-delà». Il s'agit, en somme, d'un cadre commun qui vise à soutenir le principe d'un financement public et privé plus important, plus efficace et plus efficient et d'un suivi des fonds effectivement déboursés pour l'Adaptation, l'Agriculture et l'Afrique, ainsi qu'un accès facilité des projets africains aux fonds climat.

Dans ce cadre, il sera question de contribuer à l'action et aux solutions à travers notamment le Plan Mondial d'Action pour le Climat (Global Climate Action Agenda), en mettant en avant des projets et bonnes pratiques africaines dans des domaines tels que la gestion des sols et l'agro foresterie, de la maîtrise de l'eau agricole, de la gestion des risques climatiques et du financement des petits exploitants. Ces derniers constituent l'un des groupes les plus vulnérables. L'Initiative a été élaborée sur la base d'un constat assez simple mais qui cristallise les enjeux liés à la problématique du développement du continent.

«Les agricultures africaines, particulièrement vulnérables face aux changements climatiques mais aussi porteuses de solutions, ne sont pas assez prises en considération dans les négociations internationales et dans la distribution des fonds climat», ont relevé les experts scientifiques qui se sont penchés sur les défis auxquels sont confrontés les pays africains dans le contexte actuel ainsi que les perspectives pour les prochaines années.

La COP 22 a de ce fait constituée «un rendez-vous décisif pour mettre en valeur les synergies des pays africains pour l'adaptation de l'agriculture aux changements climatique». Les pays signataires de l'Initiative ont tenu à réaffirmer qu'elle s'inscrit dans le cadre de l'Initiative Africaine pour l'Adaptation (IAA) portée par la Conférence Ministérielle Africaine sur l'Environnement (l'AMCEN) lancée par l'Egypte à la COP21, qui coordonne le Comité des Chefs d'Etat et de Gouvernement Africains sur le Changement Climatique (CAHOSCC).  A travers cette initiative, les pays africains veulent en effet peser de tous leurs poids dans les négociations mais aussi dans la répartition des fonds lors des prochaines COP, à partir de celle de Marrakech. C'est d'ailleurs autour de ces deux volets qu'elle a été structurée. D'une part, mettre l'agriculture au centre des négociations climat et d'autres parts, appuyer le principe d'un financement climat plus important, plus efficace et plus efficient pour l'agriculture africaine, et parallèlement contribuer au Plan Mondial d'Action pour le Climat et tout autre cadre pertinent en mettant en avant des projets d'adaptation et bonnes pratiques agricoles en Afrique.

Ainsi, c'est dans le cadre de la mise en œuvre de cette stratégie que la BAD a lancé, le mardi 15 novembre à Marrakech, l'IAA. Selon l'institution panafricaine, cette initiative qui se décline comme «la petite sœur de l'initiative Triple A» a vu le jour à l'occasion du 25e sommet des chefs d'Etat de l'Union africaine, en juin 2015. C'est aussi une initiative conjointe de la Conférence ministérielle africaine sur l'environnement (CMAE) et du Groupe africain des négociateurs qui a été axée autour de quatre piliers principaux. Il s'agit de l'amélioration des infrastructures d'observations climatiques ainsi que des systèmes d'alerte précoce, du soutien au développement et à la mise en œuvre de politiques nationales et régionales, de la facilitation de la mise en œuvre des projets spécifiques sur le terrain afin d'améliorer les mesures d'adaptation et enfin, du  renforcement de la capacité des pays africains à accéder à des ressources financières.

Selon la BAD, «l'IAA entend aider à mettre en place les mécanismes pour soutenir et accélérer la mise en œuvre des programmes phares de lutte contre le changement climatique ciblant la préservation du capital naturel et la biodiversité, afin de garantir la sécurité alimentaire et mobiliser les financements nécessaires pour renforcer la capacité d'adaptation du continent».

De son côté, l'initiative «Triple A» va désormais se charger de mobiliser des fonds pour financer les projets agricoles et renforcer les capacités des agriculteurs, ainsi que de développer l'assurance sécheresse pour pouvoir garantir la pérennité des revenus des exploitants.

Solutions locales

C'est un intérêt stratégique et vital pour le continent au vu de l'importance de l'agriculture dans le développement socioéconomique des pays africains. Selon les prévisions des experts, en 2025 les deux tiers des terres arables pourraient être perdues et en 2050 les rendements agricoles pourraient baisser de 20%. Ces mêmes experts estiment qu'il faudrait tripler la productivité à l'horizon 2050 pour nourrir une population qui devrait doubler sur la même période.

«Le constat, tout comme les prévisions, sont assez alarmantes, mais dotée de moyens adéquats, l'Afrique est capable non seulement de s'adapter aux changements climatiques mais également de répondre aux défis de productivité et de développement durable», assurent les membres du Comité scientifique de «l'Initiative AAA» dans un Livre blanc qui a été étoffé par un ensemble de solutions en matière de gestion des sols, de maîtrise de l'eau et de gestion des risques climatiques.

«Il y a déjà des actions mises en œuvre sur le continent à travers des pratiques ancestrales comme des pratiques innovantes. Les choses bougent, les solutions existent, les ressources aussi ! L'initiative Triple A peut et doit aider à mettre tout ça ensemble, à créer des synergies, de la complémentarité et surtout à passer à l'échelle supérieure», a d'ailleurs, argumenté Seyni Nafo, le président du groupe des négociateurs de l'Afrique sur le Climat. Lors de la rencontre de Marrakech, plusieurs exemples de ces initiatives ont été exposées et ont mis en exergue les programmes de reforestation des surfaces consacrées au cacao en Cote d'Ivoire, les mesures d'économie d'eau au Maroc ou l'utilisation optimale des engrais sous forme de briquettes dans les rizières au Mali.

A travers l'engagement paraphé à Marrakech, les pays africains visent à parvenir à une augmentation durable de la productivité et des revenus agricoles, à l'adaptation et au développement de la résilience face aux changements climatiques, ainsi qu'un renforcement des capacités africaines en matière de politiques et de programmes agricoles, de montage et de gestion de projets résilients face au climat. L'agriculture est un secteur à forte contribution en matière d'atténuation en ce sens que l'amélioration des pratiques agricoles permet non seulement de réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de préserver le pouvoir de captation du carbone des sols et de limiter la déforestation.

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Commentaires 2
à écrit le 27/01/2017 à 14:02
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Les nombreuses méthodes agricoles écologiques, dont l’agriculture biologique, ainsi que la reforestation, constituent les meilleurs moyens face au réchauffement climatique, et garantissant la sécurité alimentaire et la régulation de l’eau. Les cl...

à écrit le 01/01/2017 à 19:47
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Que tout ceci va être difficile à contrôler, à vous autres journalistes d'enquêter pour bien surveiller que l'agro-industrie ne s'abatte pas sur l'Afrique d'une façon ou d'une autre, il est temps de penser une agriculture plus intelligente, plus rais...

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