Pour Etienne Giros, « l’Afrique reste l’un des derniers pôles de croissance au monde »

Le 18 avril dernier, le Conseil français des Investisseurs en Afrique (CIAN) révélait les résultats de son baromètre annuel. En 2022, plus des trois quarts des entreprises françaises en Afrique ont prouvé leur résilience dans un contexte mondial troublé, affichant un chiffre d'affaires en hausse ou à l'équilibre et révélant de nouvelles frontières vers la Tanzanie ou l'Ouganda.
(Crédits : CIAN)

Le 18 avril, le CIAN attendait près de 1 800 participants (en présentiel et en distanciel) à l'occasion de son Forum annuel lors duquel les résultats du baromètre qui mesure depuis plus de 40 ans, la perception des entreprises françaises implantées en Afrique, fut révélé, devant un parterre de personnalités françaises et africaines. Des délégations venues du Tchad, du Congo, du Niger, du Gabon et du Cameroun, avaient répondu à l'invitation du CIAN pour cette journée de rencontres et de débats autour des relations économiques franco-africaines.

Pour Chrysoula Zacharopoulou, la Secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux, le temps est venu « d'accélérer la relation (de la France) avec le continent africain ». Après « l'aide au développement », l'heure est au « business », en particulier dans les pays anglophones qui tirent la croissance du continent.

« Il ne faut pas réduire la relation au niveau militaire », a précisé Chrysoula Zacharopoulou, après la débâcle militaire de l'armée française dans le Sahel. Pour redynamiser la relation entre la France et l'Afrique, l'Élysée mise notamment sur la jeunesse et l'entrepreneuriat. « Il faut mettre à disposition de cette jeunesse, les bonnes informations », a souligné Ouhoumoudou Mahamadou, le Premier ministre du Niger (un pays où l'âge médian est inférieur à 15 ans, selon l'ONU, et où le sentiment « anti-français » menace, depuis la réarticulation du dispositif militaire français dans le pays).

« Le monde a évolué, les rapports que nous avions avec la France par le passé ne sont plus les mêmes, la jeunesse doit le comprendre », a-t-il expliqué. « Nous devons créer une nouvelle dynamique (...) développer les échanges universitaires, pour s'inscrire dans le cadre d'un renforcement des capacités techniques. Nous appelons les investisseurs étrangers en Afrique, mais, encore faut-il qu'ils y trouvent une main-d'œuvre qualifiée », a-t-il poursuivi.

Les entreprises françaises affichent une résilience à toute épreuve

Depuis 1979, le Conseil français des Investisseurs en Afrique (CIAN) interroge les dirigeants des entreprises internationales implantées en Afrique. Le dernier baromètre du CIAN a fait l'objet d'une enquête menée dans 42 pays africains. En substance, le chiffre d'affaires de 58 % des entreprises sondées était en croissance en 2022, retrouvant le niveau qui prévalait avant le Covid-19 (la pandémie ayant fait chuter le chiffre d'affaires moyen de près de 10 points). L'Afrique australe, l'Afrique de l'Est et l'Océan indien se sont montré les régions les plus dynamiques. Les deux tiers des entreprises interrogées y affichaient une augmentation de leur activité (82 % des entreprises implantées en Afrique du Sud, 77 % de celles présentes au Kenya, 75 % des entreprises basées à Maurice et 70 % en Tanzanie).

Au nord du continent, en particulier en Mauritanie, en Tunisie et en Égypte, 60 % des entreprises étaient en croissance (+10 % par rapport à 2021). Du côté du Maroc et de l'Algérie, le bilan est en demi-teinte. Un tiers des entreprises ont reconnu une baisse de leur activité. L'Afrique de l'Ouest présente aussi des disparités importantes, du Bénin où 92 % des entreprises interrogées affichent des résultats en croissance, au Burkina Faso où 86 % des entreprises déclarent que leur activité a baissé. En Afrique centrale, alors que 50 % des entreprises sont en croissance (Guinée équatoriale, Tchad, République démocratique du Congo), d'autres pays comme le Cameroun, « semblent plutôt marquer l'arrêt », a révélé l'étude du CIAN.

Côté investissements pour 2023, la Tanzanie, le Kenya, l'Ouganda, mais aussi le Togo, le Nigéria, le Niger, le Maroc, la Mauritanie sont les destinations les plus attractives aux yeux des investisseurs français. A contrario, le Mali, Djibouti, la Centrafrique et la Tunisie, traversés par des crises politiques et/ou sécuritaires, se retrouvent en bas du classement.

Un « New-Deal » franco-africain qui se fait attendre...

« Cet âge de la Françafrique est bien révolu et j'ai parfois le sentiment que les mentalités n'évoluent pas au même rythme que nous quand je lis, j'entends, je vois, qu'on prête encore à la France des intentions qu'elle n'a pas, quelle n'a plus », déclarait le président Macron devant la communauté française du Gabon, en mars dernier à l'occasion du One Forest Summit.

Le « New-Deal » appelé successivement des vœux par les présidents français depuis Nicolas Sarkozy, pour en finir avec la « Françafrique » tarde à se matérialiser. « S'il n'y a pas de Françafrique, peut-être faut-il construire une nouvelle relation, plus équilibrée », a déclaré le président du Congo, Denis Sassou N'Guesso dans une interview enregistrée à Brazzaville quelques jours plus tôt, et diffusée lors du forum Afrique du CIAN.

Interrogé sur l'abstention du Congo à l'ONU pour condamner l'invasion russe en Ukraine, il a expliqué que c'était par « la voie diplomatique que l'on pourrait trouver une issue, et non pas par la guerre ou par l'exclusion des parties, du débat international ».

Depuis 20 ans, la France ne cesse de perdre des parts de marché sur le continent africain, passant de 10,6 % à 4 % en 2 décennies, selon la Coface. Néanmoins, les entreprises françaises campent la 2e place en matière de stocks d'investissement, derrière les États-Unis et la Chine. Les entreprises françaises restent bien positionnées dans l'énergie, la distribution et les télécoms, et perdent du terrain au niveau des infrastructures et dans le secteur pharmaceutique face aux concurrents chinois, indiens ou turcs.

Le désengagement progressif des banques françaises en Afrique (en dehors de la Société Générale) n'est pas sans complexifier la situation des entrepreneurs français dans certaines régions comme le Sahel. Par ailleurs, au Mali comme au Burkina Faso, nombre de PME s'inquiètent de la relation politique troublée avec Paris, et sont tentées de plier bagage, révèle l'étude.

Après la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine s'est répercutée sur un certain nombre d'économies africaines, à l'instar de l'Égypte (le 1er importateur mondial de blé). La dette des pays d'Afrique se rapproche dangereusement des niveaux des années 2000 (Tchad, Gambie ou Ghana). Néanmoins, la croissance du continent repart et devrait être supérieure à 4 % cette année, selon la Banque africaine de développement (BAD).

Afin de lutter contre la surestimation du risque, Etienne Giros a martelé que le continent était « rentable » pour les investisseurs français. Pour le président du CIAN, « l'Afrique reste l'un des derniers pôles de croissance au monde ».

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 26/04/2023 à 12:17
Signaler
Il y a trop d'incertitudes pour investir durablement en Afrique. L'instabilité politique n'est pas un facteur favorable attisée par l'importation des modèles Russes et Chinois dont semblent friands les apprentis dictateurs avides de richesse.En ajou...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.